Comment réussir la communication européenne ?

A partir de l’un des modèles les plus utilisés pour décrypter les leviers de toute communication, quel qu’en soit l’annonceur, peut-on en tirer des enseignements significatifs pour la communication européenne ?

Owned media : le péché mignon de la communication de l’Union européenne

Le « owned media » qui nous appartient, est le type de communication le plus facile à réaliser, en particulier pour toute institution publique. Quoi de plus facile que de réaliser autant de sites web, de brochures print ou d’affiches de toutes tailles, selon sa mesure, ou sa démesure.

Car, l’Union européenne a plutôt été historiquement connue pour surinvestir dans le owned media, au point par exemple que le portail Europa qui rassemble toute la galaxie web des institutions européennes est rapidement devenu le plus important au monde dans les années 1990.

Même si aujourd’hui, l’investissement dans le owned media est bien plus sous contrôle grâce à un travail important de rationalisation et d’harmonisation des nombreux sites web, sans oublier la réduction des publications imprimées., il n’en demeure pas moins que ce type de média porte à conséquence.

Le biais pro-owned media de l’UE, dont on sait que le principal problème est d’en assurer la diffusion, la distribution, l’accès au public cible en définitive, se traduit de facto par une discrimination entre les publics inclus, disons des publics spécialisés qui sont connectés, ont connaissance et accès, savent décrypter les contenus tandis qu’une autre large partie du public, le grand public de manière générale, n’a pas les ressources et les réflexes pour se tourner vers le owned media de l’Union européenne, créant une distance potentiellement problématique.

Paid media : le fruit défendu de la communication de l’Union européenne

Afin de réduire la fracture européenne, entre les citoyens et les institutions européennes, le « paid media » qui correspond à toutes les opportunités d’achat de visibilité via les nombreux formats publicitaires, pourrait compenser le relatif échec du owned media dans sa capacité à toucher un large public.

Mais, comme toute institution publique, le paid media est typiquement le type de média qui ne peut pas être activé, dont la puissance et l’impact sont le plus souvent défendus. Pourquoi ? Il ne s’agit pas d’une question de principe interdisant d’y recourir, quoique les citoyens européens sont plutôt majoritairement en défaveur de ce type de communication trop simpliste, trop superficielle, donc inadaptée au sujet européen.

Le déficit en paid media se justifie par des raisons principalement budgétaires, les institutions européennes n’ont pas la légitimité suffisante pour imposer de vastes enveloppes de fonds publics destinés à réaliser des campagnes publicitaires dans les États-membres. Là encore, il faut en mesurer les conséquences. L’absence de l’Union européenne, en tant qu’annonceur, dans la vie quotidienne des Européens réduit encore davantage la déjà faible familiarité, que les marques parviennent, elles, à établir, à coup d’investissements massifs et réguliers avec un très large public.

Shared media : l’éternelle félicité de la communication de l’Union européenne

Puisque ni le owned media, ni le paid media, ne permettent à la communication européenne de réussir, le « shared media » qui correspond à la présence et la visibilité acquise sur les réseaux sociaux doit forcément, logiquement, être la réponse pour combler les déficits auprès des audiences.

La promesse des premières heures du web social n’a pas tombée dans l’oreille d’un sourd, l’ensemble des activités des institutions européennes se sont très largement retrouvées en partage, pour tous, sur les différents réseaux sociaux, au travers de centaines de pages Facebook et de comptes Twitter, des dizaines sur Instagram, LinkedIn ou encore YouTube.

Le potentiel d’engagement, d’interaction, de discussion, d’une véritable communication, qui partage de l’information et construit une relation avec les publics semble enfin devenir une réalité sur les réseaux. Néanmoins, force est de constater, de regretter, que les biais d’ores et déjà observés, semblent manifestement se confirmer sur les réseaux.

Non que l’usage des réseaux sociaux ne soit condamné, dans leur principe et en pratique, ces espaces offrent des opportunités incontestables, comme l’ont prouvé le Printemps arable ou le mouvement #metoo à poursuivre mais qui ne sont pas incontestés tant les premières aubes ont laissé place à un paysage fragmenté et instrumentalisé par des campagnes de manipulation de l’opinion.

