Le dernier sommet des chefs d’Etat et de gouvernement illustre particulièrement les stratégies de communication adoptées par les acteurs entre pédagogie politique et rhétorique de la réforme, et attitude de dialogue…
Pédagogie politique : le rôle dévolu aux institutions européennes
De qui parle-t-on ? Des présidents du Conseil européen, de la Commission européenne, du Parlement européen et même du Conseil de l’UE, qui en l’occurrence ne signifie pas l’acquisition de pouvoirs temporaires complémentaires mais plutôt le respect d’obligations supplémentaires.
Comment s’expriment-il ? Hélas, la créativité est rarement de mise à l’occasion des Conseils européens, surtout lorsque les enjeux, comme le Brexit ou les migrants, focalisent l’attention médiatique et cristallisent des tensions entre les Etats membres.
Trois messages sont systématiquement déclinés sur différents tons :
- dégonfler les attentes : surtout ne plus jouer la carte du sommet de la dernière chance, de la crise salvatrice, de l’accord au petit matin… même si les journalistes ne se sont pas privés d’utiliser ce registre ces dernières années ;
- canaliser les priorités : éviter de multiplier les sujets à l’agenda pour parvenir à des conclusions courtes et lisibles… même si le diable est toujours dans les détails et les annexes ;
- synthétiser les décisions : tenter d’imposer un cadrage dominant exclusif sur la lecture à apporter… même si les déclarations plus ou moins improvisées en conférence de presse à la sortie divisent l’unité.
Au total, le rôle des « présidents », imposé par le poids des institutions, ne leur permet pas de déployer une communication vraiment audible.
Rhétorique de la réforme : le rôle des Etats-membres velléitaires
À l’occasion des Conseils européens, les chefs d’Etat et de gouvernement ont le beau rôle. Du coup, leur communication est beaucoup plus offensive pour faire passer leur souhait de réforme.
Trois temps incarnent la rhétorique de la réforme :
- on inquiète : d’abord, on met l’accent sur les risques et les menaces, afin de capter l’attention médiatique, de définir des opposants et des limites infranchissables ;
- on rassure : ensuite, on évoque des opportunités, des débouchés, afin de créer une coalition de réformateurs, de créer un réseau/relais d’adhérents à la réforme ;
- on bétonne : finalement on communique sur le « deal » de la réforme, on « positive » sur les principes et les« avancées » de la réforme.
Attitude du dialogue : le rôle des « grands frères » de l’Europe
À défaut de disposer encore des pères fondateurs de l’Europe, ce qui fait que le projet a été perdu dans les sables par leurs successeurs, certains chefs d’Etat et de gouvernement, qu’ils appartiennent au couple franco-allemand ou coalise des groupes de pays homogènes, endossent le rôle de grands frères.
Ouverts au dialogue, mais dans le respect des règles de la famille, la régulation de l’ensemble des Conseils européens réside dans la réussite ou l’échec de ces médiations. Les velléitaires seront d’autant plus turbulents quand les « grands frères » ne rempliront pas leur fonction.
Au total, les Conseils européens, au-delà de leur « dramaturgie journalisticisée » sont devenus les principaux rendez-vous occasionnels de l’Europe avec ses citoyens, d’où l’importance des stratégies de communication politique.