Dialogues citoyens de l’UE : vers un crowd-brainstorming européen inspiré des startups ?

A l’instar de Monsieur Jourdain qui apprend qu’il dit de la prose depuis longtemps sans le savoir dans le Bourgois gentilhomme de Molière, la Commission européenne aurait tout intérêt à s’inspirer de la communication des startups afin de tenter de booster la démarche des consultations citoyennes en vue des prochaines élections européennes pour en faire un véritable crowd-brainstorming européen…

Le dialogue citoyen en tant que « proof of concept » : de la simple idée à la démonstration à grande échelle

Tentons de réécrire l’histoire à l’aune de ce regard issu de l’écosystème des startupers. Dans le monde des startups, le « Proof of concept », i.e. POF c’est le graal des jeunes entrepreneurs : trouver une idée, qui sera testée grandeur nature pour en évaluer sa pertinence. La seule preuve du succès, c’est que ça marche !

D’abord, c’est assez bateau, il s’agit d’analyser les besoins pour répondre aux attentes. En l’occurrence, face au problème de l’abstention, la Commission européenne est convaincue que les citoyens seront d’autant plus motivés à voter aux élections européennes qu’ils auront pu s’exprimer et participer aux débats sur l’avenir de l’Europe.

Ensuite, il faut développer un « Minimum Viable Product » – une sorte de démonstration minimaliste « good enough » pour le marché. En ce sens, le format des dialogues citoyens est devenu, ni plus, ni moins pour la Commission européenne « un outil essentiel pour faire entendre de nouvelles voix au sein du débat sur l’avenir de l’Union ». De l’Année européenne des citoyens en 2013, au Livre blanc sur la réflexion pour l’avenir de l’Europe et maintenant aux consultations citoyennes européennes, la Commission européenne est parvenue à réassortir son « POF » qui s’est bon an mal an adapté au fil du temps.

Enfin, il convient de démontrer avec des indicateurs de performance adaptés que la démonstration concrète est suffisamment robuste et convaincante. En la matière, la Commission européenne s’y essaie sans totalement convaincre sur ses chiffres. Sur la base de 478 débats publics interactifs depuis janvier 2015 et 88 000 participants, l’extrapolation du retentissement médiatique potentiel à 175 millions de personnes semble quelque peu disproportionnée.

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La stratégie de « growth hacking » ou comment engager et démultiplier

Tout d’abord, la Commission européenne ne sera pas insensible à l’état d’esprit du growth hacking des startups qui consiste à faire feu de tout bois, à viser la « scalabilité », le déploiement à grande échelle le plus rapidement… dans un environnement contraint en termes de ressources humaines et budgétaires. Du coup, la Commission européenne devrait adopter l’état d’esprit « hackeur » qui vise à compenser la maigreur des moyens, voire l’absence de budget d’achat média par l’imagination, la créativité, le système D – autrement dit, à détourner les moyens de communication traditionnels, en utilisant des moyens non conventionnels.

Ensuite, la Commission européenne devrait adopter l’attitude empathique du growth hacking qui consiste à se mettre à la place du public afin de comprendre ce qu’il veut, ce qu’il ne veut pas, ce qu’il fait, ce qu’il ne fait pas. Viser la conversion des publics, c’est-à-dire le passage à l’acte, l’engagement est au cœur d’une démarche de growth hacking. Là encore, la Commission européenne semble en avoir pris conscience en affirmant : « Plus ces discussions seront solidement ancrées dans l’information, le débat et la participation des citoyens et de la société civile dans les États membres, plus les résultats seront fructueux ».

Enfin, la Commission européenne doit capitaliser sur toutes les bonnes volontés pour coaliser des partenaires, obtenir la conviction des parties prenantes, seule possibilité pour débloquer des moyens ainsi que le font les startups qui parviennent à lever des fonds en convaincant des investisseurs.

Sous cet angle, il faut comprendre la démarche que l’on pourrait qualifier de maoïste « que 500 fleurs s’épanouissent » avec l’organisation d’ici mai 2019 de 500 événements supplémentaires. Mais surtout, dans son communiqué, la Commission « salue aussi les initiatives des États membres qui organisent leurs propres conversations nationales avec les citoyens sur l’avenir de l’Europe ».

Vers un crowd-brainstorming européen

Quoique confusément, se dégage une stratégie de démultiplication entre toutes les initiatives pour animer un vaste débat public sur l’avenir de l’Europe, où la Commission européenne se positionne en catalyseur des initiatives :

  • En Irlande, depuis novembre 2017, la campagne « Your future. Your Europe. » vise à susciter un débat public sur l’avenir de l’Europe ;
  • En Suède, des forums consultatifs thématiques organisés pour chaque document de réflexion lié au livre blanc de la Commission européenne sur l’avenir de l’Europe visent à mieux faire connaître l’Union et à améliorer la consultation des parties prenantes ;
  • En Bulgarie, une série de dialogues avec les citoyens sur l’avenir de l’Europe dans le cadre de la présidence du Conseil de l’Union européenne au cours du premier semestre 2018 ;
  • Last but not least, sur la base d’une proposition française, des consultations des citoyens sur l’avenir de l’Europe seront organisés dans pas moins de 23 États membres.

Au total, suivant un état d’esprit adaptatif très « startup », la Commission européenne concède que « la structure adéquate d’un tel processus variera d’un État membre à l’autre : le débat pourra avoir lieu isolément, sur une base collective entre États membres participants ou dans un cadre soutenu par les institutions européennes ».

En résumé, si l’innovation autour d’un crowd-brainstorming européen s’impose pour réfléchir à l’avenir européen, l’abstention pourrait être battue aux prochaines élections au Parlement européen.

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