Quels imaginaires pour l’Europe : dessinateurs et historiens ?

Alors que l’Union européenne n’a pas les attributs symboliques d’un État, malgré son hymne, son drapeau et sa capitale Bruxelles, quels imaginaires sont possibles, selon des dessinateurs comme Plantu et Kroll ou des historiens, dans l’émission Carrefour de l’Europe sur RFI en juillet dernier ?

Comment caricaturer l’Europe, selon les dessinateurs Plantu et Kroll ?

Pour Plantu, fondateur de l’association « Cartooning for Peace » qui réalise une exposition « Décoder les étoiles » autour d’un dialogue entre 184 dessinateurs européens, il faut arrêter de se jeter des noms d’oiseau à la figure.

Certes, l’instant est le moment choisi par les dessinateurs pour raconter leurs émotions avec des dessins et les crises (qui nous occupent tout le temps) sont plus faciles à dessiner que la paix (alors que l’Europe a reçu le prix Nobel de la paix). Mais, les migrants prouvent qu’il y a une image positive de l’Europe, on oublie ce que l’on a, on a aussi peur de se faire prendre ou de perdre ce que l’on a, donc l’Europe est un lieu envié et enviable, disposant d’un avantage relatif.

Pour Kroll, il faut savoir lire les caricatures à l’envers. Les dessinateurs ne sont pas là pour faire la propagande de l’Europe. Une exposition à Beaubourg porte justement sur la critique de l’Europe, parce qui aime bien, châtie bien. Afin de pouvoir parler au public, les dessinateurs recourent à un vocabulaire et aux clichés.

Le dessinateur de presse pour le quotidien belge Le Soir, insiste que la Belgique est un peu le laboratoire de l’Europe, une sorte d’arrangement permanent entre les gens qui montre que ça devrait être possible de faire l’Europe. La devise belge, adoptée sous Léopold 1er « L’union fait la force », existe toujours alors que le testament du roi fut : « j’ai tout essayé, ça ne marchera jamais ».

Comment raconter l’histoire de l’Europe, selon des historiens ?

Auteurs de « L’Europe, encyclopédie historique », les professeurs d’histoire Christophe Charle et Daniel Roche estiment que raconter l’histoire joue un rôle important dans l’imaginaire de l’Europe.

Pour Christophe Charle, l’histoire de l’Europe est épouvantable, entre les guerres, les rivalités coloniales, les conflits religieux… les Européens ont un énorme passif à surmonter et la réconciliation passe par la construction d’une histoire positive.

Existe-t-il une civilisation européenne universelle ? Pour Christophe Charle, cette question est un problème surtout pour les Français. Le 20e siècle a fait apprendre la modestie aux Européens. Aujourd’hui, nous vivons plutôt la réactivation de vieux sujets déjà réglés et nous devons faire face à une nouvelle crise, à une nouvelle échelle, celle de l’environnement.

Pour Daniel Roche, l’histoire de l’Europe ne peut pas se lire avec la même échelle chronologique et géographique. L’Europe peut réussir si on a la diversité sans unifier par le haut, si on a l’Europe terre d’accueil, alors que c’était un continent d’émigration et de colonisation et si on fait l’union dans la désunion.

Existe-t-il une mémoire et un récit communs européens ? Pour Daniel Roche, les historiens n’ont pas encore réussi, l’histoire de l’Europe doit encore être écrite. Certes, les États jouent un rôle avec leurs caractères nationaux pour mesurer nos distances et nos proximités. Mais, on est en train de courir vers le caractère européen avec des références unitaires. L’Europe, c’est une histoire qui n’est pas terminée du tout. Face à des questions nouvelles, éclairées par le passé, il faut construire des réponses valables dans différentes temporalités et spatialités.

Laissons la conclusion à Kroll. En Europe, on cultive nos différences mais on rigole aussi de nos clichés. On est heureux de se vivre différent et proche. En somme, la complexité, c’est un bel imaginaire européen !

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