Bref, il ne faut pas placer tous ses espoirs dans le monde virtuel, mais il ne faut pas non en désespérer comme on peut un trop souvent l’entendre. Pour l’Europe, ces espaces demeurent des leviers puissants et pertinents, à exploiter, sans mésestimer les risques.

Earned media : le grand absent de la communication de l’Union européenne

Dans ce quarteron, le dernier, c’est le « earned media », le type de média le plus difficile, à la fois à saisir et à utiliser. D’abord, alors que tous les autres médias reposent sur une communication directe, qui se fait entre l’annonceur et le public, par le biais d’une médiation qu’elle soit publicitaire, avec du hors-média ou sur les réseaux sociaux, le earned media correspond à une communication indirecte.

Le rôle des leaders d’opinion, est au fondement, du earned media ; c’est-à-dire qu’une communication efficace peut reposer sur des intermédiaires, qui vont mémoriser et restituer les messages reçus auprès d’une petite audience assez captive, tant à l’oral, ce qui risque de réduire le contenu à quelques notions ou slogans mais surtout à l’écrit, un moyen très fidèle.

Concrètement, l’annonceur capitalise sur le hors média lorsqu’on réunit quelques publics très spécifiques qui peuvent endosser ce rôle de leader d’opinion auprès d’un plus large public, comme c’est la fonction professionnelle des journalistes ou l’une des missions d’autres leaders d’opinion comme les responsables dans la société.

Alors que dans n’importe quel secteur, la tendance n’a cessé de se renforcer de la prise d’importance des communicants au détriment des journalistes, espèces menacées ; on peut compter un journaliste spécialisé pour des centaines d’attachés de presse qui visent à faire passer leurs messages, à Bruxelles, c’est le seul endroit au monde, où c’est l’inverse.

Dans la capitale européenne, ce lieu unique au monde, plusieurs milliers de journalistes, venus de toute l’Europe, et de plus en plus du monde entier, font face à une poignée de porte-parole, habilités à s’exprimer auprès des seuls journalistes accrédités auprès des institutions européennes.

Cette incongruité est vraiment regrettable, car les sujets européens, plus denses que la moyenne, sont mieux servis par des experts, comme les journalistes, dont le métier est de produire de l’information. Il faudrait au moins multiplier par dix le nombre de porte-parole des institutions européennes pour multiplier les opportunités de collaboration avec les journalistes et démultiplier la présence et la visibilité de l’Europe dans les médias d’information.

On dit souvent que l’Europe ne fait pas vendre dans les médias, mais l’Europe pourrait sauver sa stratégie de communication en parvenant à renforcer son earned media, son seul média disponible et efficace à grande échelle.

Communiquer le Pacte vert européen : un engagement collectif pour le climat

Le Pacte Vert Européen, défini comme « le plus grand défi et l’opportunité de notre époque », cristallise l’engagement de l’Union européenne en faveur d’une transition climatique et écologique. Quelles actions de communication nécessaires pour informer, inspirer et mobiliser efficacement les différentes parties prenantes à Bruxelles, dans les États membres, auprès des leaders d’opinion, des journalistes et du grand public ?

1. Transformer notre économie et nos sociétés : objectif de 55 % de réduction des émissions d’ici 2030

Neutralité carbone : Des campagnes multimédias de sensibilisation soulignant les avantages économiques, sociaux et environnementaux d’une économie neutre en carbone. Des ateliers et des événements publics pour discuter des opportunités d’innovation, d’investissement, d’emploi, de santé et de bien-être liées à la transition écologique, en particulier des actions pour toucher les familles via les enfants et les adolescents.

2. Rendre les transports durables pour tous : zéro émission de voitures neuves thermiques d’ici 2035

Promotion des Véhicules à Faibles Émissions : Des campagnes dans les médias traditionnels en particulier audiovisuels, en partenariat avec des constructeurs automobiles européens, pour promouvoir le marché des véhicules à faibles émissions. Des forums publics pour discuter des avantages de la décarbonation du secteur automobile et des transports durables via notamment une tarification du carbone pour le secteur de l’aviation et la décarbonation du secteur maritime.

