Déficit de communication de l’UE ou problème de sens de l’Europe ?

Trop souvent, la confusion est entretenue entre le déficit de communication de l’UE qui serait la cause de tout et le vrai problème au niveau du sens de la construction européenne à l’heure actuelle. Il ne faut pas prendre le symptôme (le déficit de communication de l’UE) pour la pathologie (le problème de sens de l’Europe)…

L’Europe est-elle fait pour empêcher ou pour faire ?

À cause d’une communication européenne trop souvent normative : « l’UE fait ceci, l’UE décide cela… » audible uniquement en période de crise, et peu suivie d’effets visibles, la perception du grand public au cours des dernières années a profondément évolué.

Pour reprendre une clé de lecture introduite par le juriste Georges Burdeau, les Européens sont passés d’une vision de l’Europe comme « démocratie gouvernée » (l’idée libérale d’un Etat démocratique pour empêcher de porter atteinte aux droits des citoyens) à une « démocratie gouvernante » (l’idéologie d’un Etat qui transforme la société).

Aujourd’hui, l’Europe est davantage perçue comme l’empêcheur qui sanctionne plutôt que comme le catalyseur des énergies et c’est contre cette perception que la communication européenne devrait porter le fer en priorité.

L’Europe est-elle fait pour faire circuler ou pour unir ?

À cause du succès incontestable – et tellement isolé – du programme Erasmus pour la mobilité des étudiants en Europe, la construction européenne finit dans l’esprit des nouvelles générations par incarner un projet de circulation des marchandises et des personnes et non plus un projet d’une « union sans cesse plus étroite » que les Brexit et Grexit menacent.

Selon l’ancien eurodéputé Jean-Louis Bourlanges, la logique de la mobilité de plus en plus largement répandue pose une fausse question au citoyen consommateur « Qu’est-ce que j’ai avec l’Europe » tandis que la logique de l’identité, quoiqu’éminemment sensible place le débat sur le bon terrain, que beaucoup refusent d’aborder : « Qu’est que je suis avec l’Europe ».

Aujourd’hui, l’Europe est davantage attendue pour ce qu’elle a (à distribuer, à négocier) que pour ce qu’elle est (une vision et une ambition commune) et là encore, tant que la communication européenne ne s’attachera pas à parler des sujets de fond qui peuvent fâcher ou cliver, le déficit technocratique de l’UE perdurera.

Le sens de l’Europe : le smart power de la norme

Finalement, le sens de la construction européenne, le plus lisible à l’heure actuelle, c’est le modèle de gouvernance que les Européens sont parvenus tant bien que mal à mettre en place pour gérer la chose publique commune.

Que l’on s’intéresse à la vision de Zaki Laïdi sur « L’empire de la norme » selon lequel « l’influence de l’Europe dans le monde, à défaut d’être géopolitique, est de nature normative » ou à celle de Jeremy Rifkin dans « The European Dream » pour qui « l’Europe est une vision de l’humanité reposant sur le règne du droit », force est de reconnaître que finalement, face aux enjeux mondiaux (chocs démographique, climatique, économique, financier, social, etc.), l’Europe avec son modèle de la norme sans la force a un temps d’avance !

Au total, c’est l’absence de communication de l’UE qui a finit par laisser penser que la construction européenne n’était pas un projet démocratique alors qu’avec l’ambition que portent les non-Européens sur le projet inédit de l’UE la communication européenne devient une nécessité démocratique et une évidence autour du smart power de la norme.

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