Déficit d’efficacité : nouveau déficit démocratique de l’UE ?

L’affaire est entendue selon un récent sondage BVA sur « les Français et l’Europe » : le divorce entre les Français et l’Europe est consommé dans l’opinion publique. Au-delà d’un désenchantement historique à l’égard de l’UE – auquel on a finit par s’habituer en le couvrant de l’expression pudique de « déficit démocratique » – on assiste à un cinglant désaveu : 75% des Français juge l’UE inefficace. « Spectaculaire par son ampleur, ce désaveu est aussi terriblement consensuel » selon BVA. Après le « despotisme éclairé » sinon « légitimé par les résultats », du moins toléré en raison de ses succès, n’assiste-t-on pas à un rejet profond de l’UE à cause d’un déficit d’efficacité ?

Le déficit démocratique « à l’ancienne » de l’UE : un déficit réputationnel (défauts de visage et de clivage) => déficit d’image et désintérêt médiatique

Jusqu’à présent, le déficit démocratique de l’UE consistait à reconnaître une carence liée au défaut de visage et de clivage dans une démocratie représentative européenne imparfaite, et pour cause :

  • les visages des personnalités européennes sont méconnus, on ne connaît pas les postes et encore moins leurs détenteurs ;
  • les clivages autour des décisions européennes sont relativement opaques, on ne sait pas qui pèse sur le cours des choses et où sont les camps politiques.

De ce déficit « d’image » de l’UE découlerait un désintérêt des médias et donc des citoyens.

Selon une tribune parue sur Slate « Parlement européenne : déficit médiatique = déficit démocratique », ce serait « là que réside le principal déficit démocratique de l’UE aujourd’hui : dans l’absence d’intérêt médiatique véritable pour les institutions et les politiques de l’UE ».

Autrement dit, le déficit démocratique de l’UE « à l’ancienne », c’est considérer qu’un défaut d’image justifierait l’apathie électorale des Européens envers l’UE. En somme, un simple problème d’abstention.

Le nouveau déficit démocratique de l’UE : un déficit imputationnel (défauts de responsabilité et d’efficacité) => déficit de résultats et désaveu civique

Dorénavant, le déficit démocratique de l’UE consistera à imputer des défauts de responsabilité et d’efficacité à un système politique européen technocratique :

  • la responsabilité de l’UE est toujours tôt ou tard retrouvée et dénoncée dès qu’une décision ou un crise alerte l’opinion publique. La capacité imputationnelle de l’UE (cf. « the blame Brussels ») est le dénominateur commun des États en Europe à la moindre difficulté ;
  • l’efficacité des politiques publiques européennes est également suspectée, qu’il s’agisse des décisions interminables de sommets en sommets européens pour sauver l’euro ou des budgets européens réduits à la portion congrue.

De ce déficit de résultats – une première pour la construction européenne – se déduira le désaveu des citoyens, comme l’indique le sondage BVA et le confirmera la campagne pour les élections européennes qui sera dominée par les partis de protestation (cf. l’indifférence mortelle à l’Europe des élites politiques risque de nourrir l’euroscepticisme).

Autrement dit, le nouveau déficit démocratique de l’UE, c’est affirmer qu’un défaut de résultats expliquera le désaveu civique des Européens envers l’UE : un grave problème de légitimation.

Ainsi, l’évolution du déficit démocratique de l’UE d’un simple défaut de réputation de l’UE (désenchantement) à une faute imputée à l’UE (désaveu) menace d’autant plus profondément les fondations de l’UE qu’elle est ancrée dans l’opinion publique.

2 réflexions sur « Déficit d’efficacité : nouveau déficit démocratique de l’UE ? »

  1. Nico Keppens

    It is true that people don’t know the faces of people in the EU institutions (Commission, EP, Council), and that it should be improved. But that is also true for other levels, even local. Ask people who deals in their municipality with social policy, with infrastructures, with budget … Civil participation has two preconditions: 1) is it allowed, promoted and facilitated by the institutions and 2) do people want to do the efforts needed (to be informed, to make up an own opinion, to dare to express it) in order to have their voice heard. Often the latter is missing even more than the first.
    Also for practical reasons the representative democracy has been set up. The world has become so complex that it is impossible to ask everyone to be totally informed and capable to judge what could be good proposals. The new possibilities created by the internet may make it possible to involve more people, but still a form of representation will be needed: elected people who have the time to be informed, to compare the alternatives, to make proposals. This representation system is, however, linked to the level of trust citizens can have in the institutions, in the people who represent them. It is up to the institutions and to the elected to inform in a good way about what they propose and do, and to be really accountable for their actions. (sorry for the English, but its better than my French…)

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