3. Prendre la tête de la Troisième révolution industrielle : création de 160 000 emplois verts d’ici 2030

Innovations et emplois : Des événements mettant en avant les nouvelles technologies et les nouveaux produits propres sur l’ensemble des chaînes de valeur. Des sessions interactives avec des experts pour discuter des opportunités de création d’emplois durables, locaux, bien rémunérés, avec formation courte et longue dans toute l’Europe.

4. Rendre notre système énergétique propre : objectif 39 % d’efficacité énergétique d’ici 2030

Campagnes sur les Énergies Renouvelables : Des campagnes médiatiques pour sensibiliser aux leviers de transition : augmenter les énergies renouvelables, accroître l’efficacité énergétique, tout en atténuant l’impact social et en soutenant les citoyens vulnérables. Des séminaires éducatifs pour discuter ensemble des solutions pour une transition énergétique inclusive réussie.

5. Des bâtiments rénovés pour un mode de vie écologique : objectif 35 millions de rénovations d’ici 2030

Programmes de rénovation : Des campagnes locales pour encourager les rénovations écologiques pour des modes de vie plus durables tant habitations et bâtiments publics avec davantage d’énergies renouvelables et plus économes en énergie. Des ressources en ligne pour informer sur l’utilisation d’énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans les logements et les bâtiments publics.

6. Travailler avec la nature pour protéger notre planète et notre santé : objectif de -310 mégatonnes d’absorption de carbone d’ici 2030

Projets de restauration écologique : Des documentaires et des reportages mettant en lumière les initiatives pour restaurer les forêts, les sols, les zones humides et les tourbières d’Europe et permettre à la biodiversité de prospérer via une gestion circulaire et durable de ces ressources. Des événements de sensibilisation pour encourager à une gestion circulaire et durable des ressources naturelles à l’échelle des familles européennes.

7. Renforcer l’action globale pour le climat : contribution à 1/3 du financement public mondial

Investissements : Des événements pour expliquer le rôle prépondérant de l’UE dans les investissements dans les technologies liées aux énergies renouvelables, une expertise et des produits qui profiteront également au reste du monde. Des présentations sur la contribution significative de l’UE au financement mondial de la lutte contre le changement climatique.

Au total, le Pacte vert européen, c’est pas si compliqué, si on se concentre sur l’essentiel de cette feuille de route ambitieuse pour l’avenir de l’Union européenne. Grâce à des actions de communication stratégiques, l’UE peut informer et mobiliser les citoyens, les entreprises, les médias et les leaders d’opinion, créant ainsi une adhésion collective en faveur d’un avenir plus durable.

Transformation des médias : tendances globales autour de l’information et de l’impact de l’intelligence artificielle en 2024

Comme chaque année, le festival « Médias en Seine » fournit une occasion toujours pertinente pour décrypter les dernières évolutions dans le domaine de l’information et des nouvelles technologies, alors que les actualités à la chronique des médias est très intense en innovations…

Tendances globales pour les médias numériques d’information

Nic Newman, du Reuters Institute, a partagé lors de la conférence Médias en Seine « Les grandes tendances mondiales qui vont marquer les médias en 2024 » plusieurs tendances marquantes dans le paysage des médias numériques d’information :

  • 1. Fatigue et évitement de l’actualité
  • Une baisse d’attention, avec une portée hebdomadaire en déclin à l’échelle mondiale.
  • Un désintérêt croissant pour l’actualité, particulièrement prononcé en Europe.
  • Une tendance à l’évitement sélectif de l’actualité en raison de son caractère dépressif et anxiogène.

Pour répondre à la demande du public en quête d’espoir, les médias doivent privilégier des récits inspirants, un contexte enrichi, une plus grande valeur, et des contenus constructifs.

  • 2. La fin de la référence sociale
  • Une diminution de l’influence de Facebook sur le trafic des sites d’actualités, marquée par un retrait des partenariats médias.
  • Les plateformes sociales algorithmiques opèrent de manière indépendante des médias d’information.
  • Un changement encore plus significatif chez les jeunes, avec un désintérêt croissant pour Facebook.

Les éditeurs se tournent désormais vers TikTok, réduisant leurs efforts sur les médias sociaux traditionnels, et mettant davantage l’accent sur la maîtrise des vidéos verticales ainsi que sur l’adoption des stories sociales, rapides, divertissantes et authentiques.

