Comment l’UE peut vaincre dans la bataille des narratifs ?

Dans l’analyse « From Brussels with love: How the European Union can win the battle of narratives », le Dr. Julia De Clerck-Sachsse estime qu’un récit politique européen convaincant est impératif afin de répondre au malaise profondément ressenti des Européens et d’offrir à ses citoyens l’assurance d’une UE capable de se projeter comme un acteur mondial puissant…

Malgré toutes ses lacunes, l’UE a une bonne histoire à raconter

Dans un monde en évolution rapide, les appels à un « nouveau récit » pour l’UE sont monnaie courante. Mais pour définir un tel discours, l’UE n’a pas besoin de partir de zéro.

La plupart des Européens estiment que la coopération au niveau de l’UE sera la voie de sortie de la crise, et les priorités politiques de l’Union reflètent celles de ses citoyens :

  • Le plan de relance pour lutter contre les retombées de la crise économique envisage une croissance verte et durable appelée de leurs vœux par les Européens ;
  • Le Green Deal européen, à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique, répond à la première préoccupation des citoyens européens ;
  • Le train de mesure en matière de transformation numérique du Commissaire français Thierry Breton place l’UE également à la première place des puissances qui agissent pour la régulation des monopoles de la tech ;
  • La dimension sociale, soutenue par une majorité des citoyens européens, est judicieusement portée par la présidente von der Leyen et la nouvelle présidence semestrielle portugaise…

Dans un monde où les lignes de fracture entre la politique étrangère et la politique intérieure sont devenues de plus en plus floues, l’UE, avec sa puissance économique et ses pouvoirs réglementaires, est particulièrement bien placée pour relever certains des défis les plus pressants du monde.

L’UE va devoir apprendre à tisser un récit convaincant en combinant le mantra de moins en moins théorique d’une « Europe qui protège » avec la conviction des bénéfices tirés d’une « Europe qui se projette » vers l’extérieur et vers l’avenir.

Le problème pour faire entendre la voix de l’UE : la manière dont elle raconte son histoire

Que ce soit sur la migration, l’euro ou le Brexit, l’UE communique en mettant l’accent sur la rationalité et les avantages économiques, alors que toutes ces questions touchent directement à l’identité avec une forte dimension émotionnelle.

Le style de communication de l’UE trop rationnel nuit à son attrait mondial et fait obstacle à un lien plus profond avec les citoyens européens. Certes, les informations doivent se baser sur des faits et des preuves scientifiques – pierre angulaire de tout récit solide. Mais une bonne communication ne consiste pas simplement à exposer les faits. Il s’agit de construire un argument convaincant qui fait appel à la fois à la raison et à l’émotion.

Le discours sur l’Etat de l’Union prononcé par la présidente de la Commission européenne illustre le défi considérable. Adressant les principales priorités du grand public, d’une Europe plus verte et plus sociale disposée à peser sur la scène mondiale, ce discours avait le potentiel de se connecter plus immédiatement à un public beaucoup plus large, mais faute de relais médiatiques n’y est pas parvenu.

La conclusion du Dr. Julia De Clerck-Sachsse est que précisément la réticence de l’UE à prendre des risques et à paraître vulnérable se révèle être la véritable faiblesse de l’Union.

La communication reste trop une réflexion après coup plutôt qu’un pilier essentiel du processus politique

Un récit convaincant n’est pas seulement important pour « vendre » des décisions politiques. C’est non seulement crucial pour obtenir le soutien du public pour des décisions politiques difficiles mais surtout particulièrement pertinent maintenant, car des transformations profondes de la vie économique et sociale peuvent être nécessaires pour aider les Européens à s’adapter à un monde en évolution rapide.

Dans un monde profondément divisé et tumultueux, canaliser le besoin d’assurance des gens ne peut rester une réflexion après coup. C’est un impératif géopolitique. Se connecter aux doléances des gens peut les aider à les vacciner contre les discours de haine et à renforcer la confiance dans les dirigeants politiques et les institutions pour lesquelles ils parlent.

L’UE devrait faire de la communication un aspect central de son processus d’élaboration des politiques, traduire les politiques en messages pertinents et élargir à la fois l’échelle et les outils avec lesquels elle engage le public.

L’humeur politique actuelle suggère que communiquer avec plus d’empathie poussera sur un terrain fertile. Les gens aspirent à l’équité, la solidarité et la confiance.

En conclusion, l’UE pourrait s’inspirer du succès de Joe Biden aux élections américaines, qui a choisi d’embrasser ses vulnérabilités et de les tourner à son avantage, projetant son humanité comme moyen de se connecter à une nation tourmentée par la peur et le chagrin au milieu d’une pandémie. L’UE doit apprendre que le succès du leadership politique dépend de la capacité à combiner une politique efficace avec un récit à la fois authentique et compatissant.

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