Archives de catégorie : Médias et Europe

Billets sur les enjeux d’information européenne

Impact des biais médiatiques sur les élections européennes 2019 : vers une campagne eurosceptique paneuropéenne ?

Dans « Rethinking First- and Second-Order Elections : Media Negativity and Polity Contestation during the 2014 European Parliament Elections in Germany and the UK », Charlotte Galpin et Hans-Jörg Trenz repensent les élections européennes, non plus à partir de la distinction traditionnelle entre élections de 1er ou de 2nd ordre mais en saisissant la dynamique des biais médiatiques tant le préjugé de négativité dans la sélection et le cadrage des informations européennes et que le parti pris privilégiant la contestation de la forme de l’UE (polity) sur les débats autour de ses politiques (policy). Quelles sont les conséquences de ces biais médiatiques sur les élections européennes ?

Quatre trajectoires de campagnes électorales européennes

schema_types_elections_europeennes

Jusqu’à présent, le cas le plus courant correspond aux « second-order politics campaigns » :

  • La contestation de l’UE est faible, fondée sur l’ancien consensus permissif, et les candidats se concentrent sur des questions nationales.
  • En conséquence, les acteurs sont principalement nationaux et l’importance des partis eurosceptiques n’est pas plus grande que leur part de voix.
  • Les sujets de l’UE, si couverts, sont essentiellement orientés de manière neutre.

Le Royaume-Uni, l’idéal-type d’une « second-order polity campaign » :

  • La mobilisation des opposants et des partisans de l’UE se passe au niveau national.
  • Les débats sur l’UE se déroulent sous la forme d’une contestation identitaire autour d’un clivage anti-européen plutôt que gauche-droite.
  • Les moteurs de la contestation politique sont principalement les acteurs eurosceptiques nationaux.
  • La campagne reste de «second ordre» car les acteurs européens sont marginaux et les politiques de l’UE ne sont pas en jeu. Mais l’ancien « consensus permissif » laisse place à une UE plus saillante et une tonalité essentiellement négative.
  • La campagne glisse d’un débat sur les choix de politiques publiques vers un nouveau consensus eurosceptique des partis traditionnels, sauf les démocrates libéraux et des médias, surtout tabloïd.
  • Non seulement, les médias ne couvrent pas les différentes facettes de la campagne électorale au niveau européen, mais amplifient et soutiennent ouvertement les positions eurosceptiques.

L’Allemagne, l’idéal-type d’une « first-order polity campaign » :

  • Les candidats s’engagent dans une contestation politique européenne (campagne politique de premier ordre) remettant en question la légitimité de l’UE.
  • Les acteurs nationaux sont en mesure de répondre aux campagnes eurosceptiques, en évaluant globalement l’intégration européenne.
  • Les schémas de contestation partisane de second ordre continuent de prévaloir, mais le débat est ouvert aux campagnes partisanes des Spitzenkandidaten et aux débats dans d’autres États membres.
  • Les journalistes allemands accordent une attention relativement faible aux acteurs eurosceptiques nationaux (l’AfD) et ont plutôt fait ressortir les eurosceptiques étrangers comme Nigel Farage et Marine Le Pen. La réponse à la prépondérance de l’euroscepticisme est un parti pris politique des médias allemands en matière de positivité des élites.

La campagne idéale « first-order politics campaign » autour des Spitzenkandidaten :

  • Les journaux écriraient abondamment sur les politiques de l’UE. Les acteurs européens et nationaux s’engageraient dans une contestation partisane et discuteraient des choix politiques d’un point de vue européen.
  • La visibilité des acteurs eurosceptiques correspondrait à leur part réelle de vote lors des élections. La contestation politique de l’UE serait une contestation faible mais partisane dans l’ensemble du spectre.
  • Si un préjugé de négativité se manifeste, il serait plutôt spécifique dans le contexte des débats politiques ou de la politique et ne diffuserait pas contre le système politique en tant que tel.
  • Ce serait le type de campagne envisagé par la stratégie Spitzenkandidaten et ses moteurs seraient principalement des partis grand public pro-européens.

Au total, l’attention accrue accordée par les médias aux débats politiques européens transforme les schémas traditionnels de campagne de second ordre, caractérisés par des niveaux de conflit généralement faibles au sujet des choix politiques de l’UE.

Vers une spirale de l’euroscepticisme orchestrée par les médias ?