  • 3. Confiance en berne dans l’actualité
  • Une image de confiance en déclin et de polarisation croissante due à des débats divisifs.
  • La critique des médias alimentée par une confiance réduite, avec une corrélation entre la méfiance envers les médias et la critique de ces derniers.
  • Des préoccupations liées à l’impact de l’IA et des deep fakes, brouillant davantage la frontière entre faits et fiction.

Face à ces défis, les médias doivent renforcer l’impartialité, la fiabilité dans un monde incertain, accentuer la qualité du contenu, et persévérer dans la vérification des faits sur les médias sociaux.

  • 4. Pression sur le business du journalisme
  • Une stagnation du paiement pour toute actualité en ligne.
  • La persistance du modèle « le gagnant rafle tout », surtout avec le succès des abonnements de niche.
  • L’émergence d’autres contenus payants, tels que des plateformes pour journalistes individuels (Substack et podcasts).

Pour faire face à ces pressions, l’idée de forfaits d’abonnement tout inclus pour un accès global à l’actualité se profile.

  • 5. Nouvelles technologies émergentes et innovations
  • De nouvelles façons d’interagir avec l’actualité, notamment l’utilisation de Perplexity, un chatbot basé sur l’IA, réduisant la valeur de la marque médiatique.
  • Des évolutions dans la manière d’interagir avec Internet, incluant des épingles AI, indépendantes des smartphones et des recherches classiques.

Les médias doivent embrasser la dynamique des actualités numériques en adoptant une approche d’expérimentation et d’apprentissage constant.

II. Tendances liées à l’intelligence artificielle pour les médias d’information

Au rendez-vous annuel « Médias en Seine », lors de la table ronde « Comment l’IA va rebattre les cartes dans les médias ? », plusieurs experts débattent de l’enjeu majeur de l’impact de l’intelligence artificielle dans la conception, la production et la distribution de l’information dans nos démocraties.

1. L’IA, entre réalité de l’humain hybride et le fantasme du grand remplacement technologique

Le professeur en Digital Media Strategy à Chicago, Jeremy Gilbert cherche à comprendre l’impact de l’IA sur les médias d’information, dans la mesure où les prompts proactifs du public pour obtenir des contenus prédictifs sur la base de larges modèles de langage est l’exact inverse de l’information produite par les journalistes et livrées par les médias au public.

En termes d’usage, deux visions à ce stade s’opposent entre d’une part une nouvelle forme de « human hybrid » où l’humain utilise l’IA dans sa vie quotidienne et la théorie du grand remplacement technologique où l’IA prendra en charge toute la production de l’information.

Certes, certaines activités de vérification vont évoluer avec l’IA mais par essence, le métier du journalisme ne changera pas, l’IA peut apporter plus de créativité mais l’IA ne peut pas remplacer la créativité humaine.

De nombreuses questions restent sans réponse pour le moment qu’il s’agisse de la propriété intellectuelle, de la régulation, des copyrights avec IA, des bases de données pour entraîner les IA…

2. L’IA au cœur des innovations dans la publicité avec Média Transport et le journalisme chez TV5 Monde

Pour Norbert Maire de Média Transport, la régie publicitaire spécialisée dans l’affichage urbain, plusieurs proofs of concept sont actuellement expérimentées avec l’agence de publicité Publicis, en matière d’automation des données, entre les owned data de première main et les data venant des médias sociaux ainsi que des expérimentations en matière d’IA génératives et d’analyse des comportements du public.

Pour Hélène Zemmour de la chaîne TV5 Monde, l’IA challenge de nombreux sujets clés comme l’éthique des journalistes ou les revenus publicitaires, ce qui se traduit par plusieurs initiatives afin de ne pas perdre en découverabilité des contenus face au flot de contenus de moindre qualité référencés et de développer un label collectif pour authentifier les contenus originaux et définir un fair use des IA et un partage des revenus équitables.

3. L’IA, un enjeu de bien public ; pour une citoyenneté digitale

Représentant du régulateur français l’Arcom, Benoît Loutrel précise les missions face aux différents scénarios :

  1. Combattre les acteurs malveillants, qui détournent l’IA à des fins de manipulation de l’opinion
  2. Prévenir les acteurs négligents, qui utilisent l’IA afin de produire des contenus de faible qualité qui pose problème pour les moteurs de recherche
  3. Encourager les médias de qualité, qui devraient davantage maîtrisés l’IA au service du décryptage des réalités médiatiques

Le régulateur français cherche un meilleur équilibre, nécessaire à notre démocratie dans la responsabilisation des médias algorithmiques que sont la plupart des médias sociaux face aux médias traditionnels qui éditorialisent leurs contenus. Les citoyens ont besoin d’être plus conscient de ces enjeux et de développer leur esprit critique.

