Archives mensuelles : mai 2011

Voyage au cœur de la fabrique de l’info européenne : le métier de journaliste européen à l’heure du web social

Buzz, rumeur,  intox… pour informer sur l’Europe, les journalistes professionnels sont de plus en plus en concurrence avec une multitude d’auteurs-contributeurs-commentateurs dans le web social.

La conférence « Tous journalistes ? L’information européenne et le journalisme à l’heure du web 2.0 » organisée jeudi 26 mai dernier par Touteleurope avec l’Institut Goethe à Paris est l’occasion de plonger au cœur de la fabrique de l’info européenne :

  • Quelles sont les conséquences du web social sur la production de l’information européenne et la place de l’UE dans les médias ?
  • Quels sont les impacts du web social sur le travail des journalistes et auprès des citoyens européens ?

Constat n°1 : influence grandissante du citoyen « lecteur-auditeur-téléspectateur-internaute » sur les journalistes dans la production et la diffusion de l’information européenne

Lors d’un colloque organisé à l’Institut français de Budapest les 3 & 4 mai dernier sur « journalismes et citoyenneté en Europe », l’évolution du rapport entre journalistes et Citoyens – des médias traditionnels à Internet – ne souffre d’aucune ambiguïté : avec le web social, les citoyens exercent une influence sur leurs pairs et sur les journalistes de plus en plus importante pour produire et diffuser de l’information européenne.

Un constat partagé par l’ensemble des intervenants de la conférence « Tous journalistes ?… », quelque soit leurs médias de travail (TV, radio, agence de presse et web).

Constat n°2 : le web social, une nouvelle source d’info pour les journalistes, dont la fiabilité  est à géométrie variable

Le web social, comme « nouvelle source commence à s’installer dans les usages », selon une étude réalisée par le cabinet d’études Cision et la George Washington University auprès de journalistes de la presse écrite et web et citée sur le blog « Étreintes digitales » du Figaro.

 

 

  • Aux États-Unis, plus de la moitié des journalistes sondés (56%) estime que les médias sociaux ont eu une certaine importance dans l’enquête et la production de certains articles.
  • Les sources sociales sont principalement les blogs (89%) tandis que le micro-blogging perce de plus en plus auprès des journalistes de la presse écrite quotidienne (49%) et magazine (45%).

La fiabilité et notamment le manque de vérification constitue le principal frein. Plus un journaliste est expérimenté, plus il semble se méfier des sources sociales par rapport aux contenus produits par les médias traditionnels.

Un constat de nouveau partagé par l’ensemble des intervenants de la conférence « Tous journalistes ?… », qui tout en saluant l’intérêt des médias sociaux comme veille et alerte reconnait également les risques d’approximation et/ou de manipulation.

Constat n°3 : le web social, un nouveau lieu pour publier et diffuser l’information des médias traditionnels, produite par les journalistes

Tout comme les citoyens s’expriment en ligne et dialoguent avec les membres de leurs communautés, les « journalistes embrassent aussi les médias sociaux pour publier, partager et promouvoir leurs papiers : 64% utilisent le blog, 60% les réseaux sociaux et 57% des sites comme Twitter », toujours selon l’enquête réalisée auprès des journalistes nord-américains citée sur le blog « Étreintes digitales » du Figaro.

Une course à l’audience et au clic qui ne fait que renouveler et amplifier la compétition existant entre les titres de la presse papier, les stations de radio ou les chaînes de TV. Là encore, le constat est partagé par l’ensemble des intervenants de la conférence « Tous journalistes ?… ».

Ainsi, pour reprendre l’enquête « Le métier de journaliste change ? »publiée en avril 2010 par l’agence Burson-Marsteller et réalisée auprès d’un panel de 115 journalistes interrogés, les médias sociaux sont à la fois les rivaux des médias « traditionnels » et une véritable opportunité pour le métier de journaliste, à condition de partager le manifeste d’Eric Scherer pour « un journalisme augmenté ».

