Dans la revue Politique européenne n° 34 titrée « Promouvoir l’Europe en actes », Philippe Aldrin et Dorota Dakowska publie une analyse qui renverse la perspective que l’on porte habituellement sur la « communication européenne ».
Plutôt que de se concentrer sur le point de vue institutionnel autour des efforts d’information déployés par « Bruxelles », le regard se décentre sur les promoteurs de l’Europe hors ou loin de « Bruxelles », qu’une stratégie de « relations publiques » tente d’animer…
Logiques lointaines de la promotion non institutionnelle de l’Europe : les « relations publiques » de l’UE
Dès les premières années de la construction européenne, une démarche de co-production de la « construction européenne » est poursuivie via des « relations publiques » ayant pour vocation explicite de développer la « surface sociale » de l’UE.
Des publics tels que syndicalistes, entrepreneurs économiques, enseignants et universitaires, organisations politiques et associations sont très tôt incités et financés à participer et à promouvoir le processus d’intégration.
Dans un document budgétaire interne à la Commission pour l’année 1965, les « relations publiques » sont ainsi définies comme « permettant de faire participer à nos actions, conférences, stages, visites, expositions, colloques de tous ordres, les personnalités de haut niveau, qui ne sont pas les correspondants ordinaires de notre travail de presse et d’information mais dont l’appui nous est cependant indispensable ».
Reconfigurations récentes de la collaboration centre-périphéries via des « relations publiques 2.0 »
La stratégie initiée par Margot Wallström en 2005 dans le « Plan D comme démocratie, dialogue et débat » – après les rejets populaires des referendums français et néerlandais de 2005 (sur le TCE) et du referendum irlandais de 2008 (sur le traité de Lisbonne) – repose sur une volonté nouvelle de se rapprocher des citoyens et de leur donner les moyens de dialoguer avec l’UE.
Cette nouvelle volonté affichée d’établir un « dialogue renforcé » avec les populations conduit à redéfinir la notion de « public(s) » qui prévaut au sein des milieux institutionnels de l’UE afin de sortir d’une conception unilatérale d’un public récepteur au profit d’un échange avec des citoyens actifs devenus partie prenante de la communication européenne.
Avec la stratégie de communication centrée autour de la « démocratie participative / délibérative », le rôle des médiateurs « naturels » pour une institution publique comme le sont les journalistes est désormais à relativiser au profit de nouveaux médiateurs du dialogue UE-citoyens.
Avec l’orientation participative / délibérative, ce sont finalement des collaborateurs et des médiateurs pour ainsi dire « naturels » de la cause européenne qui trouvent traditionnellement auprès de Bruxelles les ressources à la fois matérielles et symboliques qui ont été récemment réintroduits dans la stratégie de communication de l’UE.
Paradoxalement, le regain de considération récent de l’UE pour la parole, les opinions ou les initiatives des « euro-citoyens ordinaires » bénéficie d’abord aux promoteurs non institutionnels mais traditionnels de l’idée européenne.