Plus l’UE est mise en évidence et ciblée en tant qu’objet de débats politiques spécifiques (c’est-à-dire dans l’évaluation des politiques, d’acteurs et d’institutions particuliers), plus les journalistes évaluent négativement. Les médias d’information traduisent donc systématiquement les campagnes de légitimation de l’UE en opinions eurosceptiques. En d’autres termes, une « spirale de l’euroscepticisme » des médias amplifie la négativité de l’UE, attirant efficacement les discours et les acteurs eurosceptiques. Les médias facilitent la diffusion transnationale de l’euroscepticisme et établissent un agenda d’un nouveau type de contestation politique qui remet fondamentalement en cause le caractère de la campagne électorale européenne.

À la lumière des paysages médiatiques fragmentés en Europe, les contextes de réception diffèrent largement. Pour des raisons évidentes, cela représente un défi pour les Spitzenkandiaten. Si différentes « Europes » sont demandées, les Spitzenkandidaten auront du mal à répondre aux demandes exprimées dans des arènes nationales de contestation fragmentées.

Ainsi, filtrées par les médias d’information, les campagnes européennes donnent aux acteurs un pouvoir inégal : les acteurs qui encadrent l’UE de manière négative sont récompensés par l’attention des médias. Cela ne signifie pas que les positions de ces candidats sont également légitimées par les médias. Cependant, les eurosceptiques sont les organisateurs les plus talentueux de l’agenda médiatique et peuvent donc influer sur le cours du débat de manière importante en discutant des limites du transfert de souveraineté et des questions d’adhésion plutôt que des politiques de l’UE.

En fin de compte, les biais médiatiques dans la couverture des campagnes électorales européennes font que les électeurs qui reçoivent des informations sur l’UE principalement par le biais des médias déterminent de manière décisive si les conflits médiatisés restent dans la contestation électorale des candidats et les choix de politiques publiques ou s’ils contestent ou sapent la légitimité de l’UE en tant que telle. 

Au total, il est à craindre que les partis pris médiatiques qui prévalent lors des campagnes électorales européennes renforce le succès relatif des partis eurosceptiques.

Élections européennes et médias : comment les journalistes parlent d’Europe ?

Alors que la prochaine campagne électorale est dans toutes les têtes, notamment dans les rédactions, le défi de parler d’Europe dans ses 3 dimensions – le passé : l’héritage historique, l’espace géographique et la réalité culturelle ; le présent : la machinerie bruxelloise des institutions et des normes et le futur : projet politique voir de civilisation – n’est pas encore sur toutes les lèvres… Alors, à quoi faut-il s’attendre, selon quelques journalistes ?

Consensus intellectuel pour poser l’enjeu des élections européennes

A l’écoute de la Fabrique médiatique sur France Culture consacrée à notre sujet : « Les médias face aux élections européennes », l’un des défis majeurs plutôt consensuel, selon les journalistes, est de parvenir à faire en sorte de poser l’enjeu du scrutin autour de la mise en danger, de l’arrêt ou de la continuité du projet de l’Union européenne… « To be or not to be » pour reprendre les propos récents du Premier ministre. Sur ce point, le consensus semble important – quelques soient les arrière-pensées – pour dramatiser les élections européennes.

Accord déontologique pour discuter de fond, projets contre projets

A rebours d’un journalisme politique se contentant de faire la narration d’une course de chevaux entre les candidats : un récit de personnalités, de caractères, d’alliance ou de trahison, un accord se dessine pour placer le débat à hauteur de l’enjeu : projets contre projets : qu’il s’agisse de revenir à l’UE et ses politiques sans cacher les erreurs et les échecs ; des projets d’une Europe qui protège davantage, ce que veulent largement les peuples ou des valeurs communes qui dessinent des projets européens.

Difficultés professionnelles pour se positionner face à l’Europe

Comment échapper aux « routines » ?

Se contenter d’une mission d’information (raconter de manière objective les faits et distribuer équitablement la parole) ne permet pas d’éclairer pleinement les citoyens. En revanche, déconstruire les discours politiques de manière factuelle sans sombrer dans le jargon techno de l’UE peut redonner la liberté de choix et d’un vote éclairé aux électeurs.

Comment échapper aux « pièges » ?

Assumer son rôle d’éditorialiste selon Brice Couturier, doit viser à donner les clés de compréhension et d’action aux électeurs d’un système politique européen complexe sans sombrer dans le « parti des médias » dénoncés aux yeux d’électeurs qui finissent par voter contre les journalistes.

