Élargissements de l’UE : la communication de moins en moins à la hauteur de l’événement

Dans la vie de la construction européenne, les élargissements successifs sont des événements importants, dont la communication semble de plus en plus diverger. Qu’en est-il exactement ?

Élargissements antérieurs et renforcement du narratif européen

Avec 7 élargissements depuis 1957, l’Union européenne est habituée à accueillir de nouveaux membres qui s’inscrivent toujours dans un récit logique et cohérent qui donne du sens, signifiant à la fois une volonté de crédibiliser le projet d’ensemble et de donner une destination future. D’une certaine manière, les élargissements successifs ont chacun conforté le narratif européen.

Songeons aux élargissements importants :

  • En 1973, la Communauté économique européenne est suffisamment solide pour accueillir des anglosaxons désireux de la rejoindre avec le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark alors qu’ils n’avaient pas été convaincus dès le départ ;
  • En 1986, le choix incarne parfaitement l’ambition d’une collectivité démocratique qui accueille des ex-dictatures d’Europe du Sud avec l’Espagne et le Portugal ;
  • En 1995, l’ouverture renforce le projet de paix avec l’entrée de pays neutres avec l’Autriche, la Finlande et la Suède, ces deux derniers étant d’ailleurs actuellement en train de frapper à la porte de l’OTAN.

L’élargissement, le plus important, en 2004, correspond évidemment à l’unification avec les démocraties d’Europe centrale et orientale, ex-membres forcés du Pacte de Varsovie, qui signe une véritable consolidation du projet continental de l’Union européenne. Malgré les critiques relatives pour l’essentiel à la temporalité de cet élargissement, le principe d’accueillir des peuples ayant souffert pendant la Guerre froide ne pouvait raisonnablement être refusé malgré les conséquences anticipées ou inattendues.

A chaque élargissement jusqu’à présent, les choix historiques de la communauté européenne venaient nourrir et enrichir la vision, les promesses et la symbolique de la construction européenne, confortée à chaque étape, bien que cela n’en fasse pas un projet davantage populaire pour autant.

Élargissements présents et balkanisation du message européen

La machine se grippe avec les États des Balkans après le conflit en ex-Yougoslavie. Dernière péripétie cette semaine avec l’échec des membres de l’Union européenne à pouvoir confirmer officiellement la trajectoire européenne de pays comme la Serbie ou le Monténégro. Et de justesse pour la Macédoine du Nord – après un blocage de dernière limité lié à la chute du gouvernement bulgare – se verra finalement accéder au feu vert pour l’ouverture des négociations d’adhésion, comme l’Albanie tandis que le Kosovo et la Bosnie-Herzégovine restent au point mort. Bref, difficile de s’y retrouver, c’est la balkanisation des candidatures.

L’attente aux portes de l’Union est toujours trop longue et parfois humiliante, puisqu’un des États dans le purgatoire a du quand même changé de nom (Macédoine du Nord). La symbolique pour le projet européen est délétère ainsi que le ressentiment dans les classes politiques et le risque de dégradation du soutien à l’intégration européenne dans les opinions publiques locales.

La faillite à ne pas parvenir à donner une trajectoire proeuropéenne, la nature ayant horreur du vide, ne peut faire craindre que des conséquences négatives pour la géopolitique européenne à ses propres frontières face aux puissances russe ou chinoise qui viennent profiter de la situation pour semer la zizanie.

Alors que la communication politique était parvenue jusqu’à présent à réinscrire les élargissements dans le projet d’ensemble de la construction européenne de manière constructive, l’élargissement aux Balkans ne fait que souligner la division et l’incapacité à s’aligner sur une position claire d’ouverture.

Élargissements sous contrainte et realpolitik

Lors du Conseil européen de fin juin, les chefs d’État et de gouvernement confirment le statut officiel de pays-candidat à l’UE pour l’Ukraine, en conflit avec la Russie depuis plusieurs mois ainsi que la Moldavie menacée aussi tandis que la Géorgie, qui a également connu des affrontements militaires avec la Russie, ne se voit pas officiellement confirmée.

Laissons de côté la timidité des messages des dirigeants européens à l’issue du Conseil européen, quoique la visite tant attendue des responsables allemand, français et italien à Kiev est venue in extremis évité l’incident diplomatique avec un Volodymyr Zelensky peu enthousiaste avec les partisans du camp de la paix au risque de l’apaisement face à ses voisins culturels et géographiques de l’UE, défenseurs de la justice territoriale et hébergeant les migrants ukrainiens.

Oublions les rares débats relatifs aux conséquences de ces élargissements historiques sous la contrainte de la realpolitik qui n’ont pas suffisamment permis d’éclairés les nombreux enjeux tant pour le projet européen, la politique de voisinage, les futures politiques européennes, le futur budget ou encore la répartition des fonds structurels, sans même parler de l’idée de communauté politique européenne qui n’aura pas vraiment été débattue.

La famille européenne ne semble plus autant en capacité à mettre en récit avec passion et enthousiasme ses élargissements que les intérêts soient trop saillants ou les émotions trop négatives pour être vraiment communicatives.

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