Avec un appel d’offre en cours de plus de 30 millions d’euros sur 5 ans pour des services intégrés de production et de diffusion audiovisuelle, la Commission européenne en profite pour redéfinir sa stratégie de communication audiovisuelle, en ne s’adressant plus seulement aux professionnels des médias…
Stratégie audiovisuelle actuelle essentiellement destinée aux professionnels des médias
Réunions institutionnelles, visites officielles, conférences de presse, signatures de traités, les services audiovisuels de la Commission européenne produisent du matériel (vidéos, photos, audios) au cœur de l’actualité des institutions européennes, essentiellement destinée aux professionnels des médias, via notamment :
- EbS « Europe par Satellite », le service d’informations télévisées de l’UE depuis 1995 : transmet par satellite du matériel audiovisuel brut destiné aux professionnels des médias ;
- EbS+ lancée plus récemment dans le but de diffuser en clair et en direct des reportages vidéo montés autour des événements de l’UE ;
- un portail en ligne utilisant ces services : en 2012, plus de 7,5 millions de visiteurs uniques et plus de 150 000 utilisateurs enregistrés, lesquels téléchargent régulièrement des fichiers multimédias.
Stratégie audiovisuelle nouvelle autant destinée aux professionnels qu’au grand public
L’évolution majeure de la future stratégie audiovisuelle de la Commission européenne – au-delà de la poursuite des services aux professionnels des médias – consiste à inclure dorénavant le grand public dans les prestations audiovisuelles.
Ainsi, le lot 1 du marché en cours : « production audiovisuelle, montage, transmission et distribution d’actualités de l’UE et de produits à destination du grand public » représentant la moitié du budget prévoit notamment :
- production et diffusion de produits audiovisuels et multimédia destinés au grand public (par ex. la production de courtes séquences vidéo, accompagnées de graphiques et de voix hors champ destinées à être diffusées sur les différentes plateformes) ;
- production de programmes de radio et de télévision, y compris les coproductions avec des partenaires extérieurs, en direct ou enregistrés.
Autrement dit, la nouvelle stratégie audiovisuelle de l’UE – en souhaitant inclure le grand public dans son cahier des charges – prévoit la production et la diffusion en ligne de manière désintermédiée (vis-à-vis des médias traditionnels) de « produits audiovisuels et multimédia » qui seront de facto concurrents des productions des professionnels des médias d’information.
La communication de la Commission européenne, substitut du travail des professionnels de l’information auprès du grand public ?
Dorénavant il n’est plus contestable que la Commission européenne vise à ce que la communication de l’UE se substitue à l’information européenne, en faisant en sorte de toucher, seule, directement, les citoyens européens.
Entre l’appel d’offre pour refondre l’espace presse de l’UE en portail d’informations ou celui pour refondre la revue de presse Presseurop en média d’information inféodé à la Commission européenne, et ce nouveau marché de prestation audiovisuelle incluant des « produits destinés au grand public », le doute n’est plus permis :
La stratégie de communication de la DG COMM de la Commission européenne consiste à « braconner » sur les terres des professionnels de l’information.
Certes, la faible appétence des médias d’information pour l’UE, la crise des moyens consacrés par les médias aux affaires européennes ou le déficit d’information des Européens en matière d’actualité européenne sont autant d’enjeux qui doivent trouver des remèdes.
Mais, la communication de l’UE doit-elle pour autant systématiquement – comme c’est dorénavant le cas – poursuivre une démarche concurrente dans la forme et les moyens à l’activité des professionnels de l’information ? Cette destruction de valeur, liée à une confusion néfaste tant pour l’information que pour la communication est-elle encore longtemps soutenable ?
Au total, la nouvelle stratégie de communication audiovisuelle de la Commission européenne en braconnant sur les terres de l’information représente un poison mortifère à abandonner au plus vite.