Série d’été : quid de la communication numérique européenne ?

L’été est une période plus calme qui invite à prendre un peu de hauteur et permet de passer un peu plus de temps sur des sujets de fond. Quoique le paysage numérique soit en constante recomposition, il est frappant de constater que la communication numérique européenne atteint une relative maturité.

Démocratisation croissante de l’Internet et déficit démocratique persistant de l’UE

Quoique la communication numérique, en particulier dans le web social se soit imposée – plus ou moins – au sein des institutions européennes, l’UE ne semble pas en mesure de tirer bénéfice des nouveaux pouvoirs des internautes dans l’accès, la production et la circulation de l’information pour réduire son propre déficit démocratique.

Quelques soient les (r)évolutions issues de la démocratisation de l’Internet, l’UE ne semble pas parvenir à réduire son déficit démocratique :

  • Massification des capacités d’expression des citoyens sur les médias sociaux vs. quasi-inexistence de l’Europe dans ce nouvel « urbanisme numérique » ;
  • Mobilisation de masse des citoyens vs. incapacité de l’UE à mobiliser en ligne (cf. les initiatives citoyennes européennes) ;
  • Culture de la transparence et de la vérification vs. Culture bureaucratique et communication institutionnelle top-down de l’UE ;
  • Du online au offline vs. sociabilités européennes orientées et concentrées sur Bruxelles.

Tendances, fantasmes et réalités des médias sociaux pour communiquer sur l’Europe auprès des citoyens

Quoique la possibilité que l’UE puisse directement communiquer massivement auprès des citoyens européens soit contredite par une réalité, qui se caractérise par une relative maturité des usages numériques européens dorénavant, le fantasme d’une communication numérique européenne grand public est quasi magique et fait l’objet d’incantations renouvelées à l’approche des élections européennes.

Pourtant, l’observation attentive et régulière des comptes dans les médias sociaux des institutions européennes invitent à un jugement équilibré :

  • Tendance n°1 : croissance régulière des locuteurs et des caisses de résonance – La principale caractéristique de la « toile » de la Commission européenne dans les médias sociaux réside dans son expansion ;
  • Tendance n°2 : engagement inégal des communautés – Sur un plan qualitatif, l’engagement du public est très inégal selon les différents locuteurs européens ;
  • Tendance n°3 : importance des communautés d’intérêt – La qualité des contenus publiés prend le pas sur la quantité. Les sources qui disposent d’une communauté destinatrice homogène sont les plus susceptibles d’obtenir des résultats significatifs.

L’opinion publique européenne interrogée via les Eurobaromètres confirme que les médias sociaux sont à la fois une solution très partielle pour informer les citoyens sur l’UE et une activité très limitée pour que les citoyens participent aux affaires européennes.

Certes, il ne faut pas en conclure que les médias sociaux sont inutiles et dérisoires pour communiquer sur l’Europe auprès des citoyens. Mais, il est clair qu’une juste place – à affiner en fonction des sociétés en Europe – doit leur être accordée pour sensibiliser le grand public aux affaires européennes.

Les médias sociaux ont une fonction précise et utile dans la communication européenne, que l’on peut ainsi résumer :

  • Twitter pour communiquer auprès des « opinion formers & leaders » (journalistes, eurobloggers, think tanks) ;
  • Facebook et tout le web social du rich media (Youtube, Flickr, Instagram, Pinterest…) pour communiquer auprès des « entrepreneurs de la cause européenne » (militants, associations , ONG…) ;
  • Plateformes communautaires et réseaux sociaux sur mesure pour communiquer avec les acteurs décentralisés de l’action publique européenne (gestionnaires de fonds ou de projets européens).

Auprès de publics spécifiques à l’UE – les acteurs de l’information, les « entrepreneurs de la cause européenne » et les acteurs décentralisés de l’action publique européenne – les médias sociaux sont des outils de communication pertinents et efficaces.

Humour, fail et communication numérique européenne

Autre fait marquant de la communication numérique européenne, la propension pour tenter de sensibiliser le grand public à des enjeux d’intérêt général à jouer de l’humour ou de la surenchère en ligne au risque de provoquer des polémiques.

Le paradoxe de la communication numérique européenne ne fait que se renforcer :

  • Soit, les institutions européennes se comportent telles qu’il est attendu qu’elles le fassent et c’est l’indifférence et l’incapacité à toucher le moindre public ;
  • Soit, les institutions européennes s’émancipent de l’étiquette et alors le contact s’établit avec les citoyens de base, mais alors au péril de certaines convenances, tantôt légitimes, tantôt prétexte à faire taire l’Europe.

Au total, la relative maturité de la communication numérique européenne se fonde sur une normalisation des excès tant du côté des tenants d’une communication numérique européenne potentiellement accessible à tous – ce qui n’est pas encore prouvé – que de ceux dans les institutions européennes qui tentent en vain de se sortir du piège d’une inadéquation persistante entre UE et web social.

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