En prolongement du diagnostic des « réflexions sur la politique d’information et de communication de l’UE » du rapport de l’eurodéputé Willy De Clercq, que faut-il retenir, 20 ans après des recommandations en matière de publics, de messages et de conditions ?
1. Quels publics ?
La communication de l’UE doit s’adresser aux bons publics et de la bonne manière, avec émotion et respect. Certes, tous les citoyens doivent être informés, mais si c’est pour diffuser trop d’informations ennuyeuses, inintéressantes et froides, mieux vaut des messages qui stimulent, excitent, motivent et déplacent les gens : des stimuli qui changent leurs attitudes.
Dans le grand public, les publics cibles qui seraient les plus réceptifs et les plus actifs « relais » sont :
- Les indécis / indifférents ou ceux qui sont enclins à avoir des attitudes favorables (plus susceptibles d’être réceptif et de répondre positivement) ;
- Les femmes : si les avantages de l’UE sont « personnalisés » pour les femmes, elles vont rapidement comprendre comment ces avantages bénéficient sur leur vie, leur famille, leurs enfants, leur travail et donc reconnaître les avantages existentielles de l’UE ;
- Les jeunes : certainement plus ouvert aux valeurs et aux idéaux européens que les générations plus âgées et nécessaires à un futur stable de l’UE.
Dans les publics spécialisés, les « multiplicateurs » sont :
- Les journalistes, les rédacteurs en chef et les directeurs de programme : tous ceux qui ont une influence déterminante dans leurs médias ;
- Les milieux décisionnels, à la fois économiques et politiques dans les Etats-membres.
2. Quels messages ?
Le message européen doit concerner à la fois les Européens dans leur dimension professionnelle, en termes de nouvelles opportunités et de meilleures conditions de vie, mais aussi dans leur dimension historique et culturelle, en termes de valeurs, de perspectives et d’une identité partagée en commun.
Il faut identifier les avantages de la construction européenne : une entité vivante qui offre de multiples avantages pour tous en termes de progrès et de prospérité, de protection et paix, vers plus de solidarité et un «avenir meilleur».
Il faut éviter la confusion entre l’Europe et les institutions européennes : les gens sont plus intéressés par ce qu’il y a sur la table « l’Europe », que ce qu’il y a dans la cuisine « les institutions européennes ».
Le positionnement de l’UE doit être placé dans l’esprit des gens, comme la plus grande entité démocratique, socio-économique et politique dans le monde. Sa raison d’être est que, dans la poursuite de ses objectifs, le tout est plus grand et plus efficace que la somme de ses parties.
L’UE permet de travailler ensemble sur des questions communes. Aussi, une évaluation honnête de ce qui peut être raisonnablement atteint par l’UE doit permettre de ni jeter le blâme sur « l’Europe », ni créer de faux espoirs.
Les messages de l’UE doivent être exprimés dans un langage clair et des outils adéquats, simples et innovants – et en 1992, il n’était pas encore question d’Internet…
3. Quelles conditions ?
Les deux « mamelles » de la politique de communication de l’UE sont un leadership résolu sur la durée et un investissement financier de taille critique – sans l’une et l’autre, il n’est pas possible d’impliquer émotionnellement les citoyens dans la construction de l’Europe : la meilleure stratégie de campagne et les meilleures tactiques sont inutiles sans munitions.
En termes de leadership, cela doit se traduire au niveau des Commissaires et du président de la Commission, avec des conférences de presse, des interventions régulières dans les médias et des discours et des visites auprès d’acteurs de la société civile, le tout sur l’impact de l’Europe dans leur propre pays.
Au niveau des moyens, l’appel à un « Bureau de la Communication » sur le modèle des USA ou de la France avec le SIG permettrait de :
- exercer la responsabilité de la stratégie de communication de l’UE ;
- veiller à ce que l’UE parle d’une seule voix (ce qui nécessitera une collaboration étroite avec le Parlement européen, le Conseil et les autres institutions) ;
- veiller aux lignes directrices, à la formation du personnel, à la conformité des campagnes sectorielles avec la stratégie générale, aux instruments de mesure de l’opinion pour le suivi des attitudes du public et la mesure des progrès.
Par ailleurs, la dimension culturelle ne doit pas être oubliée. Les communautés académiques et culturelles doivent être persuadées que l’UE n’est pas un rouleau compresseur du tout économique visant à aplatir et harmoniser la culture. Au contraire, l’Europe encourage et protège la mosaïque des cultures, la vie intellectuelle et le savoir-vivre.
Au total, les recommandations du rapport De Clercq en matière de publics (les indécis, les femmes, les jeunes), de messages autour des 4 P (progrès, prospérité, protection, paix) et de conditions (le leadership politique et le soutien financier) sont d’une actualité troublante.