Face à la quasi diète médiatique imposée à la politique européenne par des médias traditionnels peu enclins à donner la parole aux autorités politiques européennes, le renforcement de l’incarnation semble la solution idoine, mais est-ce vraiment le cas ?
La bataille des idées est pliée : l’incarnation comme dernière bouée de sauvetage de la communication politique européenne
Le procès n’a même pas besoin d’être instruit, le jugement serait évident : la seule voix de sortie pour davantage de visibilité des enjeux européens dans les médias en particulier audiovisuels serait de pousser les dirigeants européens à incarner, à porter la parole, à scénariser des moments de vie politique européenne auprès du grand public.
Regardez comment fonctionnent les médias, les invitations des politiques reposent sur leur capacité à buzzer, à faire l’agenda, à retenir l’attention… La mécanique est implacable et ne fonctionnera pas au niveau européen tant que ses décideurs n’entreront pas dans le game, ne joueront pas le jeu des règles médiatiques.
En outre, le risque d’une peopolisation de la politique est au antipode du climat bruxellois, qui ne risque donc pas de corrompre la juste et généreuse mise en avant des figures institutionnelles de l’Union européenne au service de ses politiques publiques et de la compréhension, voire de l’adhésion des citoyens européens.
Les tendances communicationnelles comme seul rempart contre l’ultime banalisation fatale de la communication politique européenne
Écartons l’argument de circonstance s’agissant des personnalités européennes actuellement en poste qui compte-tenu de leurs personnalités peu flamboyantes et de leurs relations exécrables risquerait davantage de dévoiler au grand jour des réalités pitoyables de la guerre des chefs et des égos mal placés. Le risque de back-fire est pourtant bien réel et quasi certain.
Prenons pour illustration, ne disons pas encore exemple, la communication actuelle du chef de l’État dans sa phase de reconquête de l’opinion dans une période pré-electorale. Tous ses faits d’arme de communication politique se rejoignent dans une constante : briser les règles du ronronnement médiatique et désintermédier, démédiatiser ses prises de parole pour faire ici une opération avec des influenceurs, là une interview dans un mook, demain de nouveaux exercices d’événements en contact direct…
Retenons que le modèle de la communication politique contemporaine vise justement à briser les codes, à sortir des sentiers battus, à éviter les coups d’éclats médiatiques dans les vieux médias audiovisuels.
Le temps de la communication politique européenne est-il définitivement perdu ?
La spécificité communicationnelle de l’Europe est en crise. Les nouvelles personnalités politiques européennes ne parviennent pas à embrasser contrairement aux figures tutélaires antérieures comme le dernier de ses représentants Jean-Claude Juncker qui connaissaient parfaitement le répertoire d’action européen maniant ses symboles, sa liturgie faite de gestes et de totems.
Refaire du neuf avec de l’ancien ne semble plus au goût du jour. Peut-être faut-il faire le deuil des canons de la communication politique européenne qui présupposaient des parcours, des expériences de plusieurs vies accumulées, des synthèses complexes entre familles partisanes et idéologies sur le retour ; fruit du croisement de la grande et de la petite histoire.
Pour autant, la facilité de se couler dans les codes de l’incarnation médiatique semble non seulement contraire aux pratiques désintermédiées les plus contemporaines mais également contreproductive avec le personnel politique européen actuel et les effets de surface, littéralement d’énervement, sur les opinions publiques européennes.
Souvent en retard d’une bataille, l’Union européenne a voulu offrir la carte de la féminisation des hautes fonctions à l’heure où cet acquis ne suffit plus à insuffler des incarnations actuelles de l’engagement européen transcendant les vieux clivages et abordant les nouveaux enjeux de notre siècle.
Au total, le chantier d’une communication politique européenne est au point mort, une affaire de génération ?