Archives mensuelles : août 2010

Faut-il parler de « révolution » de la communication de l’UE comme Viviane Reding ?

En écho à l’article publié le 30 août par Euractiv « La Commission prévoit une “révolution” de la communication » faisant mention du plan d’action de Viviane Reding – la Commissaire en charge de la communication – faut-il vraiment parler de « révolution » au vue des premières orientations ?

Professionnalisation du personnel et des outils : c’est le moins que l’on puisse attendre

Sans revenir dans le détail du plan d’action de Viviane Reding que nous avions chroniqué lors de sa sortie en juin dernier :

  • Renforcement des outils presse et média de la Commission : technicisation du dispositif et ouverture offensive à des relations presse personnalisées,
  • Renforcement des outils web : consolidation de la toile et ouverture défensive au web social,
  • Renforcement des outils graphiques : harmonisation des identités visuelles et ouverture allusive à l’image de marque,

la modernisation des outils est accompagnée de nouvelles nominations : sept Chefs de Représentation dans les États membres désignés en juillet dernier et Claus Sørensen – l’actuel Directeur Général de la DG COMM – devrait partir fin 2010 après la fin de son mandat…

Centralisation des prises de parole généralistes : c’est le plus sensible des virages stratégiques

Après les approches décentralisée (coordination de relais et réseaux de proximité) et partenariale (de gestion avec les États membres et de collaboration avec les acteurs de la société civile) défendues par Margot Wallström, l’heure serait à la centralisation des prises de paroles généralistes, confiées aux seuls communicants bruxellois.

La DG COMM connaitrait une double évolution pour remplir les missions suivantes :

  • un centre d’expertises et de services pour encadrer la préparation des messages des autres DG,
  • un « porte-parole » unique pour porter seule la voix de la Commission.

La concentration des communications de la Commission entre les mains de la DG COMM – quoiqu’elle constitue un effort louable de rationalisation de la bureaucratie – se trouve très éloignée de la réalité actuelle puisque la plupart des budgets de communication de l’UE sont « sectorisés » (répartition entre les programmes des différentes DG) ou « partagés » via divers projets interinstitutionnels voire avec des administrations nationales.

Personnalisation autour de Barroso : oui à l’orientation politique, mais pas seulement

Á rebours de la tendance récente à la baisse du nombre de correspondants de presse à Bruxelles sans même évoquer la crise persistante de la presse, des RP plus appuyées autour de l’action du Président de la Commission serait menées afin d’inscrire plus efficacement l’Union européenne à l’agenda des mass media.

Sans doute, s’agit-il de la bonne approche pour s’insérer dans le fonctionnement traditionnel de la machine médiatique mais avec la mauvaise personnalité au vue de la popularité de José Manuel Barroso et à contretemps quand on connait les opportunités offertes par les médias sociaux.

Au final, la « révolution » de Viviane Reding apparaît comme une tentative de la part d’une ancienne journaliste de contenter son patron (personnalisation) tout en intéressant ses anciens collègues avec de veilles recettes (politisation) : une stratégie ante-web, oublieuse de l’intérêt d’un dialogue nourri avec les multiplicateurs d’opinion et de partenariats avec des relais institutionnels ou associatifs.

Citzalia, Tweet your MEP … la communication numérique peut-elle sauver seule la démocratie européenne ?

L’été aura été marqué par l’annonce de 2 actions de communication numérique en lien avec le Parlement européen dont l’objectif commun vise à combler le fossé démocratique de l’UE…

Le mythe de la cyber-démocratie avec Citzalia, une sorte de « Second Life » pour « comprendre comment le Parlement démocratiquement élu de l’UE travaille »

citzalia

Citzalia se présente un jeu de simulation et un forum de discussion dans un monde virtuel en 3D qui représente le Parlement européen. En choisissant un avatar (euro-député, journaliste, lobbyiste, citoyen), chacun pourra se promener, interagir, débattre, proposer des lois et voter afin d’apprendre comment fonctionne le Parlement européen.

Annoncé par l’euro-blogeur, Jon Worth, comme un futur « Parlement européen virtuel fantôme », le projet expérimental est financé par le Parlement européen (275 000 euros) et réalisé par l’agence ESN (European Service Network).

Reposant sur le mythe d’un « citoyen qui décide et participe à la gouvernance », un idéal-type d’individu pleinement autonome qui serait capable d’évoluer aisément au sein d’un espace public virtuel – un cyberespace politique – le projet de communication Citzalia s’imagine pouvoir lutter contre la fracture entre les gouvernants et les citoyens par une refondation du lien social au sein de communautés virtuelles.

Quoique cette approche puisse se montrer séduisante sur le plan intellectuel et éventuellement judicieuse dans un cadre pédagogique à la condition d’être piloté par des personnels eux-mêmes formés au préalable au fonctionnement du Parlement européen ; Citzalia ne sera pas sans poser pratiquement de graves inégalités de participation en limitant les membres aux sphères euro-intégrées voire des problèmes d’authenticité des communications avec des avatars virtuels anonymes.

Le mythe de la twitter-démocratie avec Tweet your MEP, une plateforme de micro-bloging pour « rapprocher les citoyens et leurs eurodéputés »

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Tweet your MEP – lancé par Touteleurope en septembre prochain – correspond à un site permettant d’organiser et de faciliter l’interaction entre les internautes et les élus européens en utilisant Twitter (actuellement, un tiers des eurodéputés dispose d’un compte Twitter).

Inspiré de l’expérience américaine de grass-root lobbying « Tweet your Senator », un outil de campagne pour que les citoyens signalent à leur sénateur « je soutiens la réforme » (de la santé d’Obama), Aude Faravelli s’interroge « la citoyenneté européenne en 140 caractères ? »…

Reposant sur le mythe d’un « citoyen qui discute, échange et se confronte aux autres », un paragon de civisme qui évolue au sein d’un espace public virtuel qui ne serait plus fermé ou parasité par des intermédiaires – un laboratoire d’une démocratie forte – le projet de communication Tweet your MEP est conçu selon Laura Dagg, coordinatrice du projet à Touteleurope.fr comme « (un) projet (qui) veut contribuer à nourrir l’espace politique de débats transeuropéens qui est en train de se créer. (…) On pense que Tweet your MEP aidera à européaniser certaines questions et de lancer des débats publics européens » en réduisant les coûts de mobilisation citoyenne ou associative.

Quoique la modernisation de la démocratie représentative passe inévitablement par une meilleure relation entre citoyens et élus, l’utilisation du réseau social Twitter risque de soulever des capacités inégales, notamment pour les citoyens ne pratiquant pas cet usage et par conséquent de donner une place prépondérante à l’expression d’une minorité agissante.

Ainsi, il apparaît que la communication numérique n’est pas l’unique solution à la crise du politique dans l’Union européenne, mais demeure un outil qui, s’il correspond aux pratiques démythifiées en matière de démocratie numérique et s’il est bien approprié par les citoyens, peut participer à la résorption du fonctionnement défaillant du système politique européen.