Quels sont les enseignements du Conseil national du numérique pour la consultation citoyenne en ligne sur l’Europe ?

Alors que le questionnaire de la « Consultation sur l’avenir de l’Europe » vient d’être mis en ligne, à l’échelle de l’UE, en utilisant les contributions d’un Panel européen de citoyens, Jan Krewer, Secrétaire général adjoint du Conseil national du numérique, s’interroge sur « Comment réussir des consultations sur l’Europe à l’ère numérique », pour l’Institut Jacques Delors…

Promesses et limites de la désintermédiation portée par les civic tech en vue d’atteindre une consultation numérique qui permette l’inclusion, la délibération et la proximité avec la décision

A partir d’interrogations clés, Jan Krewer rassemble des observations pour évaluer le potentiel réel d’un dispositif de consultation citoyenne en ligne.

1. Une large consultation européenne peut-elle être inclusive ?

Entre d’une part, l’idéal d’une « mise en réseau des individus » ou la « mise en conversation de la société » et d’autre part, la fracture numérique et surtout des capacités encore très prégnante, l’enjeu de l’inclusion représente le 1er défi :

« La difficulté à parvenir à une forme de représentativité satisfaisante révèle la faiblesse des outils numériques quand il s’agit de légitimer des décisions démocratiques. Ce n’est pas pour autant un argument qui permet de les discréditer définitivement comme moyen de renforcer le caractère démocratique d’un processus de décision. »

2. Une véritable délibération en ligne entre citoyens est-elle possible ?

Entre l’idéal d’une démocratie délibérative parvenant rationnellement à établir un consensus et la réalité des contributions numériques des participants, l’enjeu de la délibération est un autre défi important :

« Il est difficile d’observer de véritables délibérations dans le cadre des consultations politiques menées en ligne à ce jour : peu de « branches » de discussions spécialisées se créent autour d’un argument et permettent d’aboutir à un consensus, qui reste en majorité issu de l’analyse qualitative ou quantitative menée a posteriori par l’organisateur de la consultation. »

3. Comment assurer la proximité avec les lieux de décision ?

Entre l’esprit d’ouverture honnête et sincère à la participation des citoyens et la méfiance contre une distraction voire une manipulation des citoyens, l’enjeu de la manière dont les contributions s’intègrent au processus de décision est fondamental :

« Les garanties apportées pour assurer la prise en compte des discussions dans la décision sont un facteur important pour la réussite des consultations en ligne. ».

Apports des dispositifs de consultation numérique : plus de transparence, une expertise nouvelle et de rapports de force par la mobilisation

A partir de consultations numériques menées en France, Jan Krewer livre des apports que l’on pourrait observer pour la consultation citoyenne en ligne sur l’Europe :

D’abord, les consultations en ligne favorisent une plus grande transparence des débats, non seulement des contributions de chacun, mais surtout des stratégies d’influence des différentes parties prenantes.

Ensuite, les consultations numériques permettent de solliciter une « intelligence collective », une sorte de « richesse des réseaux » qui se traduit par la mobilisation et les contributions de communautés inédites.

Enfin, les consultations en ligne « remettent en cause les rapports de force politiques institutionnels existants » et peuvent donc permettre à des mouvements sociaux numériques de s’en emparer.

Bonnes pratiques pour empêcher au maximum de dé-corréler la décision des débats organisés avec la société

Fort de son expérience au sein du Conseil national du numérique, Jan Krewer donne une série de recommandations opérationnelles qui contribueraient au succès de la consultation citoyenne en ligne sur l’Europe :

Réussir à créer un dialogue entre experts, décideurs et citoyens dans le cadre de la consultation… ce qui nécessite une transformation importante et un accompagnement non seulement de la société civile mais aussi des décideurs.

Organiser une restitution objective des débats et expliciter les modalités de leur prise en compte… ce qui peut se traduire par des réponses argumentées aux principales propositions plébiscitées par les contributeurs.

Mettre en place des dispositifs de suivi de la prise de décision, reposant notamment sur la transparence des positions défendues par les parties prenantes… ce qui conduit à mettre en place de véritables boucles de réaction tout au long du processus. 

Au total, si la consultation en ligne sur la refonte de l’Europe parvient à répondre aux enjeux d’inclusion, de délibération et de proximité, alors le dispositif pourrait contribuer à créer de nouvelles dynamiques relationnelles entre la société et les autorités sur les affaires européennes.

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