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Vers une communication plus citoyenne de think tanks européens 2.0 ?

Avec les évolutions du web 2.0 et du traité de Lisbonne, les acteurs de l’influence que sont les think tanks européens semblent mieux relever le défi d’une communication davantage orientée vers les citoyens européens…

Sensibilisation à l’Europe réduite aux citoyens concernés pour des think tanks européens 1.0 au « potentiel inaccompli »

Au travers des canaux traditionnels d’une communication d’influence :

  • publications propres ;
  • organisations de conférences avec des responsables politiques ou de séminaires avec des universitaires ;
  • parutions de tribunes dans la presse ;
  • apparitions occasionnelles à la télévision et à la radio ;

les think tanks européens 1.0 parviennent – au-delà des leaders d’opinion principalement ciblés – à toucher un public de citoyens concernés, par une exposition médiatique incidente.

Selon Mathilde Durand et Hélène Jorry dans Horizons stratégiques 2007- 4 (n°6) « Les groupes d’intérêt, vecteurs d’information sur l’Europe ? », la production et la diffusion d’informations sur l’Europe – « même inachevée, parcellaire ou insatisfaisante » – contribuent à sensibiliser sur l’Europe (acteurs, procédures, politiques).

Tendanciellement, le constat d’une sensibilisation à l’Europe induite par les stratégies de communication des think tanks européens s’adresse – toutefois – « le plus souvent à un public engagé dans une recherche active de l’information ».

Selon Stephen Boucher, dans une étude pour Notre Europe « L’Europe et ses think tanks, un potentiel inaccompli », pour des questions de moyens mais aussi pour des raisons de culture :

  • tension entre la préservation de leur indépendance et de leur crédibilité intellectuelles face aux pressions financières et aux médias imposant un rythme et un mode de fonctionnement très nuisibles à l’effort d’analyse et de réflexion prospective et innovatrice ;
  • approche élitiste, les thinks tanks européens travaillant entre experts des questions européennes et s’adressant à d’autres experts des questions européennes ;

« il y a un réel décalage entre l’ambition de contribuer à combler le ″déficit démocratique″ et la capacité à pouvoir y faire quoi que ce soit ».

Potentiellement, les think tanks européens pourraient jouer un rôle – notamment pour faire émerger des idées de citoyens ou pour faire passer aussi des notions complexes auprès d’un public large – mais jusqu’à présent ils ont plutôt renforcés l’impression d’une Europe d’experts.

Ainsi, contrairement à la plupart des think tanks américains qui accordent autant de soin à la diffusion de leurs idées qu’à leur qualité, les thinks tanks européens 1.0 parviennent qu’indirectement à sensibiliser des citoyens concernés à l’Europe.

Communication sur l’Europe auprès d’une audience citoyenne élargie pour les think tanks européens 2.0

Avec les évolutions que constituent d’une part le traité de Lisbonne et d’autre part le web 2.0, les thinks tanks européens semblent davantage à même de relever le défi de la communication auprès des citoyens.

Le traité de Lisbonne pourrait généraliser les « consultations européennes de citoyens » menées par les think tanks européens 2.0.

Selon la dernière livraison de la revue « Effect » consacrée à l’exploration des relations entre les fondations et l’UE, le traité de Lisbonne représente une véritable opportunité pour les think tank européens, qui pourraient organiser cette meilleure implication des citoyens dans le processus décisionnel européen.

L’article 11 du traité de Lisbonne prévoit que « les institutions, par des moyens appropriés doivent donner aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d’échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d’action de l’Union ».

Pour Stefan Schäfers, Conseiller de programme européen à la Fondation Roi Baudouin (tribune page 16 dans la livraison du printemps 2010), les think tanks européens, forts déjà de deux succès paneuropéen de « consultations européennes de citoyens » pourraient contribuer à combler le fossé entre les citoyens et les décideurs politiques.

Les consultations européennes de citoyens prennent la forme d’une série d’entrevues et de discussions de groupes choisis au hasard, débouchant sur des délibérations puis des recommandations. Ces procédures maîtrisées par les think tanks européens pourraient faire partie de la trousse d’outils d’élaboration des politiques européennes en matière de consultation publique.

