En cette période de nouvelle année, plutôt que de formuler des vœux, visons plus des résolutions : être résolu à regarder la réalité, même si cela peut être de plus en plus difficile à décrypter et être résolu à chercher des solutions réelles, c’est d’ailleurs la promesse de Lacomeuropéenne depuis son lancement et l’engagement que nous renouvelons pour 2025.
L’exceptionnalisme eurosceptique français : un État-membre qui se désolidarise
Une récente étude menée par Cluster17 pour Le Grand Continent : « Que pensent les Européens ? » dans cinq pays étudiés (France, Allemagne, Italie, Espagne et Belgique) révèle une tendance préoccupante : une fracture croissante au sein de l’Europe sur des questions clés, la France se distinguant souvent par des positions plus eurocritiques. « Deux tiers des répondants se disent favorables à l’Union tout en souhaitant « de grands changements » dans sa manière de fonctionner. » Ce désir de changement est particulièrement prononcé en France, où l’euroscepticisme est plus marqué que dans les autres pays étudiés. « La France est, sur cette question comme sur presque toutes les autres, le pays le plus sceptique à l’égard des bénéfices de l’Union. »
L’étude souligne également un point crucial : « La question européenne divise même au sein des électorats radicaux. » Si le sentiment anti-UE alimente le soutien aux partis radicaux, ces mêmes électorats sont divisés sur la question de l’intégration européenne. Ce conflit interne entrave la capacité de ces partis à capitaliser sur l’euroscepticisme et offre une opportunité – jusqu’à combien de temps ? – aux forces pro-européennes de consolider un soutien en déclin.
L’exode informationnel : une nation qui se déconnecte
À la difficulté posée par une Europe fracturée s’ajoute un désengagement croissant vis-à-vis de l’information elle-même en France. L’étude « L’exode informationnel » publiée par la Fondation Jean Jaurès révèle une nation aux prises avec le déluge informationnel, ce qui entraîne une fatigue et une méfiance généralisées. « 54% des Français se déclarent fatigués de l’information, 39% apparaissent même « très » fatigués », qui conduit à un sentiment de saturation et à une incapacité à établir des priorités. « Plus de huit Français sur dix ont l’impression de voir tout le temps les mêmes informations. »
Cette fatigue engendre la méfiance, beaucoup ayant le sentiment d’être manipulés et incapables de distinguer les faits de la fiction. « Plus d’un Français sur deux confie qu’il a désormais du mal à distinguer ce qui est une vraie information de ce qui est une fausse information. » Cette érosion de la confiance crée un vide, facilement comblé par des sources alternatives, qui propagent souvent de la désinformation et des théories du complot. L’étude révèle que « plus d’un quart des Français (27% précisément) se montrent perméables à la mécanique complotiste ».
Le prix de l’apathie : une menace pour l’intégration européenne
La conséquence la plus inquiétante de cet exode informationnel est peut-être le sentiment d’impuissance généralisé. « 80% des Français disent « se sentir impuissants face aux évolutions du monde » et 83% avouent « se désespérer de l’être humain lorsqu’ils regardent les actualités. » Ce sentiment d’impuissance alimente le désengagement, conduisant nombre d’entre eux à se retirer complètement de l’espace public. L’étude identifie cinq profils distincts de citoyens français dans leur relation à l’information, allant des « submergés », accablés par le déluge, aux « détachés », qui l’évitent activement – autant de catégories qui fonctionneraient parfaitement pour comprendre la relation des Français avec l’Europe.
Un appel à l’action : raviver la flamme européenne avec « Faut qu’on parle d’Europe »
La convergence de ces deux tendances – un euroscepticisme croissant et une nation qui se déconnecte – représente un danger pour l’avenir de l’intégration européenne. L’apathie et le désengagement sont un terreau fertile pour les mouvements nationalistes et populistes, menaçant de détricoter le tissu même du projet européen.
L’initiative « Faut qu’on parle » lancée conjointement par La Croix et Brut offre un modèle prometteur pour relever ce défi. L’idée est simple : réunir des personnes ayant des points de vue opposés pour des conversations en face à face, favorisant l’empathie et la compréhension. Adapter ce modèle aux questions européennes – « Faut qu’on parle d’Europe » – pourrait constituer un puissant antidote à l’exode informationnel et à l’apathie croissance en matière européenne. Il s’agirait de réunir des citoyens français d’horizons divers pour discuter de leurs espoirs et de leurs craintes quant à l’avenir de l’Union, à une échelle individuelle pour privilégier une vraie expérience convaincante, à défaut de campagnes à plus grande échelle.
Il ne s’agit pas simplement de fournir davantage d’informations ; il s’agit de créer des espaces de dialogue significatif, où les gens peuvent s’écouter, remettre en question leurs préjugés et trouver un terrain d’entente. Il s’agit de restaurer la confiance et de favoriser un sentiment d’appropriation collective du projet européen.
Face aux signaux d’alarme de la dégradation de la relation des Français à l’Europe, renforcée par l’exode informationnel nous devons agir maintenant pour raviver la flamme européenne avant qu’elle ne vacille et ne s’éteigne.