Intervenants de la conférence « Tous journalistes ? L’information européenne et le journalisme à l’heure du web 2.0 » :

  • Véronique Auger, rédactrice en chef de l’émission « Avenue de l’Europe » sur France 3 et présidente du jury du prix Louise Weiss 2011 ;
  • François Bougon, responsable des réseaux sociaux à l’AFP ;
  • Géraldine Delacroix, journaliste à Mediapart, éditrice du Club ;
  • Bertrand Gallicher, journaliste à France Inter, service Etranger ;
  • Michaël Malherbe, consultant en communication, enseignant et bloggeur.

Quels sont les derniers Prix reçus en communication européenne ?

Peu pourvues en prix – sauf « 2 Grand Prix Empreintes en 2 ans pour la communication européenne anti-tabac » et « Euronews, lauréate du Prix Européen de la Communication 2009 » délivré par l’Association Européenne des Directeurs de Communication (AEDC) – quelles sont les dernières distinctions pour la communication européenne ?

“European Information Association’s 2011 Awards” pour le Portail e-Justice européen

Premier prix à signaler, celui de l’“European Information Association” disparu le 31 décembre 2012 et remplacé par l’Eurojargon, un glossaire sur les mots de l’UE.

Certes, il s’agit d’une distinction délivrée par un « noyau d’expertise sur l’information de l’UE », qui estime que « l’ignorance de l’Union est préjudiciable à la discussion sur les questions sensibles » à la vie de ses citoyens en les rendant vulnérables à la désinformation. Peu de surprise donc à voir une action de communication de l’UE primée.

Mais, la reconnaissance de cette association scrupuleuse en matière d’accès à l’information sur l’UE pour les citoyens européens reconnaît la qualité pédagogique et informative du portail e-Justice européen, utile en matière de démarches juridiques.

“SABRE Finalists” pour la campagne “Biodiversity: We Are All in This Together”

Seconde distinction, la nomination de la campagne de communication de la DG Environnement en finale de la compétition internationale des “SABRE Awards” organisée par “The Holmes Report”.

Quoique le prix n’ait pas été finalement décerné à cette action, la nomination est intéressante car elle reconnaît l’intention de cette campagne – que nous avions présentée en avril 2010 – de réaliser une démarche de sensibilisation d’un public jeune aux enjeux de la biodiversité en se reposant largement sur les médias sociaux et en particulier une application Facebook.

biodiversify_friends“Gold award in the Governmental Agency category at the Horizon Interactive awards” pour le site “The EU, what’s in it for me? ”

Dernière distinction, le Prix Horizon Interactive : horizoninteractiveawards.com (en or !) pour le site Internet réalisé par la Représentation de la Commission au Royaume-Uni. Une distinction qui existe depuis 2001 pour « reconnaître l’excellence dans la production de médias interactifs dans le monde ».

the-eu-and-me.org.uk

Une belle reconnaissance de la profession pour un portail d’information interactif – que nous jugions lors de sa sortie en janvier 2010 – agréable à consulter et particulièrement instructif en évacuant toute approche institutionnelle sur ce que l’UE fait concrètement pour les citoyens du Royaume-Uni.

Ainsi, quoique les distinctions soient rares pour la communication européenne, les quelques prix récoltés illustrent que la créativité, l’ingéniosité et l’utilité paient pour communiquer efficacement sur les actions de l’UE.

Guide de survie pour porte-parole d’une Présidence tournante du Conseil de l’UE

Les porte-parole de la présidence hongroise du Conseil de l’UE – Gergely Polner et Marton Hajdu – publient sur leur blog « Kovács and Kováts » une série de billets très francs sur les leçons qu’ils tirent de leur expérience…

1. Porte-parole de la présidence ou d’un État-membre ?

Les médias ne font pas la distinction entre la présidence du Conseil de l’UE et l’État qui la détient pendant 6 mois tandis que dans l’exercice de la fonction officielle de porte-parole de la Présidence du Conseil de l’UE implique d’oublier « on the record » les points de vue nationaux.

Ainsi, les porte-paroles doivent parler en tant que Présidence et en respecter les contraintes, tout en reconnaissant qu’il n’est pas possible de rejeter le fait qu’ils sont identifiés et attachés à un pays particulier.

2. L’UE parle-t-elle d’une seule voix ?

Que ce soit la Présidence ou l’UE, c’est toujours perçu comme un tout, « l’Europe », alors que c’est toujours la cacophonie. Il est presque impossible d’expliquer les subtilités et les conflits institutionnels de la prise de décision de l’UE.

