Tandis que l’investiture officielle du Parlement européen est accordée à Jean-Claude Juncker pour former la future Commission européenne, la bataille pour les places de Commissaires ne fait que commencer. Parmi ses Commissaires, Jean-Claude Juncker devrait – il s’agit d’une proposition personnelle – créer un poste de porte-parole de la Commission. Pourquoi ?
Le contexte de la communication de l’UE : la parole européenne éclatée
Entre la période fondatrice de la Communauté européenne au début des années 1960 et aujourd’hui, c’est à la fois le paysage institutionnel de l’UE et l’horizon des médias qui ont été bouleversé, ce qui n’est évidemment pas sans conséquence sur qui parle au nom de l’Europe et comment.
Du côté de l’UE, le triangle institutionnel dominé par la Commission européenne a laissé place à un rééquilibrage, certes au profit du Parlement européen démocratiquement élu au suffrage universel depuis 1979 mais surtout au bénéfice du Conseil européen, la dernière institution arrivée.
Pour ce qui concerne les médias, il n’est pas nécessaire de revenir plus amplement sur l’explosion des chaînes de TV/radio ainsi que des titres de presse et a fortiori des sites Internet au cours des dernières décennies, même si une crise traverse plus ou moins brutalement les médias d’information.
Sous l’angle des porte-parole de l’UE, cela se traduit, à très grand trait, par une évolution de la prise de parole au détriment de la Commission européenne. En effet, c’est le passage du « système Olivi », constitué selon Gilles Bastin par un petit monde de l’information européenne à Bruxelles frappé par une extrême porosité entre journalistes-correspondants auprès de l’UE et porte-parole des Commissaires qui s’expriment au nom du projet européen à la « voix de l’Europe » au nom des peuples européens, selon Luuk Van Middelaar, qui s’exprime lors des Conseils européens rassemblant les chefs d’Etat et de gouvernement et qui est entendue dans les médias.
Ces évolutions rendent ceux qui parlent au nom de l’Europe moins audibles en raison de leur propre multiplication (Conseil européen, Conseil de l’UE, Commission, Parlement) mais aussi de l’explosion des médias d’information qui tentent de capter l’attention des citoyens.
L’enjeu de la communication de l’UE aujourd’hui : rétablir la confiance, donc des preuves tangibles et une relation durable
L’époque du déficit démocratique entre des institutions européennes distantes et lointaines, et des citoyens globalement compréhensifs ou mollement revendicatifs que Margot Wallström tentait de résorber est révolue.
Aujourd’hui, la rupture est consommée. Les citoyens européens n’en sont plus à reprocher à l’UE d’être perfectible, mais l’accusent ouvertement pour l’absence de décisions ou l’orientation des décisions.
Pour la communication de l’UE, la priorité aujourd’hui c’est donc de rétablir la confiance, ce qui repose sur 2 conditions :
- D’une part, apporter des preuves que l’Europe s’intéresse vraiment aux préoccupations des citoyens et que la Commission s’engage et agit vraiment pour eux ; sans preuve, c’est pas la peine de communiquer dans le contexte actuel ;
- D’autre part, créer une relation régulière entre l’Europe et les citoyens, sans les détours d’expérimentations participatives qui ne sont pas à l’échelle ou de tiers « auto-entrepreneurs » de la cause de l’Europe trop minoritaires.
La mission de donner de la visibilité et de la lisibilité à la parole de l’UE est trop importante pour qu’elle soit efficacement et durablement menée autrement qu’en la confiant à un/une Commissaire, porte-parole de la Commission, comme dans la plupart des exécutifs en Europe.