Conseils pratiques pour parler d’Europe

Éviter toute une série de chausse-trappes pour véritablement éclairer les citoyens, selon Sébastien Maillard, le directeur de l’Institut Jacques-Delors et ancien correspondant de La Croix à Bruxelles, interrogé dans l’émission Matière à penser consacrée à « Comment parler d’Europe en France ? »  :

Articuler la critique aux projets et les débats autour des institutions : la couverture médiatique de la campagne électorale doit permettre de distinguer entre les discussions autour du contrat de mariage (les traités) qui ne sont pas l’objet du scrutin et les options politiques pour des projets qui permettent aux citoyens de se réapproprier la construction européenne ;

Redécouvrir une vision collective de l’Europe au-delà des discours individuels et catégoriels permettant à la fois de discuter de la pertinence de l’échelle européenne selon les politiques publiques, de la force de normes communes sous la vigilance face aux transgressions liées aux valeurs et de répondre aux interrogations relatives à l’identité européenne.

Au total, pour les journalistes, la prochaine campagne électorale européenne doit permettre de mettre les cartes sur la table. Une seule question en définitive : les élections européennes de 2019 seront-elles les premières élections vraiment européennes ?

Initiatives citoyennes européennes : bilan chiffré des résultats et de la visibilité médiatique

Enfin, un bilan consolidé des résultats et de la visibilité médiatique des initiatives citoyennes européennes est réalisé par le think tank Bertelmann Stiftung (Policy Brief + Factsheet)…

Bilan chiffré des initiatives citoyennes européennes : huit millions de signataires, zéro impact législatif

Avec une moyenne de 8 projets enregistrés chaque année, le bilan des initiatives citoyennes européennes est dramatique.

Certes, 8 millions de citoyens ont signé une ou plusieurs ICE. Néanmoins, seulement 4 des 48 initiatives enregistrées ont réussi à recueillir le million de signatures requis. La Commission a répondu à toutes les ICE réussies ; mais, à ce jour, aucune initiative citoyenne n’a été directement transposée dans un acte législatif.

european_citizen_initiatives_figures_feb18

En dépit des nombreux obstacles sur le parcours, les initiatives citoyennes européennes demeurent un instrument dont le potentiel est encore largement sous exploité. Le bilan qualitatif montre que les conditions du succès résident autant dans le choix d’une thématique mobilisatrice, donc indirectement d’une audience de supporters potentiels prédéfinies que dans les ressources financières et les compétences de campagne des organisateurs.

Au total, l’initiative citoyenne européenne apparaît davantage comme un instrument pour les citoyens organisés, en d’autres termes, pour la société civile organisée.

Visibilité médiatique des initiatives citoyennes européennes : 500 mentions, 500 fois moins que la Commission européenne

Une visibilité médiatique des initiatives citoyennes européennes quasi inexistante : entre 2011 et 2017, seulement 516 mentions dans 14 pays et 84 sources, soit un peu moins d’un article par an et par média.

Une visibilité très différenciée selon les Etats-membres : la plus grande couverture médiatique de l’initiative citoyenne européenne enregistrée en Allemagne, au Luxembourg, en Autriche (représentant ensemble plus de 50% de toutes les mentions) tandis que presque totalement ignorée dans de nombreux États membres d’Europe centrale et orientale, ainsi qu’en Irlande, au Danemark et aux Pays-Bas.

ECI_media_coverage_country

Une visibilité significativement différente selon les initiatives citoyennes européennes au fil du temps : après l’introduction en avril 2012, la couverture médiatique s’accélère sous l’effet de la nouveauté, puis elle devient étroitement liée aux initiatives réussies. « Right2Water » en 2013, « Stop TTIP » en 2014 (qui a été interrompu pour des raisons formelles); « Stop Vivisection » en 2015; et les deux initiatives « Stop TTIP» et « Ban Glyphosate » en 2017.

european_citizen_initiative_media_coverage

Une visibilité médiatique plus forte pour le déficit démocratique de l’UE : Près de neuf fois plus de mentions sur le déficit démocratique de l’UE que sur l’initiative citoyenne européenne.

media_coverage_ECI_EU_democratic_deficit

Ce qui frappe, c’est que les résultats d’une initiative citoyenne européenne ne jouent pratiquement aucun rôle dans la couverture médiatique. Non seulement, l’audience liée aux signatures collectées ne semble générer presque aucune publicité dans les médias. Mais en outre, la valeur ajoutée de la couverture médiatique est décevante pour les initiateurs pratiquement invisibles aux yeux du public, pourtant susceptibles de donner un visage à leur campagne.

