Comité de réflexion et de propositions pour la Présidence française du Conseil de l’UE

Lors d’une audition de membres du Comité de réflexion et de propositions pour la Présidence française du Conseil de l’UE devant la Commission des affaires européennes au Sénat le 8 juillet dernier, les lignes directrices de leurs travaux, s’appuyant sur les thèmes structurants : « appartenance, puissance et relance » se dessinent…

Pourquoi ce comité de réflexion et de propositions de la PFUE ?

Les objectifs, selon son président Thierry Chopin, universitaire, qui insiste sur la pluralité des profils et des nationalités des personnalités et professionnels, sont de :

  • Mettre en perspective la diversité des enjeux afin d’articuler le travail technique et législatif avec un discours visant à donner une cohérence d’ensemble ;
  • Réfléchir à moyen et long termes aux chocs de souverainetés des crises avec des propositions pour les contours de l’UE à l’avenir ;
  • Proposer des opportunités avec la PFUE en matière de réappropriation européenne par les Français sur la France en Europe et l’Europe en France.

La méthode ne se limite pas à une réflexion franco-française, mais s’intéresse aux idées de nos partenaires et vise à définir les conditions pour clarifier le rapport des Français à l’Europe.

L’approche n’a pas pour vocation à se substituer au travail de l’administration, des parlementaires ou les responsables politiques, mais à étendre la réflexion au-delà du cadre institutionnel.

Dominique Schnapper, sociologue : la problématique de l’appartenance

Le constat et ses causes : le sentiment d’appartenance n’a pas progressé tandis que les contacts objectifs se sont multipliés. L’euroscepticisme est même très présent dans des sociétés européennes qui vivent des évolutions divergentes, notamment en termes de pratiques démocratiques.

Des modalités pour ranimer le sentiment européen :

  1. Éducation : la transmission des valeurs et des institutions européennes est ignorée à tous les niveaux de l’enseignement ; l’éveil à la société politique et à la conscience européenne devrait coïncider ;
  2. Erasmus : de nouvelles catégories de la populations devraient bénéficier de véritables échanges administratifs ou professionnels ;
  3. Médias : les médias et les nouvelles restent nationaux ; développer des efforts de mise en communs des sources d’information, multiplier les médias communs, donner une perspective européenne aux actualités ;
  4. Grand Tour : des possibilités de tours organisés, de visites s’inscrivant dans des parcours de formation, dans des schémas de rencontres directes et immédiates, notamment dans des cafés.

La finalité est de donner un sens concret aux individus et aux pratiques sociales pour ne pas réduire l’Europe à des institutions autour d’un projet politique commun à tous.

Michel Foucher, géographe : la notion de puissance

Si la PFUE devait se concentrer sur un noyau dur, il s’agirait :

  1. Terminologie : ne pas parler de puissance, un mot épouvantail qui fait peur, mais de souveraineté européenne, une idée mise sur la table par la France, qui a participé de la prise de conscience de nos vulnérabilités, un cadre conceptuel pour penser l’Europe accepté par l’Allemagne, même s’il s’agit d’une notion très juridique ;
  2. Puissance de second rang : l’Europe n’est pas prête pour le jeu des grandes puissances face à la Chine émergente et aux USA déclinants, il n’y a pas de place au soleil à part, la place de l’Europe est avec les puissances de second rang comme la Russie, la Turquie…
  3. Leadership : penser par nous-mêmes les contextes géopolitiques qui nous intéressent sans s’aligner sur la politique américaine, d’ailleurs divisée entre la politique à Washington anti-chinoise et la bourse à New York plus ouverte au systèmes banquier et financiers chinois ;
  4. Stratégie : protéger notre ouverture internationale tout en s’affirmant comme le premier centre démocratique au monde.
  5. Style : plus d’humilité concertative, avec tous les États-membres, au-delà du franco-allemand, avec plus de débat public.

