Autonomie stratégique de l’Europe, le nouveau mantra de l’Union européenne

Élève modèle de longue date du libre-échange et du multilatéralisme, l’Union européenne, frappée comme tous par les crises et la pandémie de Covid, s’est abandonnée à un exercice de soul-searching afin, en partie, de se réinventer…

La formule magique au barycentre des idées européennes

Premier mouvement, l’idée de capacité stratégique est originellement française, poussée par l’industrie de la Défense pour inciter les chefs d’État et de gouvernement à reprendre le fil rompu de l’Europe de la Défense. Mais comme beaucoup d’idée française, la première réaction est plutôt négative quoiqu’elle permet de faire cheminer la réflexion.

Le rebond maladroit vient avec le positionnement initial, dorénavant plus discret, d’une Commission européenne géopolitique avec Ursula von der Leyen. Cette idée qui sent encore trop le Kriegspiel, les vieux plans d’état-major entre puissances continentales pour se découper les territoires sera abandonnée.

Le consensus, ces derniers mois, porte sur le concept d’autonomie stratégique de l’Europe, un principe formulé pour la première fois dans les conclusions d’un Conseil européen dès 2014 anticipant bien des mouvements de tectoniques à venir.

Combinant la problématique « française » de la capacité à se protéger au sens littéral, mais également la vision d’une Europe autonome, affranchie en particulier de la rivalité systémique entre la Chine et les USA et enfin d’une émancipation technologique et commerciale pour assurer les transitions climatique et numérique.

Surtout, la réponse à la pandémie se trouve dans l’autonomie stratégique que l’on se tourne du côté de la résilience des économies européennes et de leurs chaînes de valeur avec des relocalisations d’activités stratégiques ou du côté du numérique avec des initiatives plus crédibles d’investissement et de joint ventures pour les infrastructures cloud, la bigdata des entreprises et l’intelligence artificielle.

La vision de Charles Michel, président du Conseil européen

S’exprimant, à son cor défendant, plus rarement, les propos du président du Conseil européen sont d’or sur l’autonomie stratégique de l’Europe, qui « doit poursuivre trois objectifs : la stabilité, la diffusion de nos standards et la promotion de nos valeurs ».

On se souvient de la formule de Paul-Henri Spaak: « Il n’y a que deux types d’États en Europe: les petits… et ceux qui ne savent pas encore qu’ils le sont. » Cela m’inspire une autre formule: l’Europe est grande, mais elle ne le sait pas encore.

Discours de Charles Michel au think tank Bruegel le 28 septembre 2020

Reste que les choses ne bougeront que quand la règle de la majorité qualifiée sera adoptée sur les sujets au moins des droits de l’homme, des sanctions et idéalement des missions/opérations à l’échelle internationale.

Les nouveaux paradoxes d’une Union européenne autonome et stratégique

Avec l’autonomie stratégique européenne, foin des démons protectionnistes qui hantent encore une partie des bancs aux extrémités de l’hémicycle strasbourgeois ou des anges atlantistes déchus avec la présidence Trump et du Brexit.

Du coup, l’Union européenne doit désormais s’attaquer à concilier son besoin d’autonomie accrue dans le respect de son logiciel et sans s’affranchir de ses propres règles, bref, agir comme le champion d’une économie mondiale ouverte dans un monde de plus en plus fermé.

Par ailleurs, l’autonomie stratégique en action, consistera à s’imposer davantage comme une puissance dans le monde pour définir notre destin et avoir un impact positif pour le monde tout en étant en même temps au service d’une vision humaine, généreuse d’un monde plus respectueux, plus vertueux et plus équitable. En bref, il faut être plus fort pour être plus libre.

Au total, l’autonomie stratégique de l’UE, quoique facteur de consensus entre les parties prenantes bruxelloises, sera-t-elle en mesure de convaincre les esprits du grand public ?

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