Le web 2.0 pourrait généraliser les interactions entre citoyens et think tanks européens 2.0.

La domination actuelle des réseaux sociaux sur le web représente une seconde opportunité pour les think tank européens qui pourraient développer une meilleure communication dans les medias sociaux, autour d’un discours plus accessible et d’une présence plus interactive.

A titre d’exemple, la Fondation Robert Schuman s’est largement adaptée avec :

Ainsi, des acteurs tels que les think tank européens peuvent – grâce au traité de Lisbonne et au web 2.0 – adapter leur communication au bénéfice des citoyens européens.

Débat sur la stratégie de communication de l’UE : propagande pour l’intégration communautaire ou service public d’information sur l’Europe ?

Au cours de cet été, un think tank suédois, Timbro publie une étude : « Le fardeau de l’Union européenne : informer et communiquer auprès d’un peuple réticent ». Les auteurs soulèvent le problème d’une stratégie de communication visant à promouvoir le succès de l’intégration européenne afin de gagner le soutien populaire à la construction européenne alors même que les citoyens européens ne payent aucune attention à « la révolution démocratique de l’Europe ».

Ainsi, un fossé se creuse entre des citoyens européens souhaitant un véritable service public d’information sur l’Europe et les institutions européennes engagées dans une « propagande » pour l’intégration communautaire.

La Commissaire européenne chargée de la stratégie de communication, la suédoise Margot Wallström, répond sur son blog qu’il convient de nuancer : entre information et propagande, il y a justement la communication, qui repose sur le dialogue entre les citoyens européens et les institutions européennes.

Réquisitoire du think tank Timbro contre la stratégie de communication de l’UE

Le think tank Timbro dans « The European Union’s Burden : Information dans communication to a reluctant people » passe en revue le budget et les actions de communication de l’UE.

D’une part, le budget communication de l’UE est beaucoup plus élevé que le seul budget de la DG Communication de la Commission européenne, s’élevant à 213 million d’euros en 2009 :

  • 124 millions d’euros en 2009 pour le programme « Jeunesse en action » dont les objectifs sont d’« associer activement les jeunes à la société en tant que citoyens, (et de) renforcer leur sentiment d’appartenance à l’Europe » ;
  • 7,5 millions d’euros en 2009 pour le programme d’information sur la monnaie unique de la DG Eco ;
  • 18 millions d’euros en 2009 pour la campagne de communication du Parlement européen pour les élections européennes ;
  • budgets pour des commémorations telles que les 50 ans du traité de Rome en 2007 ou la chute du mur de Berlin en 2009…

D’autre part, les actions de communication de l’UE sont bien plus que de simples campagnes de promotion des réalisations de l’UE, il s’agit d’investissements dans les médias ou la société civile qui visent à influencer ces acteurs et faire passer un message politique pour davantage d’intégration européenne :

  1. Financement de compétitions pour les journalistes traitant des questions européennes et de médias européens comme les réseaux Euronews pour la TV (10,8 millions d’euros en 2009), Euranet pour la radio (6 millions d’euros en 2009), EUTube et EuroparlTV (9 millions d’euros en 2009 pour la webTV du parlement européen) sans compter les Séminaires de formation pour les journalistes (1,8 millions d’euros en 2009)…
  2. Financement de campagnes décrites « de bon samaritain » comme « School Milk Aid » (distribution de lait dans les écoles pour 69 millions d’euros en 2009 soit 305 000 tonnes de lait), « Fruit to School Children » (distribution de fruits frais dans les écoles pour 90 millions d’euros en 2009) ou encore « Help – for a life without tobacco » (campagne anti-tabac auprès des jeunes, 14 millions d’euros en 2007)…
  3. Financement de think tanks créant une « colonisation de la société civile » et formant une opinion globalement favorable à la construction européenne.

Ainsi, la stratégie de communication de l’UE s’oriente vers la création d’une identité européenne au moyen d’un « vaste outil de communication qui se comporte d’une manière qui serait à peine acceptée de la communication publique nationale dans les États membres ».

