Stratégie de communication post-Covid : l’UE nouveau soft superpower ?

Anu Bradford, professeur de droit à l’Université Columbia, fait débat dans les think tank bruxellois en ce moment avec une thèse iconoclaste sur le superpower de l’Union européenne : « The Brussels Effect. How the European Union Rules the World », tribune et podcast sur Project Syndicate. Est-ce que ce devenir d’hegemon régulateur peut se mettre au service d’une nouvelle stratégie offensive de communication de sortie de crise ?

De la résilience du « Brussels Effect »

Pour la juriste américaine Anu Bradford, le pouvoir unilatéral de régulation des marchés de l’UE vient du fait que les grandes entreprises mondiales, notamment américaines, se conforment de plus en plus aux règles européennes, non seulement pour exister dans le marché unique mais sur tous leurs marchés, les règles européennes s’imposent comme la norme standard de la globalisation, qu’il s’agisse de protection de l’environnement, de sécurité alimentaire, de respect de la privacy…

Cette situation exceptionnelle pour l’UE est due non seulement au vaste marché des consommateurs européens et au pouvoir de régulation et de sanction des institutions européennes, mais surtout au ration PIB par habitant qui place les sociétés européennes encore parmi les plus avancées du monde, donc les plus en attente de protection renforcée de la part des pouvoirs publics.

Ni la crise du Coronavirus qui n’entame pas le rôle de régulation technocratique de l’UE, ni la fausse promesse de liberté de régulation du Brexit ne renverse le rôle de « rule maker » plutôt que de « rule taker » de l’Union européenne.

De l’impact et des limites du soft superpower bruxellois

Dans les stratégies de sortie de crise Post-Coronavirus, face à l’autoritarisme digital chinois de contrôle massif des populations et au tout marché américain sans protection des droits personnels avec les GAFAM, la régulation humaniste européenne – illustrée avec le RGPD et attendue pour l’IA notamment – positionne l’Union européenne comme un soft superpower crédible capable de trouver des solutions, à partir du marché et d’incitations, ainsi que de sanctions, pour les entreprises. Le modèle est certainement appelé à impacter encore davantage la régulation numérique du nouveau monde.

Néanmoins, pour la professeur de Columbia, la Commission géopolitique annoncée par Ursula von der Leyen -et déjà critiquée ici-même – sera difficile à « délivrer » car tous les attributs du superpouvoir régulateur, permettant des effets de long terme par la régulation du marché ne seront de peu d’impact sur les questions géopolitiques, où le hard power s’exprime par des formes traditionnelles dont l’UE est encore largement dépourvue et encore pour longtemps.

Quand on voit combien nous dépendons dans notre vie quotidienne du bon fonctionnement de la globalisation, nous ne pouvons que souhaiter que le rôle d’équilibre entre les puissances, d’influence sur l’organisation du système mondial et de régulation des acteurs économiques porté par l’Union européenne soit relancé et renforcé. Le sursaut du projet européen est en jeu.

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