Au total, la couverture médiatique des initiatives citoyennes européennes, très maigre contribue à une prise de conscience de base, surtout pour s’opposer que pour proposer, sans effet de mobilisation via les médias et sans effet de bord transnational.

En conclusion, quoique le bilan, comme on pouvait s’y attendre, est particulièrement négatif, ses enseignements sont d’autant plus impératifs.

Quels sont les enjeux des prochaines élections européennes ?

Quoiqu’il soit encore tôt pour parler du prochain scrutin européen en mai 2019, il est d’ores et déjà possible néanmoins de faire le tour des enjeux qui animeront très certainement la campagne. A quoi peut-on s’attendre ?

1/ « La pédagogie de la douleur » : l’enjeu de l’« europocalypse »

Le premier enjeu des élections européennes de 2019 réside dans la nature de la campagne qui ne sera pas « business as usual » en raison des mouvements d’opinions qui animent les espaces publics nationaux.

Comme le dit Jean-Marie Cavada, eurodéputé, lors d’un débat sur « Comment parler d’Europe ? » animé par Touteleurope, l’enjeu sera de faire comprendre que le destin des peuples européens est lié au projet européen, comme « la pédagogie de la douleur » au sujet du Brexit est en train de le démontrer pour les Britanniques.

En effet, la question de la survie de la construction européenne, telle que nous la connaissons, sera au cœur de la campagne électorale dans un contexte de poussée eurosceptique et/ou europhobe constaté au fils des dernières élections nationales.

La crainte d’un big bang politique européen, à savoir l’élection d’une majorité inédite eurosceptique au Parlement européen risque de représenter le premier enjeu, susceptible de mobiliser les électorats, pour le meilleur ou pour le pire, avec une véritable « europocalypse ».

2/ « To be Spitzenkandidaten, or not to be » : l’enjeu du leadership

Le deuxième enjeu des prochaines élections européennes porte sur le leadership au niveau des forces politiques européennes.

D’un certain côté, les partis politiques européens, en particulier le PPE pour la droite européenne dont les chances de succès ne sont pas minces, plaide pour le maintien de la procédure des Spitzenkandidaten qui vise à imposer la tête de liste capable de réunir une majorité parlementaire comme candidat au poste de président de la Commission européenne.

D’un autre côté, les chefs d’Etat et de gouvernement et en particulier le président de la République française plaident davantage pour respecter la lettre du traité de Lisbonne qui les invite à choisir un président de la Commission européenne qui reflète les résultats des élections européennes sans se lier les mains. Une manière pour Emmanuel Macron de tenter d’imposer une nouvelle force politique centrale à l’échelle européenne qui serait un hold-up de l’élection européenne à l’image de son succès en France.

Quoiqu’il en soit, les négociations en coulisses entre les forces politiques pèsera encore davantage dans l’interprétation des résultats électoraux et la physionomie des prochaines institutions, tant au Parlement européen qu’au sein de la Commission européenne.

3/ Le respect des principes : l’enjeu de la confiance

Troisième et dernier enjeu à ce jour portant sur les élections européennes, la question du respect des principes comme pierre angulaire d’une prochaine campagne électorale marquée par les transformations des médias traditionnels et des médias sociaux.

Du côté des citoyens, les répercussions du scandale Cambridge Analytica qui frappe Facebook et plus largement le nouveau contexte lié à l’application du règlement général sur la protection des données, le RGPD, pèseront pour une pression accrue du respect de la vie privée sur les réseaux sociaux. Cette pression s’exercera en particulier sur les investissements publicitaires sur les réseaux sociaux dans un contexte électoral.

Du côté du Parlement européen, le respect de la traditionnelle neutralité non partisane de la campagne de communication de l’institution est également en question, en raison du choix revendiqué de mener des actions offensives, justifiées notamment pour faire face au défi des fake news, selon Jaume Duch, le directeur de la communication du Parlement européen sur Euractiv.

L’importance du respect des principes d’éthique et de transparence constitue un véritable enjeu de crédibilité, qui aura un impact sur la communication, tant pour les partis politiques européens que pour le Parlement européen.

