Mieux communiquer l’Europe ?

Opinion Corner, l’e-magazine de l’agence de communication bruxelloise Mostra, consacre un numéro spécial « Mieux communiquer l’Europe ? ». Á défaut de propositions pour révolutionner la politique actuelle de communication de l’UE, les réflexions d’une vingtaine de responsables politiques, de journalistes, de professionnels de la communication et de représentants des institutions de l’UE et des États membres…

LA PROBLÉMATIQUE : malgré des moyens non négligeables, l’Europe souffre manifestement d’un problème d’image

  • Pourquoi l’UE éprouve des difficultés à faire passer son message auprès des citoyens de l’Union ?
  • Comment communiquer une «chose» certes importante, mais souvent si complexe et tellement ennuyeuse ?
  • Qui est responsable de l’état actuel de la communication européenne : les médias, la Commission européenne ou les gouvernements nationaux ?
  • Faut-il organiser des campagnes de relations publiques plus efficaces (et augmenter encore les budgets de communication…) ou cela risque-t-il de susciter un effet repoussoir auprès des citoyens européens ?
  • Quel est le meilleur canal pour faire passer le message de l’Europe – la télévision, la presse écrite, le web ou les «médias sociaux» ?

LES DÉFIS

De nombreux problèmes confortent l’éloignement entre l’UE et les citoyens

D’une part, les citoyens estiment que l’UE est très éloignée : la plupart d’entre eux se disent mal informés, ne savent pas à qui s’adresser s’ils ont un problème, estiment que les institutions européennes communiquent trop peu avec eux (leur voix n’est pas prise en compte dans l’UE) et se plaignent que les médias ne réservent pas assez de place à l’Europe.

D’autre part, l’UE reste très éloignée pour des raisons parfois intrinsèques et donc difficiles à résoudre :

  • Il n’y a pas d’espace public européen, il n’est pas possible de dialoguer à travers les barrières des cultures.
  • Le fait de devoir communiquer dans les 23 langues officielles de l’UE constitue un obstacle supplémentaire.
  • L’UE est complexe : ses institutions n’ont pas d’équivalents nationaux et ses processus de décision sont extrêmement difficiles à expliquer.
  • Les politiques de l’UE sont menées à l’échelle d’un continent et en fonction d’enjeux mondiaux, ce qui semble loin – à tort – des préoccupations quotidiennes.

Les critiques portent sur une politique de communication de l’UE trop « techno » et « verticale », trop ancrée dans le passé et trop centrée sur les « anciens médias »

  • Prend les gens de haut : On croit qu’il suffit d’envoyer un message aux gens et que ceux-ci vont réagir d’une certaine manière. Les gens ne veulent pas qu’on leur parle comme ça. Ils veulent être partie prenante au débat.
  • Sourd à la critique : À Bruxelles, on est soit «avec nous» ou «contre nous». Il n’y a rien entre les deux. On est face à une sorte de refus institutionnel de répondre à la critique.
  • Utilise mal Internet : Les sites institutionnels sont médiocres, mal conçus, difficiles d’accès pour l’utilisateur et créent des barrières énormes à l’acquisition de l’information et de la connaissance.

La responsabilité de la communication sur l’Europe incombe-elle aussi aux États nationaux ?

Les citoyens attendent des gouvernements nationaux qu’ils soient les canaux privilégiés de transmission de l’information concernant l’Europe. Aux yeux du public, leurs États nationaux faillissent à cette tâche : leur gouvernement ne fournit pas assez d’informations concernant l’Europe.

Tony Connelly, correspondant de RTE, estime que beaucoup de dirigeants nationaux font preuve d’hypocrisie quand il s’agit de communiquer sur l’Europe. Ils sont prêts à reprendre les succès de l’UE à leur compte, mais toujours prompts à blâmer « Bruxelles » pour les échecs.

Les journalistes sont-ils responsables de l’ignorance générale concernant l’Europe et du scepticisme grandissant envers ses institutions ?

Le public européen semble en être persuadé en ce qui concerne l’ignorance générale : les médias ne donnent pas assez d’informations concernant l’Europe.

Pourquoi les sujets européens sont-ils si rares ? Les rédacteurs rechignent à aborder les sujets concernant «Bruxelles» car ils considèrent l’UE comme grise, ennuyeuse et sans visage.

Autre problème : la plupart des médias ne disposent que d’un seul correspondant pour couvrir l’Union européenne, ce qui a tendance à réduire la qualité de la couverture médiatique.

LES DÉBATS

Entre parfaire les méthodes et développer les messages : qu’est-ce qui est le plus important ?

