Comment romancer l’Europe ?

A l’occasion du salon du livre à Paris, dédié à l’Europe en 2019, l’émission Carrefour de l’Europe sur RFI en mars dernier a invité des écrivains inspirés par l’Union européenne à débattre. Quand l’Europe est un roman…

Un policier pour réconcilier idées reçues et réalités européennes

A partir d’une relecture du roman « Au nom de la rose » d’Humberto Eco pourtant sur une intrigue dans un monde en vase clos, une réunion des sommités de tous les pays pour des débats abscons, l’idée de planter un meurtre au cœur du Parlement européen a germé chez Maxime Calligaro et Éric Cardère dans « Les Compromis ».

Ce policier est l’opportunité de décrypter la langue des eurocrates avec humour, comme ce terme d’arbre de Noël pour décrire un rapport parlementaire qui reprend les propositions de tous les groupes pour obtenir une majorité.

Le roman décode les usages parlementaires européens afin de comprendre pourquoi la législation européenne prend du temps pour mettre tout le monde d’accord, d’où le titre du livre. Le titre est à double lecture, certains peuvent y voir la réalité d’une Union européenne qui est la fabrique du compromis comme vertu démocratique, d’autres y verront les eurocrates comme étant les personnes compromises.

La jungle des 751 eurodéputés où le costume fait la personne tant chez les élus que leurs assistants sert de décor – comme ce lieu emblématique du Mickey Mouse Bar, où se trouve un tableau avec Mickey sous les traits du cri de Munch – pour déconstruire les idées reçues en montrant tout simplement comment ça marche, comment on peut se faire « lobbytomiser », comment le spectre de l’Europe allemande pèse son poids dans les institutions européennes.

L’intrigue permet de mener une discussion sur la place entre le droit et la politique dans l’Europe, qui ne peut pas tout, puisqu’il y a les traités, incarnée par les élus qui pensent dans le cadre étroit de leur législature et les administrateurs, une autre espèce, des baleines qui pensent sur le temps long.

Au final, on sort de ce roman avec un sentiment étrange, on ne sait pas si les choses ont avancé – une impression que vivent tous les acteurs de la scène européenne.

Un tour d’Europe des villes historiques pour réconcilier histoire et géographie

François Reynaert, journaliste et écrivain avec son livre « Voyage en Europe » porte plusieurs idées dans ce voyage érudit pour dépasser les clivages artificiels et retrouver les racines des grandes idées européennes.

D’abord, l’idée que nous avons une vision tronquée de l’histoire de l’Europe en raison de l’histoire nationale inventée au XIXe siècle tandis que l’histoire des Européens est en fait la même pendant des siècles avec l’empire carolingien, un territoire du cœur de l’Europe actuelle.

Ensuite, avec la 1e étape à Aix-la-Chapelle, capitale de Charlemagne, couronné empereur à Noël de l’an 800 en présence du pape, l’évêque de Rome, l’idée de la fondation de la laïcité à l’européenne entre le politique et le spirituel avec ses réseaux d’abbayes puis d’universités autour d’une langue commune le latin et d’une Europe comprise comme la Chrétienté.

Enfin, l’idée qu’il faut dépasser la scission entre l’histoire et la géographie, la « géohistoire » permet de réconcilier les deux éléments et de raconter l’histoire par la géographie. Une manière de ne plus se contenter des « récits nationaux » qui ont réécrit l’histoire alors que les liens entre les Européens sont forts et anciens, qu’il s’agisse de la tolérance religieuse, de l’idée des Lumières ou de Nation à découvrir.

Pour tous ceux qui aiment lire – citons encore le dernier livre « La clé USB » de Jean-Philippe Toussaint qui s’intéresse à une unité de la Commission européenne travaillant sur les technologies et la cybersécurité – des formes nouvelles existent pour raconter l’Europe autrement. Il était plus que temps et c’est passionnant !

 

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