Au total, la campagne des prochaines élections européennes s’annonce inédite tant par son importance pour l’avenir du projet européen que par ses modalités en termes de communication.

A quoi pourrait ressembler le futur service de presse de l’UE ?

Malgré plusieurs tentatives pour réorganiser la prise de parole de l’UE auprès des journalistes, le service des porte-parole de la Commission européenne n’est toujours pas parvenu à convaincre, si l’on en juge le billet de Jean Quatremer « La Commission et les médias : l’éternel retour« . Que faire ?

Les échecs d’une vision trop « politique » de la fonction de porte-parole de l’UE

Avec un premier modèle reposant sur le principe d’un porte-parole par Commissaire, sous la Commission Barroso, le service de porte-parole s’est révélé, à l’usage, beaucoup trop inaudible. La multiplication des prises de parole, voire la compétition pour tirer la couverture à soi s’est traduit par une vision fragmentaire et éclatée des actions de la Commission européenne, rendant encore plus compliqué le travail des journalistes.

Du coup, le nouveau service des porte-parole de la Commission Juncker modifie son approche avec un porte-parole par grandes politiques publiques, en gros un porte-parole par Vice-Présidence de l’institution. Les premiers résultats, sous l’angle de la lisibilité de l’action de la Commission et de son inscription dans une vision d’ensemble, sont plutôt encourageants. Néanmoins, la parole se trouve assez rapidement trop verrouillée, puisque chaque mot est ausculté selon ses implications et conséquences politiques. Très vite, le verrouillage et la langue de bois s’installent, là encore, au détriment de l’efficacité et de la performance auprès des journalistes.

Au total, vouloir imposer le poids de l’institution sur le service de presse, que ce soit son organigramme (1 porte-parole par Commissaire) ou son programme (1 porte-parole par grandes politiques publiques) ne marche pas.

Les pistes pour une vision plus « pragmatique » de la prise de parole de l’UE

Plusieurs pistes pourraient constituer autant de jalons pour réfléchir à la prochaine réorganisation indispensable du service de presse.

Quoique sans doute la plus pragmatique – mais la plus éloignée de l’esprit européen, donc, impraticable – la réorganisation la plus logique serait de répartir le corps des correspondants de presse en fonction de leur nationalité, afin de s’assurer d’une concordance entre les porte-parole et les Etats-membres. Une maîtrise de la langue maternelle et de la culture journalistique nationale, une meilleure connaissance du paysage médiatique constitueraient autant d’arguments évidents mais insuffisants.

Une autre approche, plus digne d’intérêt, mais toujours insatisfaisante, consisterait à réorganiser le service de porte-parole en fonction des grandes familles de médias : TV, radio, presse écrite et web. Une telle réorganisation permettrait de mieux prendre en compte les attentes et besoins spécifiques des différents types de presse, notamment les forte différence en termes de temporalité et de ressources nécessaires ce qui serait un vrai plus pour mieux diffuser les messages de l’UE, même si une telle réorganisation semble à contre-temps et apparaîtrait comme un contre-sens par rapport à l’évolution des médias, qui tend plutôt à la convergence et à l’exploitation de marque-média sur différents supports.

Reste du coup une dernière piste à explorer : envisager une réorganisation du service de presse de l’UE qui s’organise en fonction de la manière dont les rédactions des médias se structurent elles-mêmes. Une correspondance entre les grands services d’un média, et les différents porte-parole de l’UE favoriserait le travail des journalistes et accompagnerait le mouvement le plus visible à Bruxelles de spécialisation des correspondants de presse, qui ne couvrent plus uniquement l’UE dans son ensemble mais se concentrent sur quelques grandes politiques publiques : éco/fi ; tech/numérique ; environnement/énergie…

Concrètement, cette réorganisation signifierait qu’il s’agirait de distinguer entre une fonction de porte-parole politique incarnée par un porte-parole de la présidence de la Commission européenne, dont les reproches de langue de bois n’entacherait plus l’ensemble et un service de presse, avec des porte-parole plus thématiques, réorganisé indépendamment de la structure ou des priorités de la Commission mais selon les grandes rubriques dans les médias.

Simple effet d’affichage ? Non, plutôt une clarification des missions politiques et thématiques dans une meilleure prise en compte des véritables conditions de travail du corps de presse à Bruxelles.