L’Union européenne s’apprête à célébrer (disons plutôt commémorer) les 60 ans de la signature du Traité de Rome, le 25 mars. Une occasion pour faire une rétrospective des inspirations symboliques, pragmatiques et structurelles de la communication européenne…
1er âge « œcuménique » de la communication européenne
Lorsque l’Union européenne commence – tardivement – à s’intéresser aux enjeux de la communication, l’approche se veut essentiellement intellectuelle.
La vision œcuménique repose sur l’idée que seul un nouvel espace public européen à construire permettra à chaque citoyen un égal accès à la parole européenne et donc une pleine compréhension (et adhésion) au projet de construction européenne.
Convaincu par cette vision largement idéaliste, l’Union européenne s’attache à poser les bases autour du multilinguisme de ses supports d’information, de l’écoute d’une opinion publique européenne en formation avec les Eurobaromètres dès 1974.
Quoique toujours pertinente à long terme – mais à long terme comme le disais Keynes on est tous morts – ce premier âge s’est essoufflé, trop inconséquent dans ses résultats immédiats.
2e âge « délibératif » de la communication européenne
Le 2e âge de la communication s’appuie sur une autre intention, là encore tout aussi noble : la prise en compte plus directe des publics via l’échanges d’information et la délibération.
D’aucuns ont parlé du « tournant participatif », manifesté à l’occasion du développement de ce l’on appelait les « technologies de l’information et de la communication », autrement dit l’avènement du web interactif et social.
Avec le « moment Wallström », le nouvel impératif catégorique de la communication européenne devient le dialogue avec les citoyens. De nombreuses initiatives, via le plan D, traduiront ces intentions, mais les résultats ne seront pas pleinement exploités et leur déploiement à grande échelle ne tiendront pas leur promesse.
3e âge « instrumental » de la communication européenne
Les approches trop « idéalistes » s’étant montrées trop inefficaces, une démarche plus pragmatique s’installe peu à peu dans les esprits, de plus en plus convaincus qu’il s’agit véritablement de faire le marketing de l’UE – horresco referens – de « vendre l’Europe ».
Dans cette démarche, la place du public est moins généreuse. On assiste plutôt à une instrumentalisation plus assumée du grand public, qui doit « Agir. Réagir. Accomplir » pour reprendre la signature de la dernière campagne du Parlement européen à l’occasion des élections européennes.
La maîtrise des outils et techniques de la communication de masse apparaît comme la solution ultime. C’est l’époque des « spin doctor » et des agences triomphantes, avec Jacques Séguela qui travaille sur le projet-pilote de campagne de communication corporate de la Commission européenne.
Mais l’approche persuasive, publicitaire ne se révèle pas être à la hauteur, à l’ère de la crise des médias de masse et de la perte de confiance des citoyens.
4e âge « compétitif » de la communication européenne
Plongé dans un euroscepticisme largement partagé dans les classes moyennes et même chez les jeunes, la communication européenne se doit d’acter la réalité complexe et adverse qui impose une position de défense.
D’une certaine manière, la communication se doit d’être compétitive, face à ses nombreux adversaires. De même, cette compétition doit se situer à la fois à l’échelle du débat d’idées où l’UE s’est montrée trop souvent aux abonnés absents et sur le terrain, dans la guérilla permanente pour capter l’attention des audiences fragmentées.
Une nouvelle forme de communication européenne se met en place avec notamment du « fact-checking », campagne en France sur les « décodeurs de l’Europe », des coups médiatiques, comme ces rumeurs sur la démission présumée de Jean-Claude Juncker, de l’agenda-framing pour tenter de cadrer les perceptions avec des métaphores, des artifices sémantiques (slogans, accroches : « Big on big things »)…
Reste à savoir ce que nous réserve la communication européenne à l’occasion des 60 ans du Traité de Rome ? A suivre.