Communiqués de presse de la Commission européenne : un style de communication technocratique

Avec une analyse textuelle de près de 45 000 communiqués de presse publiés par la Commission européenne au cours des 35 dernières années d’intégration européenne, Christian Rauh dans « Clear messages to the European public? The language of European Commission press releases 1985–2020 » confirme un style de communication extrêmement technocratique…

Enseignements relatifs aux communiqués de presse de la Commission européenne

Premièrement, cette communication publique est notablement plus difficile à comprendre que la communication politique des exécutifs nationaux et ressemble plutôt à un discours scientifique ; alors qu’un communiqué de presse reflète l’équilibre choisi par la Commission entre les considérations politiques et de communication et est destiné à influencer et à façonner le débat public.

Deuxièmement, ce mode de communication technocratique est indépendant des sujets politiques sur lesquels la Commission communique ; la communication publique de la Commission est presque toujours moins accessible, que l’on s’intéresse à la complexité du langage, à la familiarité des mots et, en particulier, à l’expression de l’action.

Troisièmement, ces constats n’ont guère changé au cours des 35 ans, une période au cours de laquelle les compétences politiques de la Commission et la politisation publique de l’UE ont considérablement augmenté.

Le message est clair. La communication publique de la Commission se caractérise par un langage grammaticalement complexe, par un jargon spécialisé et par un style inhabituellement nominal plutôt que verbal qui privilégie les processus abstraits aux plans d’action temporellement identifiables.

Pathologies du discours technocratique dans la communication de la Commission européenne

Essentiellement, la non-clarté du langage des communiqués de presse de la Commission européenne réside dans un triple déficit :

– Déficit d’accessibilité linguistique : une langue qui n’est pas assez accessible ;

– Déficit de vocabulaire familier : une utilisation de jargon trop spécialisé ;

– Déficit d’orientation vers l’action : une faible clarification et forte nominalisation à la place des verbes.

Le style de communication technocratique que cultive la Commission est probablement bien adapté pour s’adresser à ses acteurs traditionnels et hautement spécialisés que sont le Conseil, le Parlement européen ou les groupes d’intérêts sectoriels.

Mais, dans un contexte où l’opinion publique sur l’UE se polarise, c’est au moins une occasion manquée : ce style réduit la probabilité qu’un journaliste transmette le message, laisse une marge d’interprétation et de cadrage à d’autres acteurs, et diminue les chances que les citoyens comprennent comment la Commission utilise ses pouvoirs politiques.

Pourquoi la Commission européenne souffre d’un remarquable « déficit de communication » comportemental ?

Plusieurs hypothèses restent à creuser :

Premièrement, la communication de la Commission peut être liée à des identités organisationnelles profondément enracinées et à un problème de confiance en soi dans un contexte politisé.

Deuxièmement, la communication complexe de la Commission peut également être fonction de luttes intestines bureaucratiques et de recherche de consensus entre différents intérêts et positions politiques au sein de l’organisation elle-même.

Troisièmement, une communication complexe peut indiquer une prudence stratégique et une gestion des risques institutionnels, en particulier dans des contextes de conflits prononcés au sein du Conseil des ministres ou du grand public.

Obscurcir délibérément les positions politiques serait alors une tentative de désamorcer les débats controversés.

Reste que la communication de la Commission ne s’est pas adaptée aux débats publics de plus en plus politisés sur la gouvernance à plusieurs niveaux dans l’Union européenne et sur la prise de décision européenne à la lumière de débats publics de plus en plus controversés

Le style de communication technocratique fait trop facilement le jeu de ceux qui veulent construire l’image d’une élite bruxelloise détachée du citoyen européen.

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