Ne parlons pas du renoncement aux projets fondateurs d’un embryon d’espace public européen, comme l’abandon d’Euranet le réseau de radios ou le rachat d’Euronews par les Américains de NBC, ni même de la tétanie des initiatives face aux GAFA, la léthargie face aux promesses de la démocratie numérique européenne est forte et les innovations sont absentes. Pourquoi ?
Des tensions insolubles de la démocratie participative numérique ?
La démocratie participative numérique a pu soulever de nombreuses attentes que le web, à fortiori à l’échelle européenne, n’est pas parvenu à satisfaire :
La tension entre l’utilité des consultations en ligne à recueillir de très grands nombres d’avis et propositions d’internautes, et leurs limites à produire du consensus à large échelle, dès lors qu’un débat concerne un cercle plus large que celui d’experts. L’incapacité à réintégrer les outputs des initiatives du plan D dans les inputs des politiques publiques européennes ont sonné le glas des bonnes volontés.
La tension entre un mouvement sincère des institutions publiques européennes d’ouvrir la porte à plus de participation grâce au web et un fréquent embarras à rendre compte des avis reçus et les réticences à en tenir compte. L’Initiative citoyenne européenne en est la cruelle démonstration, malgré l’impératif du traité.
La tension entre des institutions publiques attachées à des formes traditionnelles de consultation (la pétition, le recueil de contributions sur un thème donné) et une société civile jamais à court de propositions d’innovations démocratiques. Les mouvements d’opinions, notamment anti-ACTA ont largement démontré leurs capacités de mobilisation en ligne et de contournement des formes institutionnalisées de participation.
Au total, les tensions seraient si vives que la démocratie participative numérique européenne seraient condamnées à rester dans les limbes.
Des enseignements troublants de la démocratie numérique européenne ?
Que nous enseigne les projets de démocratie numérique européenne ?
Certes, de manière surtout théorique d’ailleurs, la participation de la société civile peut améliorer la représentation démocratique. Elle permet d’offrir aux citoyens de meilleurs moyens d’influer sur la politique de l’UE et la possibilité de promouvoir une large participation sans nuire à la capacité de résolution des problèmes de l’Union.
Mais, en pratique, la participation de la société civile peut accroître l’inégalité politique. Comme dans le monde « IRL », certains groupes ont plus de chances d’influencer les politiques publiques que d’autres. La participation de la société civile n’est pas une alternative aux canaux territoriaux et électoraux de représentation – plutôt un complément.
Au total, les réformes participatives de la gouvernance européennes ne sont pas la solution à la crise de légitimité de l’UE, mais peuvent réduire – à leur mesure et selon l’importance qu’on leur donne – l’ampleur et la profondeur de la crise.
Que faut-il en conclure ? Que la démocratie numérique européenne est au point mort, à cause du contexte électoral peu favorable qui traverse le continent et/ou en raison d’une impasse plus politique que technologique.