Réveil de l’UE par chaos des US, comment l’Europe peut passer de l’humiliation à l’insurrection stratégique

La National Security Strategy (NSS) 2025 de l’administration américaine constitue une rupture dans les relations transatlantiques par sa violence dans la partie consacrée à l’Europe (« Promoting European Greatness »). Washington exige une Europe « forte » capable de financer sa propre défense, tout en sapant méthodiquement l’Union, la seule structure politique capable de générer cette puissance.

Jusqu’ici, les crises de réputation de l’UE portaient sur sa lourdeur bureaucratique, son déficit démocratique ou son arrogance technocratique. La NSS 2025 déplace radicalement le champ de bataille : elle ne nous reproche plus d’être inefficaces, elle postule que nous sommes moribonds. Elle décrit l’Europe comme une zone de « suffocation réglementaire », en proie à un « effacement civilisationnel » et à une « perte de confiance en soi ».

Diagnostic de la pathologisation européenne et de la dissonance cognitive imposée

1. La sémantique de l’effacement : en affirmant que « si les tendances actuelles se poursuivent, le continent sera méconnaissable dans 20 ans », la NSS 2025 transforme l’Europe en un repoussoir destiné avant tout à l’électorat américain pour justifier le repli nationaliste : « Regardez ce qui arrive quand on abandonne sa souveraineté. »

2. Le piège de la « Grandeur » rétrograde : Washington veut nous « restaurer » vers un retour aux « identités nationales », aux « gloires passées » (past glories, heroes) et au rejet des « structures transnationales ». La protection n’est pas une prison pour une majorité de citoyens, ce modèle est précisément ce qui rend la vie désirable face à la brutalité du modèle américain.

3. Le sabotage de la souveraineté réelle : tout en prônant la « Primacy of Nations« , les Etats-Unis exigent que les alliés alignent leur politique étrangère et commerciale sur les intérêts américains ; « Burden-Sharing and Burden-Shifting » visent à être alignés sur les États-Unis.

Prospective par les prismes de la rareté et de la contradiction

Pour qu’un récit collectif prenne, il lui faut simultanément un « Nous » incarné et un « Autre » identifié. L’Europe a longtemps cherché à se définir « pour » quelque chose (la paix, le commerce), ce qui produit du consensus mou. Elle n’a jamais osé affirmer pleinement ce qu’elle est ni se définir « contre » quelqu’un. La NSS 2025 lui offre ces deux opportunités sur un plateau.

1. Notre rareté, la vitalité de notre modèle comme ressource stratégique : si l’Amérique monopolise le récit de la « puissance » (le hard power, la force brute), l’Europe doit préempter le territoire de la vitalité — la complexité, la résilience, l’art de vivre ensemble. C’est aujourd’hui la ressource la plus rare dans un monde polarisé et algorithmique. Diversité et interdépendance sont des conditions de survie. Le narratif européen doit cesser de s’excuser pour sa complexité. Nos débats, nos manifestations, nos identités multiples, nos langues sont la preuve d’une vie démocratique intense que les États-Unis ont perdue au profit d’une guerre culturelle binaire.

2. La contradiction : l’antagoniste nécessaire : la fin de l’ambiguïté atlantiste est consommée. La NSS 2025 brise le miroir du déni protecteur. L’Amérique ne cherche plus des alliés, mais des vassaux. Pour rester occidentaux, démocratiques et libres, nous devons devenir distincts de l’Amérique. L’identité politique européenne va se cristalliser contre la vision du monde condescendante et humiliante, Trump devient, malgré lui, un « Père Fondateur » involontaire de l’Europe politique.

3. Du « musée » au « laboratoire » : recadrer le récit : La NSS 2025 nous cadre comme un musée, la riposte doit recadrer l’Europe comme le laboratoire du futur habitable. Jusqu’à présent, les Européens ne se sentaient pas « Européens » parce que l’identité européenne était une construction intellectuelle descendante. Aujourd’hui, c’est le moment de bascule où le sentiment européen passe du cerveau aux tripes. L’union devient le seul véritable patriotisme continental.

Doctrine pour une riposte grassroots décentralisée entre fact-checking existentiel et guérilla mémétique

L’objectif n’est pas de convaincre la Maison Blanche, mais de vacciner les opinions publiques européennes contre ce narratif de défaite, de projeter une image de vitalité vers le reste du monde, et de transformer l’indignation diffuse en mouvement d’affirmation collective.

Voici les principes directeurs :

1. Se définir par la négative : n’essayons pas de définir ce qu’est l’Europe, contentons-nous de montrer ce qu’elle n’est pas : elle n’est pas morte, elle n’est pas vassale, elle n’est pas le passé. C’est l’opportunité d’un mouvement d’idées qui doit émaner des créateurs de contenu, des artistes, des entrepreneurs, des étudiants Erasmus etc.

2. Le « fact-checking » existentiel : au lieu de fact-checker les mensonges politiques factuels, nous devons fact-checker le diagnostic vital lui-même #AliveInEurope invitant les citoyens à documenter la « vitalité brute » dans les festivals, d’innovations dans des laboratoires, de débats dans des parlements, de terrasses bondées, de solidarité lors de catastrophes naturelles, etc. L’Europe est bruyante, contradictoire, et donc incroyablement vivante.

3. La « souveraineté du mode de vie » : l’attaque porte sur notre économie et notre « faiblesse » ? Répondons sur le bonheur et la qualité de vie : espérance de vie, temps libre, accès à la culture, sécurité sociale, espace public. C’est une défense de nos choix quotidiens de refus de la brutalité américaine (survivalisme, bunkers, armes, assurances privées) au « vivre » européen. L’Europe grassroots doit proclamer sa propre doctrine de l’intimité : nos données, nos assiettes, nos lois, nos corps ne sont pas négociables.

4. Cibler la « rareté de l’attention » avec le slow comme puissance :la NSS valorise la vitesse et la domination). L’Europe doit assumer et valoriser son rythme différent : la qualité du temps, la sécurité sociale, l’espace public gratuit, la culture accessible, le droit à la déconnexion. C’est là que réside la vraie « Greatness » européenne — une grandeur du quotidien

Au total, si nous répondons par la voie diplomatique classique, nous serons fragmentés et absorbés. Mais si nous montrons que nous sommes vivants, nous renversons la table, afin de transformer l’indignation en en vitalité, alors ce document ne sera pas l’acte de décès de l’Europe mais le certificat de naissance en tant que puissance émotionnelle, culturelle et politique consciente d’elle-même.

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