Malgré plusieurs tentatives pour réorganiser la prise de parole de l’UE auprès des journalistes, le service des porte-parole de la Commission européenne n’est toujours pas parvenu à convaincre, si l’on en juge le billet de Jean Quatremer « La Commission et les médias : l’éternel retour« . Que faire ?
Les échecs d’une vision trop « politique » de la fonction de porte-parole de l’UE
Avec un premier modèle reposant sur le principe d’un porte-parole par Commissaire, sous la Commission Barroso, le service de porte-parole s’est révélé, à l’usage, beaucoup trop inaudible. La multiplication des prises de parole, voire la compétition pour tirer la couverture à soi s’est traduit par une vision fragmentaire et éclatée des actions de la Commission européenne, rendant encore plus compliqué le travail des journalistes.
Du coup, le nouveau service des porte-parole de la Commission Juncker modifie son approche avec un porte-parole par grandes politiques publiques, en gros un porte-parole par Vice-Présidence de l’institution. Les premiers résultats, sous l’angle de la lisibilité de l’action de la Commission et de son inscription dans une vision d’ensemble, sont plutôt encourageants. Néanmoins, la parole se trouve assez rapidement trop verrouillée, puisque chaque mot est ausculté selon ses implications et conséquences politiques. Très vite, le verrouillage et la langue de bois s’installent, là encore, au détriment de l’efficacité et de la performance auprès des journalistes.
Au total, vouloir imposer le poids de l’institution sur le service de presse, que ce soit son organigramme (1 porte-parole par Commissaire) ou son programme (1 porte-parole par grandes politiques publiques) ne marche pas.
Les pistes pour une vision plus « pragmatique » de la prise de parole de l’UE
Plusieurs pistes pourraient constituer autant de jalons pour réfléchir à la prochaine réorganisation indispensable du service de presse.
Quoique sans doute la plus pragmatique – mais la plus éloignée de l’esprit européen, donc, impraticable – la réorganisation la plus logique serait de répartir le corps des correspondants de presse en fonction de leur nationalité, afin de s’assurer d’une concordance entre les porte-parole et les Etats-membres. Une maîtrise de la langue maternelle et de la culture journalistique nationale, une meilleure connaissance du paysage médiatique constitueraient autant d’arguments évidents mais insuffisants.
Une autre approche, plus digne d’intérêt, mais toujours insatisfaisante, consisterait à réorganiser le service de porte-parole en fonction des grandes familles de médias : TV, radio, presse écrite et web. Une telle réorganisation permettrait de mieux prendre en compte les attentes et besoins spécifiques des différents types de presse, notamment les forte différence en termes de temporalité et de ressources nécessaires ce qui serait un vrai plus pour mieux diffuser les messages de l’UE, même si une telle réorganisation semble à contre-temps et apparaîtrait comme un contre-sens par rapport à l’évolution des médias, qui tend plutôt à la convergence et à l’exploitation de marque-média sur différents supports.
Reste du coup une dernière piste à explorer : envisager une réorganisation du service de presse de l’UE qui s’organise en fonction de la manière dont les rédactions des médias se structurent elles-mêmes. Une correspondance entre les grands services d’un média, et les différents porte-parole de l’UE favoriserait le travail des journalistes et accompagnerait le mouvement le plus visible à Bruxelles de spécialisation des correspondants de presse, qui ne couvrent plus uniquement l’UE dans son ensemble mais se concentrent sur quelques grandes politiques publiques : éco/fi ; tech/numérique ; environnement/énergie…
Concrètement, cette réorganisation signifierait qu’il s’agirait de distinguer entre une fonction de porte-parole politique incarnée par un porte-parole de la présidence de la Commission européenne, dont les reproches de langue de bois n’entacherait plus l’ensemble et un service de presse, avec des porte-parole plus thématiques, réorganisé indépendamment de la structure ou des priorités de la Commission mais selon les grandes rubriques dans les médias.
Simple effet d’affichage ? Non, plutôt une clarification des missions politiques et thématiques dans une meilleure prise en compte des véritables conditions de travail du corps de presse à Bruxelles.