Ainsi, les porte-parole sont aux prises avec cette cacophonie et doivent essayer « de montrer un visage courageux aux gifles de la communication d’autres institutions et de ne pas riposter ». Il n’en demeure pas moins que cette cacophonie dans les communications nuit à l’UE.

3. Les correspondants de presse à Bruxelles, une espèce particulière ?

Les correspondants de presse à Bruxelles ont une attitude légèrement différente de celle de la presse nationale en se montrant la plupart du temps moins politiques mais meilleurs techniciens. Il s’agit d’un défi pour les porte-parole d’une présidence semestrielle de se confronter à des journalistes qui ont « une mémoire institutionnelle incroyable » et parfois travaillent à Bruxelles depuis des décennies et connaissent les dossiers sur la table mieux que certains experts.

Ainsi, les porte-parole doivent apprendre à travailler très vite et pour une courte durée avec des correspondants de presse à Bruxelles aguerris et forts d’une maîtrise qui leur permet de «contrôler la relation de travail avec des mises en garde amicales ou du « double-fact-checking ».

4. Qu’est ce qui fait un bon porte-parole ?

La crédibilité d’un porte-parole repose-t-elle sur une connaissance approfondie de leur sujet ou une longue expérience de la communication et des médias ?

Ainsi, les porte-parole de la Présidence tournante du Conseil de l’UE estiment qu’il faut doivent davantage mettre l’accent sur la compréhension de la structure institutionnelle européenne très complexe par rapport à une vaste expérience avec les médias.

5. On ou off the record ?

La scène bruxelloise des médias est différente de beaucoup d’autres notamment par l’utilisation extensive des briefings « off the record ». Il y a un complexe d’arrangements tacites dans la façon dont l’information donnée aux journalistes peut être utilisée : infos de background, infos de l’UE, infos de la présidence, etc.

La raison en est la nature complexe des négociations, où les informations les plus précieuses ne peuvent généralement pas être attribuées à leur source, et où personne n’a le monopole de l’information. Dans le Conseil, il y a au moins 27 délégations nationales que les journalistes peuvent contacter pour obtenir des renseignements.

Ainsi, alors que la plupart des spécialistes de la communication déconseillerait de parler librement avec les journalistes, la vie à Bruxelles s’arrêterait probablement sans ces briefings « off the record » et sans la confiance entre les journalistes et les diplomates qui permet à un tel système de fonctionner.

Bilan, le métier de porte-parole d’une présidence tournante du Conseil de l’UE est périlleux, notamment en raison de nombreux dilemmes liés à la communication de l’UE à Bruxelles.

La principale leçon des porte-parole : les échanges avec les journalistes européens sont surtout centrés sur le fond des dossiers et non sur les controverses politiques.

De la distinction entre information européenne et communication européenne

Tandis que la distinction structurante entre « information de presse » sur l’UE et « communication des institutions européennes » semblait solidement établie – la structure qui réalise et diffuse le contenu étant le moyen de faire la part des choses – plusieurs exemples récents justifient de réaffirmer l’importance de la distinction entre ces deux notions…

Actualités d’une confusion entre information européenne et communication européenne

Premier exemple, avec Le Taurillon qui publie « L’Europe en gros plan », une enquête en deux volets l’un sur la place de l’Europe dans les médias français et l’autre sur la liberté des médias en Albanie. Alors que l’ensemble de l’article porte sur des enjeux liés à l’information européenne, avec des verbatims de Marie-Christine Vallet, journaliste et directrice déléguée à Radio France pour la section Europe , le châpo ainsi que le Tweet publié mettent l’accent sur la communication : « Comment l’Europe des 27 peut-elle harmoniser sa communication ? ». Autrement dit, rien à voir.

Autre exemple, avec le « Prix du Parlement européen pour le journalisme » – une récompense qui n’est pas sans soulevée un certain malaise. En effet, le communiqué sur le projet luxembourgeois, publié sur le site du Parlement européen, stipule que « l’article contribue à améliorer la communication entre les institutions de l’Union européenne et les citoyens européens ». De nouveau, confusion.

Pourquoi il est important de distinguer entre information européenne et communication européenne ?

