Alors que l’information est de plus en plus « accélérée, raccourcie et zappée, souvent vite oubliée », selon l’analyse de Catherine Malaval et Robert Zarader sur Communication-sensible.com, « la captation du citoyen/électeur empruntent souvent des chemins faciles, tentants et tortueux à la fois, ceux de la déformation, l’amalgame, la psychologisation des faits ».
Bref, toujours selon Catherine Malaval et Robert Zarader, le storytelling, par la sélection et l’interprétation subjective de la parole :
- devient avant tout un mode de communication que se partagent tout autant des spin doctors que des journalistes, soumis à la pression de la nouveauté et de l’éclat médiatique ;
- devient surtout une sorte de passage obligé qui permet aux premiers de vendre des histoires.
Ce qu’un storytelling de l’Europe aurait permis : raconter l’Histoire, raconter une histoire
Raconter l’Histoire : un bon storytelling de l’Histoire de l’Europe mené par les autorités publiques – le gouvernement ou le Parlement européen – aurait permis au cours de la campagne de nourrir un débat de société ou de donner aux citoyens le sentiment de faire partie d’une construction historique. Or, la campagne de communication du Parlement européen écarte cet angle pour se concentrer sur l’action de l’Europe dans la vie quotidienne des citoyens. Or, le spot gouvernemental d’information et d’incitation au vote a fait l’objet d’une demande de suspension de diffusion auprès du CSA en raison de la mise en récit de la construction européenne.
Raconter une histoire : l’art d’un bon récit médiatique de la campagne mené par les journalistes aurait permis de nourrir un débat politique ou de donner aux citoyens les moyens de s’identifier à un parti. Or, jusqu’à présent, « on a bien eu du mal à parler de l’Europe », estime Pascal Perrineau, directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po, au micro de France Info ce matin. « En ce moment commence à se nouer un débat – extrêmement confus – sur le type d’Europe que préconisent les différents candidats ».
Ce que l’échec du storytelling de l’Europe permet : un « sorry-telling » qui raconte des histoires
Le désintérêt plus ou moins important des principaux acteurs de la campagne des élections européennes : forte abstention des électeurs + faible traitement des médias + relative implication des responsables politiques – sans que l’on puisse établir de causalités certaines – « exprime le passage de la narration des faits à la désolation des acteurs » toujours dans l’analyse de Catherine Malaval et Robert Zarader.
Ainsi, alors que pour Antoine Boulay, directeur associé de Vae Solis Corporate, l’« Europe malade cherche « spin doctor » », les acteurs sont déboussolés et ont tous l’impression qu’on leur raconter des histoires :
- les citoyens accordent peu de confiance à la fabrique de l’information des médias ou au « récit » des responsables politiques ;
- les médias craignent de se faire manipuler mais surtout d’être accusés de manipuler l’opinion publique ;
- les politiques peinent à convaincre ;
Finalement, quand le « vrai n’est qu’un moment du faux » et que domine le « sorry-telling », l’étrange campagne des élections européennes se comprend par le déficit de confiance.