L’information sur l’Europe : une nouvelle « exception française » ?

Invité à introduire à Sciences-Po Paris la conférence « Les médias français couvrent-ils suffisamment les affaires européennes ? », c’est l’occasion de développer une nouvelle forme d’expression peu glorieuse de l’exception française, celle de l’information sur l’Europe. De quoi s’agit-il exactement ?

Le déficit d’information, la France lanterne rouge des Européens

Dans l’Enquête Eurobaromètre : Medias & News en 2023, tout commence avec la première question très simple : « Avez-vous récemment lu dans la presse ou sur Internet, vu à la télévision ou entendu à la radio un sujet sur l’UE ? ».

La France se place à la dernière place des 27 États-membres, c’est le seul pays européen où il n’y a pas une majorité de personnes qui a été confrontée à des news sur l’Europe dans des medias mainstream d’information.

Les médias traditionnels, bastions de l’immobilisme en matière d’information européenne

Pour les médias traditionnels, à première vue, c’est toujours le même palmarès des médias les plus appréciés (TV>radio>presse). Mais, en réalité, c’est un fort gap générationnel.

La TV reste le média préféré pour s’informer, à plus de 70% pour les plus de 55 ans et autour de 40% pour les moins de 35 ans, mais il faut compter sur le tassement de la confiance dans les chaînes d’info privées et le phénomène de fatigue informationnelle et d’évitement des actualités, qui concerne quand même près de 10% de la population et qui sont valables aussi pour l’Europe.

La presse nationale résiste, avec des correspondants de presse relativement représentatifs des grands titres nationaux (Le Monde, Le Figaro, Les Échos, Libération, L’Opinion, La Croix) tandis que du côté de la presse locale, c’est plutôt un fort déficit d’info pour les Français par rapport aux autres Européens, notamment liés à la moindre présence de journalistes à Bruxelles (Sud-Ouest mais pas Ouest France) – alors que la confiance dans la presse régionale et locale est réputée bonne.

Mais là encore, l’exception française se confirme : seuls un tiers des Français déclarent directement consulter le site ou l’appli d’un média d’information – le pire résultat à l’échelle des Vingt-Sept.

Les médias sociaux, imposés dans les usages pour s’informer ; mais des acteurs peu fiables pour un espace numérique vertueux

Facebook – le seul réseau social majoritaire auprès des Français pour s’informer, mais Meta vient de s’engager à limiter les contenus à caractère politique – sans doute prudent mais au détriment des sujets européens qui avaient trouvés leur public.

Twitter-X – le réseau social le plus influent et en progression malgré Elon Musk auprès des leaders d’opinion, selon l’enquête Politico Europe EUMedialPoll2023 « Qui influence les Brussels Insiders ? » – sans doute déprimant, mais démontre la force de l’habitude et la pertinence des affaires européennes sur ce réseau.

TikTok – le réseau pour suivre des influenceurs – illustration avec deux deepfakes, des vidéos générées par l’IA : Amandine Le Pen et Léna Maréchal autour des élections européennes.

Et le média idéal, à quoi pourrait-il correspondre, selon les résultats de l’enquête Ipsos « TV, presse, radio, réseaux sociaux : les nouveaux usages des médias » présentés lors du festival Médias en Seine :

Recommandations pour améliorer l’information européenne en France

  1. Mettre en place un « Erasmus des journalistes » pour favoriser les échanges entre rédactions européennes. Encourager les médias traditionnels français (TV, radio, presse) à renforcer leur couverture des affaires européennes en créant un programme d’échange permettant aux journalistes de voyager dans d’autres rédactions européennes. Cela favoriserait le partage d’expériences, de bonnes pratiques et une meilleure compréhension des enjeux européens.
  2. Mettre en place des programmes de « reverse mentoring » sur les réseaux sociaux. Investir dans la présence des médias d’information sur les réseaux sociaux pour toucher un public plus large et plus jeune. Parallèlement, instaurer des programmes où les jeunes journalistes forment leurs collègues plus seniors à l’utilisation optimale de ces plateformes, tout en mettant l’accent sur la fiabilité des informations diffusées et l’ouverture aux interactions.
  3. Créer des partenariats entre médias traditionnels, influenceurs et acteurs de la société civile européenne. Encourager la collaboration entre les médias traditionnels et les influenceurs sur les réseaux sociaux pour créer des contenus innovants et engageants sur les affaires européennes. Proposer des formations dédiées à l’Europe pour les créateurs de contenus, ainsi que des labels et des partenariats avec des acteurs référents de la société civile européenne.
  4. Lancer des campagnes de sensibilisation sur l’impact concret des décisions européennes. Sensibiliser le public français à l’importance de s’informer sur les questions européennes, en mettant en avant, de manière créative et interactive, l’impact concret des décisions prises à Bruxelles sur leur vie quotidienne.
  5. Intégrer l’éducation aux médias et à l’information dans les programmes scolaires. Promouvoir l’éducation aux médias et à l’information dès le plus jeune âge pour aider les citoyens à développer un esprit critique face aux contenus en ligne, notamment ceux liés à l’Europe. Collaborer avec les établissements scolaires pour intégrer ces compétences dans les programmes éducatifs.

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