La Commission européenne vient de mettre en ligne un « guichet unique » de la transparence visant à « simplifier le droit de regard des citoyens » sur les processus décisionnels et les informations de la Commission européenne. Quelle est la crédibilité de la Commission européenne en matière de transparence ?
Un droit d’accès des citoyens aux documents de travail de l’UE conditionné par les bonnes relations de la Commission européenne avec ses contractants
Sur la page d’accueil du nouveau portail de la transparence, le Commissaire Maroš Šefčovič indique qu’« en tant que citoyen européen, vous avez le droit de savoir comment les institutions européennes élaborent ces décisions (…) quels documents sont détenus ou produits pour élaborer et adopter les textes législatifs concernés. Vous avez également le droit d’accéder à ces documents… »
Néanmoins, comme le note Ronny Patz dans « A note to Commission spokesperson Antony Gravili », les propos du porte-parole de Maroš Šefčovič, dans EU Observer, sont particulièrement à rebours de cet esprit d’ouverture : « la plupart des demandes d’accès aux documents internes de l’UE proviennent d’ »avocats de grandes entreprises » et d’ »ONG à la noix » :
- les avocats tenteraient d’obtenir des informations commercialement sensibles pour tenter de poursuivre la Commission en justice ;
- les ONG, selon Antony Gravili « pensent que c’est drôle de perdre du temps des fonctionnaires ».
De fait, selon Ronny Patz, « les institutions ne semblent jamais avoir un problème parce que j’en demande trop. Les institutions semblent avoir des problèmes seulement quand je leur demande des documents qui comptent vraiment », c’est-à-dire des documents qui permettent de « tracer » les compromis et les choix aux fondements des décisions de la Commission.
Un exemple récent où « la Commission européenne (est) prise en flagrant délit d’opacité » selon Maxence Peniguet : la fameuse vidéo « Kill Bill » retirée du web peu de temps après sa mise en ligne. En dépit de demandes réitérées d’accès aux documents internes à la conception de la vidéo, notamment les conclusions du focus groupe, la Commission refuse de diffuser les éléments.
La Commission invoque le fait que rendre public ces documents « porterait atteinte à ses relations commerciales avec les sous-traitants concernés ; cela découragerait les participants potentiels à de tels groupes de test dans le futur et aurait un effet défavorable sur les activités de conseil fournies à la Commission par l’équipe et les consultants du contractant ».
Autrement dit, le droit d’accès des citoyens aux documents de la Commission européenne (6 400 demandes en 2010) est conditionné par les bonnes relations commerciales de la Commission avec ses contractants. On voit où vont les priorités de la Commission européenne…
Un droit d’accès des citoyens à la représentation des intérêts conditionné par la bonne volonté des lobbyistes
Là encore, les citoyens ont – en droit – accès aux informations sur les représentants d’intérêt (lobbyistes) participant au processus décisionnels. D’ailleurs, le registre de la transparence rassemble à ce jour plus de 5 100 organisations.
Néanmoins, les réponses du Commissaire Maroš Šefčovič sur Twitter illustrent les limites pratiques :
- le registre de la transparence n’est pas obligatoire, parce qu’il n’y aurait pas de « base légale » dans les traités ;
- les pressions en termes de réputation seraient suffisantes pour inciter l’inscription volontaire des lobbyistes…
Autrement dit, le droit d’accès des citoyens aux informations relatives aux activités de représentation d’intérêts est conditionné à la bonne volonté des lobbyistes.
Qu’il s’agisse de l’accès aux documents internes de l’UE ou aux représentants d’intérêts, l’exercice de ces droits est largement conditionnel.