Plaidoyer de la Commissaire européenne chargée de la stratégie de communication de l’UE

Dans un billet « The silly season », Margot Wallström invite à nuancer :

  1. Le lien entre consultation des citoyens et rejet de l’UE – prouvant le déficit démocratique de l’UE – est loin d’être évident. Depuis 1972, il y a eu pas moins de 35 référenda tenus sur des questions européennes, seulement 9 ont produit des résultats négatifs.
  2. Le lien entre financement d’infrastructures, de services ou d’informations aux médias et influence éditoriale fait fi des règles déontologiques propres aux médias et ne fait pas la différence entre actions de relation presse visant à faire passer un cadrage particulier sur un sujet et actions de promotion visant à faciliter le travail des journalistes sur les questions européennes.
  3. Le lien entre information et propagande – qui seraient les seules possibilités pour la communication européenne – révèle une profonde méconnaissance du métier de communicant de l’Europe, qui repose justement sur le dialogue approfondi sur le souhaitable et le possible avec les citoyens et leurs « corps intermédiaires » qu’ils soient médias, ONG ou Etats.

Ainsi, la responsable de la stratégie de communication de l’UE rappelle que « pour 40 centimes d’euros par personne et par an, la Commission européenne :

  • maintient des représentation dans tous les États membres ;
  • porte des consultations publiques auprès des citoyens ;
  • finance Europe Direct, le service qui répond aux questions des citoyens ;
  • fournit des facilités de studio gratuites pour l’usage des journalistes radio ou TV ;
  • organise des séances quotidienne de questions/réponses pour les journalistes ;
  • offre une couverture des événements publics, une bibliothèque audiovisuelle et des centaines de sites multilingues, notamment interactifs comme Debate Europe ou EUtube ».

Bref, un été particulièrement chaud pour la communication européenne…

Elections européennes : le paradoxe de la médiation dans la campagne

L’actuelle campagne pour les élections européennes soulève des interrogations sur les responsabilités respectives des médiateurs naturels de l’Europe : acteurs politiques et des médias dans la probable abstention record des citoyens. A contrario de nouveaux médiateurs : thinks tanks, fondations, associations, portails à velléité européenne tentent de mobiliser les électeurs. Comment comprendre ce paradoxe dans la médiation de la campagne des élections européennes ?

Des médiateurs naturels de l’Europe défaillants pour intéresser les citoyens à l’Europe

Le député Michel Herbillon, auteur du rapport « La fracture européenne – Après le référendum du 29 mai 2005 : 40 propositions concrètes pour mieux informer les français sur l’Europe » estime ainsi que :

  • les élus ne communiquent pas assez sur l’Europe car « L’Europe ne fait pas l’élection ». Alors que la pédagogie fait déjà défaut en dehors des périodes électorales, lors des campagnes, les responsables politiques « semblent las de répéter que l’Europe (…) c’est important, qu’il faut allez voter!”, un peu comme des parents disent à leurs enfants : “Mange tes carottes, c’est bon pour la santé!” », selon le blog sur l’Europe de la Tribune (aujourd’hui archivé).
  • les médias n’informent pas assez sur l’Europe car « L’Europe ne fait pas vendre ». Le traitement médiatique des enjeux européens fait l’objet d’une prise en charge ponctuelle ou volontariste, voir le billet sur « Euro-bashing vs Euro-washing : quel traitement des élections européennes dans les médias ? ».

De nouveaux médiateurs présents pour mobiliser les électeurs au scrutin européen

Selon Euractiv, la société civile : thinks tanks, fondations, associations, portails à velléité européenne « tente de mobiliser les électeurs ».

  • pour le président du site Euros du Village, Mathieu Collet « il faut politiser au maximum le débat, et arriver à cliver ».
  • pour le rédacteur en chef d’Euradionantes, Rémi Parola, « on ne peut pas se passer d’un volet pédagogique mais ce n’est pas le plus important. (…) Il faut politiser le débat », conclut-il.

Par ailleurs, selon l’analyse de Mathilde Durand et Hélène Jorry dans Horizons stratégiques 2007- 4 (n°6) « Les groupes d’intérêt, vecteurs d’information sur l’Europe ? » contribuent eux aussi à la diffusion d’une information sur l’Europe, quoique la question de la sensibilisation du plus grand nombre reste posée.

