A quelques jours du scrutin, le 7 juin prochain, l’heure du bilan est venue pour la campagne de communication du Parlement européen sur les élections européennes. Avant de porter un jugement, il convient de prendre connaissance des contraintes fortes qui pèsent sur la communication du Parlement européen…
Des contraintes de communication fortes
Un budget fortement limité qui interdit tout plan média :
- « Le Parlement européen dispose d’un budget limité pour communiquer sur les élections européennes dans 27 États membres de l’Union européen. » Environ 18 millions d’euros pour les activités de communication dans les 23 langues, ce qui représente 5 centimes d’euro par électeur potentiel (375 millions au total).
- Le Parlement ne peut pas se permettre une communication institutionnelle basée sur l’achat d’espace publicitaire. Les instruments choisis misent donc à maximiser la participation des médias dans la dissémination du message du Parlement pour ces élections. »
- Cf. Discours lors du lancement officiel de la campagne de Francesca Ratti, Directrice générale de la Communication du Parlement européen
Un public forcément large qui oblige à cibler des populations abstentionnistes :
- « La campagne de communication vise évidement tous les électeurs potentiels, mais un effort majeur a été mis en place afin de cibler trois groupes essentiels – classés dans le jargon interne comme « les plus accessibles des potentiels abstentionnistes » : les jeunes, les femmes et les professions peu qualifiées. »
- Cf. Entretien aux Euros du Village de Daniela Carvalho, coordinatrice du groupe de travail « Élections européennes » de la Direction générale Communication du Parlement européen.
Une campagne d’information et d’incitation au vote ou une campagne de promotion des élections européennes ?
Alors que la campagne de communication du Parlement européen aurait dû être une campagne d’information et d’incitation au vote, celle-ci s’est transformée en une campagne de promotion des élections européennes.
La stratégie de communication ne s’est pas pleinement inscrite dans les impératifs d’une campagne d’information et d’incitation au vote :
- afin de ne pas être trop prescripteur/moralisateur sur le thème du vote comme devoir civique ;
- afin de ne pas être trop institutionnel en comblant le déficit de connaissance du rôle du Parlement européen.
Au contraire, la stratégie de communication s’est principalement livrée à une véritable promotion des élections européennes :
- afin de tenter d’attirer l’attention des médias, via l’originalité des outils de communication (buzz autour des vidéos virales ou des « Eurostudios », des cahiers de doléance « high tech » itinérants pouvant enregistrer et présenter les avis des électeurs) ;
- afin de tenter de fixer les « termes » de l’agenda politique via des thèmes qui proposent des alternatives de politiques publiques européennes et la signature « A vous de choisir ».
Combler le déficit de connaissance et d’intérêt pour le Parlement européen ou le déficit d’animation partisane de la campagne électorale ?
La campagne de communication du Parlement européen semble davantage combler le déficit d’animation partisane voire d’opposition idéologique de la campagne électorale, ce que l’analyse d’Eric Dupin « Débat apaisé » confirme : « L’Europe a désormais plus à craindre l’indifférence distraite que l’hostilité farouche. »
(voir également le billet sur le paradoxe de la médiation : les médiateurs naturels des élections européennes ne sont pas intéressants aux yeux des électeurs, des experts légitimes sur l’Europe invitent sans atteindre les oreilles des électeurs à politiser la communication sur l’Europe.)
La campagne de communication aurait dû combler le déficit de connaissance et d’intérêt pour le Parlement européen, pourtant majoritaire dans les raisons invoquées par les Européens de s’abstenir au scrutin européen et bien que ce déficit ne soit pas compensé par un effort particulier d’information des médias.
Source : Eurobaromètre Spécial 299 – Les élections européennes de 2009 – septembre 2008, page 20 dans le PDF en français
Source : Billet de Nicolas Kayser-Bril : « les rédactions françaises prennent de moins en moins la peine d’expliquer un scrutin important et se contentent de faire du journalisme moutonnier plutôt que d’ajouter de la valeur à l’info ».
Finalement, la campagne de communication s’est davantage adressée aux Européens convaincus (plutôt âgés et aisés) qu’aux cibles pourtant revendiquées, quoique les jeunes aient été sensibilisés. Cela ne fait que renforcer le biais élitaire de la construction européenne.