Alors que l’incertitude règne sur la Commission européenne, le prochain Conseil Européen, les 29 et 30 octobre, réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement devra décider :
- faut-il prolonger le mandat de l’actuelle Commission ?
- faut-il désigner les successeurs de la Commission Barroso 1 ?
- faut-il travailler sous le traité de Nice ou anticiper l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne ?
Malgré ce climat pour le moins flou, se poursuivent, sur la répartition des portefeuilles :
- réflexions : cf. la « feuille de route détaillée pour la future Commission européenne » du think tank bruxellois Bruegel recommandant « une importante réforme institutionnelle au niveau des Commissaires » ;
- négociations : cf. l’interview du Secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant au Figaro : « Ce n’est un secret pour personne que la France proposera Michel Barnier comme Commissaire européen. Reste à savoir à quelle fonction. ».
Comment se fait-il alors, que jusqu’à présent, aucun candidat (homme politique ou Etat membre) ne se soit positionné sur le poste de Commissaire à la communication ?
Parce que la mission de la communication européenne est difficile ?
Première explication, les nombreux obstacles :
- Multilinguisme (23 langues officielles) et domination de l’anglais ;
- Espace public & politique européen inexistant ;
- Communication trop technocrate et technique ;
- Pas assez d’information européenne / mauvais traitement dans les médias de masse, source Un Européen jamais content…
Ces constats partagés induisent des partis pris tranchés, comme lors de la conférence « Communiquer l’Europe: Mission Impossible? » :
- « Communiquer sur l’Europe est “une mission suicide!” (…)“L’Europe du prozac pour tout le monde” => Tous noyés dans des discours soporifiques et inintéressants.” », dixit Willy Hélin, Chef de la Représentation de la Commission européenne en Belgique, ancien Porte-parole de la Commission ;
- “La Commission doit renoncer à communiquer”(…) “Ils (la Commission) devraient déposer un brevet (en langue de bois) !”, dixit Jean Quatremer, Correspondant à Bruxelles du quotidien français Libération.
Parce que le poste de Commissaire à la communication est inadapté ?
Deuxième explication, le propre jugement de la titulaire actuelle du poste, Margot Wallström, la vice-présidente sortante chargée – à titre inédit depuis 2004 – des relations interinstitutionnelles et de la stratégie de communication : « Il faut donner au portefeuille un travail législatif autonome et des moyens financiers propres », source Euractiv.
Force est de constater, que la politique de communication de l’UE ne repose pas formellement sur une base légale contraignante (ni mention dans le traité de Lisbonne, ni acte juridique ratifié par les institutions communautaires). L’héritage de l’action de Margot Wallström repose sur une déclaration politique commune aux trois institutions (Parlement, Conseil et Commission) et reste donc conditionné par la bonne volonté du futur responsable de la communication de la Commission européenne.
Parce que la légitimité de la communication de la Commission est contestée ?
D’une part, le Parlement européen – véritable bénéficiaire des correctifs inscrits dans les traités pour rééquilibrer les procédures de décision – conteste la légitimité de la communication d’une institution technocratique, dont l’expertise plutôt que le principe démocratique nourrit la légitimité.
D’autre part, les Etats membres – sourcilleux de leur privilège de s’adresser à leurs citoyens sans aucune médiation – contestent la légitimité de la communication d’un embryon de gouvernement européen.
De surcroit, la pratique récente de José Manuel Barroso, ravalant le président de la Commission européenne au rang de Secrétaire général du Conseil européen, risque – en cas de poursuite – de marginaliser toute stratégie de communication.
Au-delà des arguments justifiant l’absence d’émulation politique autour du poste de Commissaire à la communication, se trouve poser la question fondamentale du positionnement de la communication de la Commission européenne, une institution en plein évolution entre un héritage d’administration de mission, chargée d’impulser des politiques publiques européennes et un avenir d’administration de gestion, chargée d’appliquer des décisions politiques prises, de plus en plus, par le Conseil européen et à terme par son futur président…
Peut-être est-ce là aussi le résultat d’une rumeur galopante à Bruxelles : la fusion prochaine des DG éducation et communication… En tout cas, c’est triste de voir qu’une mission aussi importante ne semble intéresser personne, comme c’est triste de voir que la présidence de la commission n’intéresse qu’un seul individu.