Archives mensuelles : août 2017

Europcom 2017 : [Re] façonner les dialogues européens

La 8e édition de la conférence européenne de la communication publique EuropCom, en novembre prochain est un bon baromètre pour cartographier les dernières tendances qui touche la communication européenne. Que faut-il retenir du programme préliminaire ?

europcom_reshaping_european_dialogues

La communication institutionnelle de l’UE en débat 

Outre le traditionnel discours d’inspiration (style TEDx) en ouverture sur la communication de l’UE, ses défis et ses opportunités, dont l’orateur est toujours attendu pour sa liberté de ton, un atelier est consacré à la communication des institutions de l’UE, qui ont investi beaucoup d’efforts pour améliorer la communication européenne.

Du côté de la Commission européenne, la nouvelle approche de « communication corporate » destinée à communiquer directement avec les citoyens autour de 3 récits : « EU delivers, EU empowers and EU protects » sera en débat. Du côté du Parlement européen, une nouvelle stratégie de communication cohérente et globale.

Et pour toutes les institutions, une attention et des ressources importantes dédiées à l’activité sur les médias sociaux, tout en travaillant ensemble pour renforcer la coopération et la rationalisation des activités de communication.

Le rôle et l’impact des services publics de l’audiovisuel pour parler d’Europe

Dans la plupart des Etats-membres de l’UE d’Europe, l’audiovisuel public continue d’être la principale source d’informations auxquelles les gens se tournent pour l’information autour de l’Union européenne.

L’objectif de cet atelier est de partager des expériences réussies et moins réussies dans ce contexte, en vue de comprendre comment ils sélectionnent les infos sur l’Europe, quelles histoires sont considérées importantes à présenter et à discuter, et quel genre de commentaires elles reçoivent de leurs publics.

L’engagement émotionnel avec l’Europe : l’histoire d’amour pour les événements locaux

Plus que jamais, l’UE d’aujourd’hui est confrontée à la polarisation, à la montée des mouvements anti-establishment et à l’érosion de la confiance dans l’Union. Accéléré par la crise de la zone euro et les crises migratoires, le populisme et l’euroscepticisme gagnent de l’ampleur dans de nombreux pays. Au milieu de la désillusion et de la méfiance croissante, l’Europe doit trouver un moyen significatif de défier les voix populistes et de diluer les sentiments eurosceptiques en engageant les citoyens dans le projet européen.

De toute évidence, renouer le contact avec les citoyens ne peut se faire à Bruxelles, les changements réels se font localement. Dans de nombreux Etats-membres de l’UE, les initiatives de dialogue sur l’Europe avec le grand public se sont développées sur le terrain avec dialogues citoyens et discussions en ligne qui inspirent des débats sur l’identité (démocratique) de l’Europe et son avenir en lien avec des discussions nationales.

Afin de partager les bonnes expériences et d’apprendre à réussir à engager les citoyens autour de l’Europe, cet atelier examinera de plus près les approches et techniques des organisateurs locaux, et demandera ce qu’ils attendent (ou pas) des institutions publiques.

Au total, le titre de la conférence « refaçonner les dialogues européens » résume bien à la fois l’ampleur de la tâche pour la communication de l’UE ainsi que la posture indispensable pour y parvenir.

Pour une nouvelle approche pour communiquer l’Europe

Encore un appel, cette fois-ci de Reneta Shipkova, sur TheWonk.eu pour répondre au « besoin pressant d’une nouvelle vision commune de l’Europe, largement reconnu ». Une telle tâche exige avant tout une nouvelle stratégie pour la communication, car la confiance du public dans l’UE a diminué notamment en raison d’un manque de communication efficace entre l’UE et ses citoyens…

La faillite actuelle de la communication politique de l’UE

Face aux bouleversements du monde et aux chamboulements des peuples, la communication des responsables politiques européens est obsolète. Si les élites européennes veulent éviter une aliénation publique encore plus importante, elles devraient réviser et renforcer leur capacité à communiquer sur ce qui se passe au sein de l’UE.

À moins que les élites politiques de l’UE et des Etats-membres ne commencent à mieux faire connaître l’Europe, tout le projet de l’UE est aujourd’hui en danger.

Le réquisitoire est sévère, mais il n’est plus temps de croire encore possible le remède du bon père Queuille : « Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. ».

L’UE est devenue inaudible. Bruxelles parle mais (presque) personne n’écoute. La « communication » de l’UE est perçue comme du bruit. A de rares exceptions près, ses messages sont élitistes, abstraits, médiocres, technocratiques et assez souvent à la traîne dans un monde en mouvement rapide.

De la nécessité d’une langue politique commune

L’UE possède une monnaie commune et un langage économique commun (sur la croissance et l’emploi) mais manque encore d’un langage politique commun. La communication des décideurs européens et nationaux sur l’Europe est essentiellement limitée à la dimension économique, puisque leur vision de l’Europe est largement dominée par un modèle économique de la politique. L’histoire du projet européen est présentée principalement comme une histoire d’intégration et de coopération économique et son existence est largement inspirée en tant que commodité économique.

