La communication européenne doit-elle prétendre à la souveraineté ?

Qu’est-ce que le Tiers-État selon Sièyes ? Ceux qui aspire à être quelque chose. C’est un peu le problème de la communication européenne, aujourd’hui quasiment rien, mais demain un peu plus. De quoi s’agit-il ?

Valeurs humanistes contre passions identitaires nationales : le match du siècle passé

Sur le marché des idées, deux positions moins caricaturales que l’opposition entre « nationalistes » et « progressistes » semblent irréductiblement se faire face entre :

  • D’une part, une vision supposément irénique héritée de l’humanisme des Lumières dont le corolaire correspondrait au socle irréfragable des valeurs au cœur du projet européen ;
  • D’autre part, une vision forcément souverainiste animée par les viles passions des identités nationales.

Ces pétitions de principe ne répondent plus de manière satisfaisante, ni l’une ni l’autre, aux défis auxquels les Européens sont confrontés – qui nécessitent de partager les souverainetés des États membres – pour développer une capacité à peser dans les rapports de force internationaux sur les grands enjeux et à défendre non seulement leurs valeurs mais aussi leurs intérêts stratégiques communs.

D’un projet de paix perpétuelle à un projet de puissance régalienne : le défi souverain contemporain

Pour citer Thierry Chopin, dans sa fiche de lecture du dernier opus de Luuk van Middelaar : « Les crises poussent les Européens à devoir agir (…) ce qui suppose de briser un certain nombre de tabous et d’impensés afin de prendre au sérieux certaines exigences politiques fondamentales : notamment celle des frontières et celle de l’identité ».

Cela suppose le « passage » du projet de paix, l’Europe étant « éminemment un acte moral » soutenu par la volonté de réconciliation et par l’idéalisme à un projet de puissance, la construction européenne étant un acte politique fondé sur le jugement et impliquant la redéfinition des intérêts propres des participants.

Dans ce changement de paradigme dont on peine à accoucher, le projet de paix qui exigeait le sacrifice des identités nationales au profit de valeurs universelles doit laisser place au projet de puissance qui requiert le développement d’une identité européenne avec des Européens engagés, et même fiers de leur identité.

Pour le moment, la communication européenne ne parvient pas à penser l’Europe non plus seulement comme un projet porté par le doux commerce donc le marché et la régulation mais comme un projet autour de la souveraineté et de la sécurité, donc avant tout en termes de puissance.

En somme, la communication européenne pour mobiliser les Européens, polariser les débats politiques et apparaître comme la réponse légitime doit se saisir des enjeux régaliens afin de démontrer la plus-value d’un projet européen souverain qui protège et se projette dans le monde.

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