4. L’IA et les prochaines élections

Pour Jeremy Gilbert, l’impact de l’IA sur les prochaines élections présidentielles aux États-Unis est d’ores et déjà perceptibles dans les Primaires. L’IA permet aux citoyens de choisir de croire les messages négatifs contre les opposants ou les messages positifs pour son propre candidat. Cette divergence entre l’avancée technologique qui ne cesse d’accélérer et le scepticisme qui renforce les attitudes des citoyens aura un impact sur la mobilisation et la participation électorales.

Pour Benoît Loutrel, lors des élections présidentielles en 2022, 2 incidents – seulement – ont émaillées la campagne avec le blocage automatisée de plusieurs comptes de candidats temporairement sur Twitter ainsi que le blocage d’une chaîne Youtube d’un candidat qui avait essayé de diffuser une publicité à caractère politique proscrite par la loi. Les plateformes des médias sociaux apprécient le rôle du régulateur pour expliquer l’importance de respecter les règles et la transparence dans la résolution.

Nuances dans les préférences médiatiques et comportements liés aux actualités : comment mieux informer les Européens sur l’Europe ?

La lecture des résultats de l’enquête Eurobaromètre Enquête médias et actualités 2023 sur les usages médias des Européens conduit à une série de recommandations…

Cibler les canaux médiatiques préférés comme la TV pour contrer l’évitement des actualités

Dans l’enquête, 71 % des répondants ont identifié la télévision comme l’une de leurs principales sources d’actualités au cours des sept derniers jours. Ce chiffre souligne l’importance de cibler la télévision dans les campagnes de communication européenne. Pour contrer l’évitement des actualités, privilégier ce canal pour captiver l’attention du public. Comparativement à 2022, la télévision reste le canal le plus couramment utilisé dans la plupart des États membres, soulignant sa constante prédominance.

Valoriser la confiance dans les médias traditionnels

Les campagnes devraient renforcer la confiance du public en mettant en avant la crédibilité des médias traditionnels, tels que les chaînes de télévision et de radio publiques. En 2023, 48 % des répondants sélectionnent ces chaînes comme leur source d’information la plus fiable, un chiffre qui varie considérablement d’un pays à l’autre. Cette confiance reste stable par rapport à 2022, soulignant la résilience de ces médias traditionnels.

Adapter les messages en fonction du niveau d’éducation du public

L’enquête révèle une corrélation entre le niveau d’éducation et la consommation d’actualités. Les messages des campagnes devraient ainsi être adaptés pour répondre aux attentes informationnelles des segments moins éduqués. La simplification des informations, sans compromettre la substance, pourrait être la clé pour atteindre ce public. En 2023, les résultats montrent que 74 % des répondants plus éduqués déclarent avoir récemment consulté quelque chose sur l’UE, comparé à 61 % des moins éduqués.

Adopter une approche différenciée sur les médias sociaux, selon les plateformes

Les médias sociaux jouent un rôle crucial dans la consommation d’actualités. Les campagnes devraient adopter des stratégies spécifiques pour chaque plateforme. Les contenus visuels et courts peuvent être privilégiés sur des plateformes comme Instagram (42 % des répondants utilisent cette plateforme), tandis que des discussions et des débats peuvent être encouragés sur Facebook (37 % des répondants l’utilisent).

Cette stratégie doit s’aligner sur la forte utilisation des médias sociaux par les jeunes, 59 % des 15-24 ans utilisant des plateformes comme Facebook et Instagram. Pour les mobiliser, les campagnes devraient créer des contenus engageants, émotionnels et interactifs. En comparaison avec 2022, l’utilisation de TikTok par les jeunes a augmenté, passant de 11 % à 55 %. Par ailleurs, les influenceurs sont particulièrement appréciés par les plus jeunes pour suivre les commentaires de l’actualité.

