La vidéo en ligne comme outil de communication politique en Europe

Face au développement exponentiel de la production et du partage de vidéos en ligne, rappelant le passage du pouvoir de la presse papier vers celui de la télévision, Patricia Dias da Silva explore l’exploitation de Youtube par les institutions européennes dans le dossier « « l’Europe sur les réseaux sociaux » publié dans la revue « communication & langages » n°183 en mars 2015.

Communiquer la politique sur Youtube

Lancé en 2005, Youtube consacre rapidement une chaîne – Citizentube – aux discussions politiques, constatant l’émergence d’un environnement médiatique dans lequel des citoyens ordinaires peuvent alimenté une nouvelle méritocratie dans les médias politiques.

Peu à peu, la vidéo en ligne remodèle la scène médiatique politique. Aux Etats-Unis, avec des débats associant Youtube et CNN lors des primaires en 2007. Puis avec un partenariat Youtube et PBS, le réseau de télévision publique américain avec YouChoose08 encourageant les citoyens à se filmer télécharger la vidéo de leur vote.

En Europe, en 2009, année électorale pour l’UE, Youtube assure la promotion de « Questions pour l’Europe », une chaîne créée en collaboration avec Euronews qui demande aux citoyens de formuler leurs questions à destination des candidats.

Dorénavant, les candidats perdent le contrôle de leur image, qui dépend de l’interaction entre les productions officielles et les créations (détournement, parodie…) des Youtubeurs.

Communiquer l’Europe sur Youtube

La chaîne de la Commission européenne, EUtube est lancée le 29 juin 2007 avec comme slogan « Sharing the sights and sounds of Europe ». En trois mois, la chaîne a reçu plus d’un million de visites et près de 7 millions de vues, qui sont le fait d’une seule vidéo « Film lovers will love this » qui montre des scènes explicites à caractère sexuel.

Les premiers pics d’audience correspondent notamment au premier anniversaire de la chaîne avec une rétrospective de vidéos et à une série de vidéos sur le changement climatique « YOU control climate change ». D’ailleurs, au cours des 2 premières années, les questions environnementales et relatives au changement climatique sont prédominantes.

Les premières vidéos publiées sont plus longues que les plus récentes. Souvent produites avant le lancement de la chaîne, leur format correspond à des vidéos de promotion classiques (musique de fond, générique). Des vidéos sur l’itinérance ou les déplacements en Europe illustrent ce type de vidéos.

Au cours des premières années d’existence, les vidéos publiées sont « réajustées » : format plus court, de type clip avec plus d’humour et d’animation. La série sur le changement climatique illustre ce type « amusant, rafraîchissant et dynamique ». Les pratiques respectueuses de l’environnement sont associées à un succès romantique.

L’arrivée du Parlement européen sur Youtube se réalise dans le contexte particulier des élections européennes de 2009 avec 3 premières vidéos visant à promouvoir le vote. La stratégie adoptée est la parodie et l’adoption de techniques de marketing viral. La série « At the polling station » atteint un demi million de vues ; le terme « viral » traduisant davantage une intention de performance que la réalité.

Débattre l’Europe sur Youtube

Les propos virulent (flaming) ou les messages polémiques (trolling) ainsi que les interventions rares du modérateur, principalement en réponse à des accusations de censure conduisent la Commission en 2010 à définitivement fermé le forum sur Youtube et à désactiver les commentaires de certaines vidéos mise en ligne les premiers mois, y compris pour les vidéos encourageant la participation citoyenne.

De manière générale, lorsque les interventions des internautes sont nombreuses, elles sont liées à une controverse, qui regarde moins le contenu des sujets que les choix formels adoptés. Comme par exemple, avec la vidéo « Science, it’s a girl thing ».

Au total, la réticence de l’UE a s’engager dans une communication à double sens donne l’impression d’une simulation de dialogue qui ne peut pas contribuer ni à lutter contre le déficit démocratique, ni à changer les perceptions négatives à l’égard des personnalités et du projets européens.

Il ne peut exister d’interactions si les institutions européennes se contentent d’encourager le débat sans s’y engager et sans répondre aux contributions des citoyens. La modération des commentaires, bien qu’elle soit utilisée pour contrôler la monopolisation du débat par des forces perturbatrices, est souvent perçue comme une atteinte à la liberté d’expression et au pluralisme des opinions.

De fait, les contenus mis en ligne ne sont ni très créatifs, ni très originaux et l’interactivité est limitée par une utilisation hésitante et contrôlée. Les changements de style visant à « adopter la culture Internet » n’ont pas modifié en profondeur la relation des institutions européennes avec les citoyens.

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