Comment sortir de ce cycle de non-communication sur l’Europe qui nourrit des sentiments de plus en plus hostiles à l’égard de la politique de l’UE ?

Une Union des citoyens doit réussir à engager un dialogue constructif avec les multiples parties prenantes d’un monde multipolaire. Le défi, énorme, est de communiquer la démocratie collective la plus complexe sur terre en 24 langues et dans 28 pays et au monde extérieur. Ce défi a souffert d’années de négligence au cours desquelles son importance a été sous-estimée.

1. Combler l’écart de leadership

Le genre de leadership nécessaire pour l’Europe exige de :

  • Remplacer le « court-termisme » par la réflexion prospective ;
  • Substituer une activité visionnaire exercée par de vrais dirigeants à une administration par des fonctionnaires ;
  • Transiter vers une mentalité politique synergique gagnant / gagnant ;
  • Supplanter critiques, crises et catastrophes par des perspectives plus optimistes où les difficultés ne sont pas perçues comme des problèmes mais comme des occasions d’améliorer et d’inspirer l’Europe

Par conséquent, l’UE a besoin de plus de responsables politiques qui doivent :

  • S’identifier à la politique de l’UE qu’ils doivent diriger et ne pas gouverner, qui délivrent des messages moins autoritaires car la coopération et l’engagement des citoyens ne peuvent être obtenus avec des instructions ;
  • Posséder une capacité d’écoute empathique, une pensée visuelle, intuitive et créative ;
  • Répondre aux préoccupations, aux aspirations et aux valeurs des citoyens qu’ils prétendent représenter.

2. Une communication politique plus émotionnelle

L’UE ne doit pas craindre de faire appel aux émotions des citoyens pour être beaucoup plus émotionnellement en contact avec les gens, avec leurs espoirs et leurs peurs. L’interaction avec la politique et les politiques de l’UE devrait être une expérience émotionnelle, par rapport à l’approche utilitariste, pragmatique et paternaliste.

Du coup, les messages de l’UE devraient :

  • Dépasser le niveau factuel, être moins formels, sans platitude, banalités et truismes ;
  • Etre inclusif et s’adapter à la voix populaire, plus ils se répètent, plus les citoyens de l’UE s’aliènent ;
  • Eviter la propagande, l’auto-promotion, la complaisance et mettre un terme à la « monologomania ».
  • Raconter les réussites, les résultats tangibles, les livraisons concrètes sans déclarations vides sur le processus et les modalités ;
  • Utiliser la langue des citoyens ordinaires plutôt que des mots compliqués ;
  • Donner des discours remplis de passion au lieu d’ennuyer avec des histoires de consensus remplies de langue du bois et de technique.

3. Mettre un terme à l’infoxication actuelle

L’UE souffre d’une surcharge d’informations. Trop d’informations tue l’information et trop de détails abstraits tue le message, un peu comme l’arbre qui cache la forêt, pour détourner le « claim » de la stratégie de communication corporate de l’UE.

Comment ?

  • Transmettre moins de communiqués de presse de haut en bas et ne communiquer que si c’est valable ;
  • Arrêter de bombarder le public mal informé avec des faits accomplis ;
  • Mettre davantage l’accent sur la communication politique qui nécessite d’engager de multiples parties prenantes dans un dialogue, au lieu d’une information à sens unique.

4. Réduire la propagation du « blame game »

L’Europe se meurt du jeu de dupes où les hommes politiques nationaux prennent rapidement le mérite des réalisations positives de l’Europe et accablent rapidement Bruxelles ou Strasbourg pour tout ce qui ne va pas bien chez eux.

Les classes politiques nationales vont devoir apprendre non seulement que l’Europe est une partie inséparable du débat politique national mais surtout qu’ils sont des intermédiaires fondamentaux pour transmettre les messages européens.

5. Communiquer localement au-delà de la « bulle de Bruxelles »

Les activités d’information et de communication devraient être beaucoup plus décentralisées, impliquant non seulement toutes les institutions et tous les organes de l’Union, les gouvernements des États membres, mais aussi les parlements nationaux et les autorités locales et régionales.

Le fossé de sensibilisation des citoyens à l’Europe ne pourra être fermé qu’en partenariat avec les autorités nationales et régionales, seules capables de démontrer que l’UE n’est pas isolée de la politique nationale et locale. La réussite européenne doit être régionalisée avec une communication plus localisée et des messages décentralisés avec des contenus différents.

6. Communiquer l’Europe via la culture, l’éducation et le sport

L’avenir du projet de l’UE repose sur la création d’un sentiment d’appartenance et de solidarité. Les Européens doivent se percevoir plus que simplement comme voisins.

Le soutien public (pour l’UE) ne peut pas être soulevé de haut en bas, mais doit être le résultat de l’expérience de vie des gens en faisant de l’Europe une partie de la réalité sociale par la culture, l’éducation et le sport.

Ni solution miracle, ni règle d’or sur la façon de mieux communiquer l’Europe, mais le succès du projet européen dépendra de l’intensité et de la qualité (et non de la quantité) de la communication politique (et non de l’information) et repenser la manière dont l’UE est communiquée devrait nous concerner tous.