Dans le Guardian, “The EU’s ‘set menu’ membership model is failing. It’s time for an ‘à la carte’ approach”, Alberto Alemanno revient sur les conclusions du sommet des chefs de gouvernement à Grenade où une prise de conscience a émergé : une réforme interne radicale est devenue inévitable. Jusqu’à présent, les gouvernements ont résisté à toute réforme véritable des structures internes de l’UE, mais il devient de plus en plus évident que des ajustements significatifs sont nécessaires pour répondre aux défis actuels…
L’élargissement, une opportunité cruciale
L’UE se trouve dans une position vulnérable, constamment prise en otage par les agendas nationaux de ses États membres. Cette situation a mis en lumière plusieurs problèmes structurels. Tout d’abord, l’UE manque de pouvoirs dans des domaines clés, ce qui limite sa capacité à agir efficacement. De plus, elle semble insuffisamment responsable envers ses citoyens pour les responsabilités nouvellement acquises, ce qui a alimenté le mécontentement et le sentiment d’éloignement vis-à-vis de l’UE. En outre, des attaques internes, souvent alimentées par des intérêts nationaux, mettent en péril la cohésion et l’efficacité de l’Union.
Cependant, la prochaine expansion de l’UE vers l’est offre une opportunité cruciale. Elle permettrait à l’Union de devenir stratégiquement indépendante dans un nouvel ordre mondial menaçant, tout en assumant un rôle de leader dans la lutte contre l’urgence climatique. Les dirigeants de l’UE ont montré une volonté de repenser entièrement l’avenir de l’Union et son cadre de gouvernance sous-jacent.
D’un modèle d’adhésion « tout ou rien » à un modèle d’une Europe « à la carte »
Le « Groupe des 12 », une initiative franco-allemande composée d’experts, a joué un rôle essentiel en élaborant un ensemble de propositions audacieuses pour des réformes structurelles majeures.
Ces propositions envisagent quatre niveaux distincts d’adhésion, chacun offrant un degré différent d’intégration. Le modèle des « cercles concentriques » comprend un cercle intérieur, l’UE elle-même, l’adhésion associée (limitée au marché intérieur), et enfin, le niveau moins contraignant de la nouvelle Communauté politique européenne.
Cette approche à plusieurs vitesses permettrait à certains États membres de s’intégrer plus profondément dans certains domaines, tout en empêchant d’autres de les en empêcher, reflétant ainsi la diversité des ambitions et des réalités nationales.
Cette approche pragmatique de l’expansion est en phase avec les réalités d’aujourd’hui. L’adhésion et la participation à l’UE ne peuvent plus être considérées comme une question tout ou rien.
L’UE doit abandonner l’illusion d’une adhésion au « menu » au profit d’une nouvelle compréhension, où chaque pays s’engage à s’intégrer, mais sur la base d’une approche « à la carte », adaptés à leurs besoins et à leurs capacités.
Ces propositions pourraient profondément remodeler la nature de l’Union européenne, d’une part, en renforçant le statut d’une fédération d’États aux mentalités similaires, tandis que d’autre part, la voie serait ouverte à une construction à plusieurs vitesses plus hétérogène. Paradoxalement, en mettant de côté son approche historiquement enracinée de l’adhésion « tout ou rien », l’UE pourrait s’étendre et s’approfondir en même temps.
Cette évolution bénéficierait à la fois aux pays candidats, en offrant des perspectives d’intégration plus flexibles, et à ses résidents actuels, en garantissant une UE plus résiliente et mieux adaptée pour faire face aux défis contemporains.
L’adhésion graduelle au regard du principe de réalité, de la lisibilité de l’UE et de l’acceptabilité du public
Les élargissements vont mettre à rude épreuve l’UE, l’adhésion graduelle offre un terrain fertile pour améliorer l’acceptabilité et réduire le fossé entre les aspirations des pays candidats et les réalités d’une intégration de facto plus douce.
Le principe de réalité exige que les élargissements soient en phase avec les défis et les opportunités du monde actuel tels que les dynamiques géopolitiques, les préoccupations climatiques et les besoins économiques. Cette approche renforce la position de l’UE en tant qu’acteur mondial, capable de répondre aux besoins du 21e siècle, notamment en matière de lutte contre le changement climatique.
La lisibilité pour le public d’une adhésion graduelle invite dès que possible à sensibiliser les citoyens autour d’une approche plus transparente et compréhensible.
L’UE est à un tournant de son histoire, avec la possibilité de remodeler son avenir à condition de faire des choix audacieux et réfléchis qui pourraient façonner son avenir de manière inédite. La communication sera également essentielle pour garantir le succès de cette transition.
L’élargissement graduel peut renforcer la position de l’UE dans un monde en évolution rapide, tout en préservant sa stabilité institutionnelle et en offrant des avantages tangibles à ses citoyens et aux pays candidats.