Ainsi, alors que les médiateurs naturels des élections européennes ne sont pas intéressants aux yeux des électeurs, des experts légitimes sur l’Europe invitent sans atteindre les oreilles des électeurs à politiser la communication sur l’Europe avec le raisonnement suivant : puisque “les gens pensent que l’Europe est lointaine et compliquée? Donnons-leur raison et proposons-leur de changer ça!”.

Europe des élites VS citoyens européens avertis : décryptage des illusions autour de la communication européenne

Lorsqu’il s’agit de débattre de communication européenne, les acteurs de la scène publique européenne semblent animés par des visions opposées :

  • pour les uns, la communication européenne ne reposerait, dans le fond, que sur un complot des élites ;
  • pour les autres, la communication européenne reposerait sur des initiatives de citoyens éclairés.

Vision technocratique-centripète de la communication européenne : la figure de l’élite

Dans la vision technocratique-centripète, la communication européenne serait forcément un projet :

  • orienté vers davantage d’intégration européenne ;
  • porté par des spécialistes de la construction européenne ;
  • destiné à mobiliser une minorité, concentrée à Bruxelles.

Cette vision repose sur le constat que les acteurs de l’Europe ne sont effectivement qu’une population réduite, multilingue, experte et modernisatrice :

  • les fonctionnaires communautaires ;
  • les eurodéputés et les membres des organes consultatifs européens ;
  • les acteurs des lobbies et des think tank européens.

Cette vision renforce le procès en élitisme fait à la construction européenne, notamment étudié par Olivier Costa et Paul Magnette en 2007 dans « Une Europe des élites ? Réflexions sur la fracture démocratique de l’Union européenne ».

Avec cette vision, la communication européenne est essentiellement du hors média (relations publiques, événementiel) : des élites parlent aux élites

Vision consumériste-centrifuge de la communication européenne : la figure du citoyen averti

Dans la vision consumériste-centrifuge, la communication européenne serait un projet :

  • orienté vers davantage de participation démocratique ;
  • porté par des relais de la société civile européenne ;
  • destiné à mobiliser, localement, les citoyens européens.

Cette vision repose sur le postulat que le «citoyen averti» serait à la démocratie ce que le «consommateur averti» est à la consommation quotidienne, c’est-à-dire que :

  • le citoyen est toujours plus important que l’élu ou l’expert ;
  • le citoyen doit se prononcer en totale connaissance de cause, il doit donc savoir déchiffrer les fausses promesses, poser les bonnes questions.

Cette vision renforce le procès en complot d’une construction européenne qui porterait atteinte à la considération des citoyens.

Avec cette vision la communication européenne est essentiellement de l’Internet : des citoyens parlent aux citoyens

Au final, force est de constater que ces visions partagent l’illusion d’une communication européenne forcément réduite à être un projet minoritaire.

Think Global, Act European : le colloque des think-tanks dans la préparation de la PFUE

En parallèle des rencontres organisées dans le cadre du programme « Parlons d’Europe » dont l’objectif est de renforcer la dimension citoyenne de la PFUE, treize think-tanks européens se mobilisent pour la première fois pour contribuer à la réflexion sur les priorités de la PFUE…

Réunis lors d’un colloque, organisé vendredi 23 mai afin de présenter la parution du rapport Think Global – Act European – une référence au slogan de David Brower le fondateur des Amis de la Terre – les think-tanks proposent à la fois un projet d’ensemble pour répondre aux défis globaux et une action européenne résolue pour faire de l’UE un acteur global.

Dans une tribune « Les Français sont-ils prêts à porter la voix des Européens ? », dans Le Figaro, la directrice Europe de la Fondation pour l’innovation politique, Elvire Fabry et la secrétaire générale de Notre Europe, Gaëtane Ricard-Nihoul relayent le message des treize think-tanks européens. « Le succès de sa présidence se mesurera avant tout au degré d’écoute qu’elle saura accorder à ses partenaires européens et à son talent de facilitateur des décisions. Elle doit, pendant six mois, porter la voix des 27 États membres. Une grande responsabilité et un formidable exercice d’humilité. »