Aucune différence dans les contenus ne semble vraiment irréductible entre information et communication :

  • finalité : les deux visent à la fois connaissance et influence ;
  • objectivité/véracité : les deux tendent vers un même équilibre entre faits et opinions ;
  • qualité/crédibilité : les deux se réclament d’une hiérarchisation des actualités.

Pourtant, la distinction fondamentale entre information et communication demeure au moins pour quelques raisons :

  • la structure qui réalise et diffuse les contenus entre d’une part les médias et d’autre part les institutions européennes ;
  • le statut de l’auteur avec un devoir d’informer pour des journalistes s’adressant potentiellement à tous les publics et un devoir de réserve pour des communicants publics visant prioritairement des cibles ;
  • la relation aux sources entre le réflexe professionnel de recouper et de vérifier les infos pour les journalistes et l’obéissance légitime à l’employeur chez les communicants.

Au total, la distinction entre information européenne et communication européenne porterait sur :

  • des enjeux d’image : cohérence, consistance et continuité principalement pour la communication européenne,
  • des enjeux de réalité : complexité, contradiction et critique essentiellement pour l’information européenne.

Communication de l’UE : qui doit maîtriser la prise de parole dans le web social ?

Le web social soulève de nouvelles pratiques pour toutes les organisations, notamment en matière de prise de parole. L’enjeu schématiquement (cf. « Comment la communication européenne peut-elle répondre à la révolution du web social ? ») consiste à passer :

  • d’une communication few-to-many qui repose sur la maîtrise d’une offre de contenus et l’utilisation de canaux de diffusion dans une logique top-down ;
  • à une communication many-to-few qui repose sur l’interaction permanente entre les internautes-citoyens et les « porte-parole » dans une logique bottom-up.

Dans cette transformation, comment s’organise la communication de la Commission européenne et particulièrement la « prise de parole » dans le web social ?

Le service du porte-parole : une légitimité auprès des journalistes mais une culture du web social à acquérir

Créé il y moins d’une décennie, le service du porte-parole de la Commission européenne est l’organe légitime pour maîtriser la parole officielle de l’institution, tout spécialement auprès des journalistes.

Organisé de manière sectorielle en fonction des politiques publiques de l’UE, chaque porte-parole maîtrise dans son champ d’intervention les « éléments de langage » transmis aux médias traditionnels.

Doté récemment de comptes Twitter – 22 porte-parole quasiment tous identifiés par leurs noms « ECspokes » – le service du porte-parole semble avoir été choisi pour porter la voix de la Commission européenne sur ce réseau particulièrement utilisé par les journalistes.

Quoique la présence des porte-parole de la Commission européenne sur Twitter apparaisse plutôt comme une démarche judicieuse – nonobstant la période d’apprentissage plus ou moins longue – il s’agit d’une ouverture aux médias sociaux relativement réduite, puisque les usages envisagés sur cette plateforme se réduiront à un prolongement de l’activité auprès des journalistes, éventuellement élargie à une sphère de bloggeurs-experts-influents…

Les éditeurs et webmasters du portail Europa : une légitimité liée à la présence sur le web mais une mission réduite en matière de web social

Conscient des « potentiels » liés au web social, une poignée d’éditeurs et de webmasters à la Commission européenne interpelle dans une lettre ouverte José Manuel Barroso afin d’« exploiter la puissance d’Internet pour une meilleure communication ».

Inscrit dans une démarche davantage ouverte tant au niveau des émetteurs européens que des plateformes et outils sociaux : « encourager / autonomiser le personnel de la Commission dans l’utilisation des réseaux sociaux pour communiquer aussi sur leurs travail via blogs, réseaux sociaux etc… », l’enjeu d’« offrir de nouvelles possibilités d’engagement du public » est également posé.

Néanmoins, le plan d’actions de la Commissaire à la communication, Viviane Reding préconise la mise en place d’un réseau défensif de « 10 à 15 experts en médias sociaux au sein de la Commission » pour assurer « une surveillance des blogs et les réseaux sociaux et une réfutation instantanée » (mesure 10).

Ainsi, alors que les éditeurs et webmasters semblaient envisager une parole plus ouverte (en termes de médias sociaux et de public), les porte-parole apparaissent comme les « avant-garde » timides pour la communication de l’UE dans le web social.