Au sens diplomatique, l’autonomie stratégique est déjà largement une réalité, mais sur le plan technologique, il faut faire une place à la dimension technologique de la souveraineté sans dépendance structurelle, dans des secteurs clés comme la santé, les infrastructures, l’IA, les secteurs porteurs et les services publics.

La finalité est de se recentrer sur nos intérêts stratégiques concrets et de garantir tous nos moyens, y compris sur le plan financier.

Jean-François Jamet, économiste : le sujet de la relance

La conjoncture : la réaction de l’UE a été forte, sur les plans budgétaire, monétaire avec la BCE et aussi la dette commune. Mais, l’économie européenne est plus touchée par la pandémie et il faut éviter le retrait prématuré des mesures de soutien et éviter de laisser des traces persistantes : un point de croissance en moins, c’est un million d’emploi en moins !

L’opinion : le soutien à l’euro est record, le pessimisme sur la relance est important et l’adhésion au plan de relance est faible. Beaucoup de gens sont à convaincre sur la réponse européenne à la crise.

Les pistes de propositions :

  • Une réponse budgétaire plus ambitieuse pour retrouver le sentier de croissance potentielle ;
  • Un accompagnement de la reprise du marché du travail et de l’insertion des jeunes avec le mécanisme de chômage partiel SURE à étendre ;
  • Des aides d’État à stabiliser en 2022, l’économie est encore sous perfusion ;
  • Un débat sur les règles budgétaires, plus simples et moins procycliques ;
  • Une discussion sur les ressources propres de l’UE.
  • Des sujets d’avenir : la finance responsable, l’euro monnaie numérique, le capitalisme responsable, le valorisation durable et non financière des entreprises, un enjeu géopolitique, la consolidation de l’union économique et monétaire, l’investissement dans des biens communs européens…

Quid de la PFUE et des élections présidentielles… et de l’euroscepticisme ?

Les risques : siphonage de la PFUE par la présidentielle, risque sur le franco-allemand si les négociations sur la future coalition ne sont pas terminée et durée réduite à moitié sauf à faire passer les priorités sur les 3 premiers mois pour se contenter d’avancée plus techniques sur les 3 derniers mois.

L’euroscepticisme : corrélation forte entre les régions désindustrialisée et le vote eurosceptique, il faut tirer les leçons de la géographie de l’Europe eurosceptique, mettre l’accent sur la formation avant d’informer, il faut être formé afin de réconcilier l’Europe et les Eurosceptiques.

Quid du lien entre les Français et l’UE ?

Ambivalence et projection : Pour Thierry Chopin, le lien est ambivalent : la France est à l’origine d’une ambition pour l’Europe mais aussi des coups d’arrêt sur la défense en 1954 ou le projet de Constitution en 2005. La relation, c’est « je t’aime, moi non plus ». La France vise la réincarnation tandis que l’Allemagne vise la rédemption dans le projet européen. La France se projette dans l’Europe, quand ça fonctionne, les idées françaises se traduisent dans les projets, quand les idées françaises sont orthogonales, cela génère déception et frustration.

Appropriation : Pour Thierry Chopin, clarifier le lien entre les Français et l’Europe passe par la réappropriation de l’UE qui n’est pas une Europe à la française. Politiquement, la logique du compromis négocié est très différente du principe présidentiel et majoritaire français. Économiquement, la logique du marché et de la concurrence doit être réappropriée. Et les élargissements, que les Français n’aiment pas doit aussi être appropriés à l’échelle de l’Europe unifiée.

Angoisses et lucidité : Pour Thierry Chopin, un discours lucide sur l’Europe doit permettre aux Français de se réengager avec l’Europe, ce qui nécessite de répondre, et c’est tout l’objet des propositions face aux angoisses économiques et sociales, de sécurité individuelle et collective et identitaire et culturelle avec la question de l’identification à l’Europe.

Il ne nous manque plus que le rapport qui sera remis au Secrétaire d’État aux affaires européennes Clément Beaune fin octobre, début novembre.

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