Angler l’actualité européenne autour des sujets d’actualités locales populaires

Les campagnes devraient se concentrer sur les sujets d’actualité les plus populaires, tels que les actualités locales pour trouver des moyens de parler d’Europe, l’un des sujets les mieux classés dans tous les États membres. Cette stratégie maximiserait la pertinence et l’engagement du public, répondant aux préférences des répondants, 50 % d’entre eux ayant consulté des actualités locales au cours des sept derniers jours.

Limiter les obstacles à l’accès à l’information

Pour surmonter les obstacles liés à l’évitement des actualités en ligne, les campagnes devraient promouvoir l’accessibilité, en mettant en avant des moyens directs tels que les sites web d’actualités. En 2023, 91 % des répondants déclarent accéder aux actualités en ligne, soulignant l’importance de faciliter cet accès.

Éduquer à la détection de la désinformation

Face à la confiance relativement basse dans les réseaux sociaux en tant que source d’information fiable, les campagnes doivent inclure des messages éducatifs sur la détection de la désinformation. Encourager une consommation critique des actualités en ligne est essentiel, notamment en soulignant que seulement 16 % font confiance aux personnes, groupes ou amis sur les médias sociaux pour des nouvelles véridiques.

Ces résultats offrent des perspectives claires pour les professionnels de la communication européenne, leur permettant de concevoir des campagnes plus efficaces et ciblées en tenant compte des préférences médiatiques et des comportements liés aux actualités des citoyens de l’UE, en vue des prochaines élections européennes.

Jacques Delors : vision, héritage, et défis de l’Europe

Dans son essai « Inside The House That Jacques Built », Charles Grant en 1994 soutient que la construction européenne nous a tous conduits à vivre dans la maison que Jacques Delors a érigée. Explorons la vision, l’héritage, et les défis actuels liés à l’héritage Delors de l’intégration européenne présente.

Les réalisations de Jacques Delors

Avec le Marché unique : « Personne ne tombe amoureux d’un marché » : Le président désigné de la Commission européenne, Jacques Delors, a conçu une stratégie pour achever le marché européen, répondant à l’« eurosclérose » de l’économie. L’« Acte unique » est né, une réforme majeure préparant l’achèvement « irréversible » du marché intérieur d’ici 1992.

Le Saut vers la Monnaie unique : Face au défi du « triangle d’incompatibilité » de Robert Mundell, Delors a pris un risque majeur en plaidant pour une union monétaire complète. Il a opté pour la création d’une monnaie sans État, défiant la logique traditionnelle et s’inscrivant dans la vision incrémentale de Jean Monnet.

La Dimension sociale : Créateur du programme Erasmus, Delors aura également soutenu l’intégration sociale au cœur de sa vision, à travers des mécanismes de négociation collective au niveau européen. Son compromis entre libéraux, socialistes, et démocrates-chrétiens a façonné l’« économie sociale de marché ».

Une « Fédération d’États-nations » : Définissant l’Europe comme un « Objet Politique Non Identifié », un point de vue non dogmatique et pragmatique de la construction européenne que résume sa formule préférée : « la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce, la solidarité qui unit ».

L’héritage delorien : « Du temps de Delors, on comprenait l’Europe »

Pascal Lamy, proche collaborateur de Delors, souligne le style de communication unique de Delors, mélangeant « travail intellectuel intense et improvisations médiatiques ». Son approche a permis une intelligibilité et une communicabilité de l’Europe à son époque.

Déficit démocratique et perspective culturelle : Delors a anticipé le déficit culturel du projet européen, négligés par ses successeurs. Le « déficit démocratique » ne réside pas dans les structures institutionnelles, mais dans le manque d’appartenance.

Une Europe nécessaire et difficile : Aujourd’hui, l’intégration européenne est plus nécessaire mais également plus difficile. Confrontée à la fragmentation mondiale, l’Europe doit passer de l’union économique à « l’autonomie stratégique » impliquant un engagement politique fort et des valeurs partagées.

« Who turned hope into history » : l’intégration européenne reste cruciale face aux défis actuels. L’héritage de Jacques Delors incarne l’espoir de façonner l’histoire européenne, dépassant la nostalgie. En ces temps critiques, espérons que son engagement passionné inspire davantage que la simple réminiscence.