Le problème principal de l’Europe en matière de communication avec le public n’est pas le manque de ressources, d’outils ou même de compétences. C’est que les leaders européens ne sont pas parvenus à développer une « ligne narrative » ou un ensemble de messages clairs à communiquer aux citoyens.

Robert Manchin, directeur de Gallup Europe, souligne: « Tant que nous n’aurons pas une idée claire de ce qu’est cette vaste entreprise européenne, nous serons incapables de nous entendre sur la manière de la promouvoir. »

Jusqu’où l’Europe doit-elle aller pour faire passer son message auprès du public : comment vendre l’Europe ?

Pour certains, la marque « Europe » peut être promue aussi efficacement qu’un produit de grande consommation. Matt Browne du Center for American Progress pense que l’Union devrait vanter ses succès plus agressivement et affirmer ses valeurs avec plus de force. « Il n’y a absolument aucun risque à mettre l’Union européenne trop en avant », bien au contraire…

D’autres, minoritaires, exprimée notamment par Lorraine Mullaly, ex-directrice d’Open Europe, soutiennent que les tentatives de l’UE de convaincre le public européen de ses succès relèvent de la propagande. Il vaut mieux éviter toute promotion, sinon subtile.

LES SOLUTIONS

Des conseils généraux pour améliorer la communication européenne

  • Montrer les bénéfices concrets que l’Europe apporte aux gens, selon Niels Jorgen Thogersen, ancien Directeur de la Communication à la DG Communication de la Commission européenne.
  • Ne pas éviter la controverse et susciter un débat public sur l’Europe.
  • S’appuyer sur les citoyens pour communiquer sur l’Europe, selon Benoît Thieulin.

Les réponses aux problèmes de communication de l’Europe ne se trouvent pas à Bruxelles mais dans les médias et les gouvernements

Alors que les sondages indiquent que les citoyens considèrent les gouvernements comme leur première source d’information concernant l’Europe et qu’ils veulent en savoir plus au sujet de l’Europe, mais sont frustrés par le manque d’informations européennes dans les médias, la solution?

Il faut sortir de la «bulle» bruxelloise et parler de choses qui intéressent le commun des mortels, dit Hugues Beaudouin, correspondant de LCI/TF1 à Bruxelles (une chaîne de télévision qui n’a pas eu de correspondant pendant longtemps).

« Quand les gens voient les bénéfices réels de l’Union européenne, ils la soutiennent. Quand ils n’en voient pas les bénéfices, ils n’ont pas de raison de la soutenir », selon Anna Tuz, Directrice adjointe du Département de l’Information européenne au Ministère polonais de l’Intégration européenne.

Des préconisations pour une meilleure politique de communication de l’UE

  • Donner plus d’importance à Internet et tirer parti des médias sociaux.
  • Répliquer plus rapidement aux désinformations concernant l’Europe.
  • Fonctionner de manière plus décentralisée.

LA CONCLUSION : l’UE doit se reconnecter avec les citoyens

Certes, une critique ouverte s’abat sur la manière dont les institutions européennes se sont efforcées de communiquer avec le public. Trop de «prêchi-prêcha» et pas assez d’écoute. L’UE est trop réticente face à la critique et trop hésitante à engager un vrai débat avec le public. Elle s’est trop appuyée sur la presse écrite et pas assez sur les médias web pour communiquer son message. Elle n’a pas réussi à développer une «ligne narrative» convaincante de l’UE à l’intention d’une nouvelle génération d’Européens, qui considère la paix, la prospérité et la liberté de travailler et de vivre à l’étranger comme allant de soi.

Mais l’UE – et la Commission européenne en particulier – a amélioré ses outils de communication au cours des dernières années et les gouvernements et médias nationaux n’échappent pas à la critique. L’UE doit se concentrer davantage sur les bénéfices concrets qu’elle apporte aux citoyens et moins parler de questions institutionnelles ennuyeuses ou de nobles objectifs politiques. Les institutions de l’UE doivent faire un effort pour se mettre à l’écoute des gens, les encourager à participer au débat politique, et utiliser plus efficacement les nouveaux moyens de communication – le web et les médias sociaux.

Le temps est venu pour l’UE de lancer son prochain grand projet – se reconnecter avec les citoyens qu’elle est censée représenter…

2 réflexions sur « Mieux communiquer l’Europe ? »

  1. Gauthier

    Merci pour cet article Monsieur Malherbe;
    L’UE n’est pas censée représenter les citoyens il me semble, c’est le rôle néanmoins du Parlement européen; pourquoi l’effort de communication et de représentativité ne viendrait-il pas de cette institution plutôt que d’une Commission toujours plus déconnectée des citoyens?

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