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Eurobaromètre : quel avenir pour l’Union européenne ?

Dans une enquête « Spécial 500e » commandée conjointement par le Parlement européen et la Commission européen, les Européens, majoritairement favorables à l’UE par principe ou dans ses réalisations, révèlent leur vision pour le futur de l’Union européenne

De nouvelles attentes plus égalitaires et solidaires

Parmi les possibles éléments les plus utiles pour l’avenir de l’Union européenne, les citoyens plébiscitent « des niveaux de vie comparables » et « une solidarité plus forte entre les États membres de l’UE » :

  • « Des niveaux de vie comparables » est la réponse la plus citée dans 15 États membres ;
  • « Une solidarité plus forte entre les États membres de l’UE » dans 11 États membres.

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Les autres pistes moins soutenues portent sur « une politique de santé commune » et « des standards d’éducation comparables » ; indépendance énergétique, capacité industrielle et armée européenne sont encore moins à l’ordre du jour.

Le projet qui se dessine, intègre évidemment l’année de pandémie traversée, mais aussi l’après-Covid, la reconstruction « résiliante » et « durable » des sociétés européennes.

Des atouts politiques et économiques et défis climatique et sanitaire de l’Union européenne

Les principaux atouts de l’UE sont « le respect de l’UE de la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit » et « la puissance économique, industrielle et commerciale de l’UE » tandis que les nouvelles attentes mentionnées – niveau de vie et solidarité – à l’instant sont moins reconnues par les citoyens dans l’Union actuelle.

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Sans grande surprise, d’importantes variations sont observées parmi les pays pour considérer « le respect de l’UE de la démocratie, les droits de l’homme et l’État de droit » comme l’un des principaux atouts de l’UE, de plus de la moitié au Nord/Ouest à moins d’un quart dans le Sud/Est.

Les principaux défis de l’UE sont « les problèmes environnementaux et le changement climatique », vu comme le principal défi pour l’avenir de l’UE, suivi par « le terrorisme », « les risques liés à la santé » et « les migrations et déplacements forcés ».

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Après une période marquée par des tensions populistes et des craintes géopolitiques de sécurité, la période post-Covid s’oriente vers des problématiques globales et des attentes de davantage d’intégration solidaire.

Euroscepticisme et ambivalence de l’opinion publique française vis-à-vis de l’Europe

Passionnant travail sur l’opinion publique française et l’Europe par l’institut Jacques-Delors Notre Europe où les auteurs du rapport « les Français et l’Europe entre défiance et ambivalence » analyse une situation inquiétante et inédite d’euroscepticisme et d’ambivalence…

Euroscepticisme très fort : des fractures européennes sans précédent en France

Fait sans précédent, parmi tous les États-membres, la France appartient aux peuples les plus négatifs face à l’UE – une position peu enviable liées à un soutien « diffus » aux valeurs et aux principes de l’UE faiblement majoritaire face à un soutien « spécifique » moins favorable concernant l’efficacité de l’Union européenne.

La 2e ligne de clivage porte sur la fracture sociale, particulièrement vive pour la France : classes populaires, ouvriers et chômeurs se représentent l’Europe comme une menace contre les protections sociales nationales.

La polarisation des attitudes vis-à-vis de l’UE renforce l’intensité des clivages : contrairement à la France, dans le reste de l’Europe, les plus positifs sont deux fois plus nombreux et les plus négatifs deux fois moins.

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Ambivalence de la relation des Français à l’Europe : les sentiments mêlés divisent

Des variations entre attitudes pro et antieuropéennes dessinent des individus ambivalents à l’égard de l’Europe :

Côté « positif », les ambivalents ont une massive adhésion à la libre circulation et au droit de travailler comme de vivre dans tous les États membres ; un soutien très majoritaire aux différentes politiques communes et une conviction que la voix de l’Union européenne compte dans le monde.

Côté « négatif », les ambivalents ont une mauvaise image de l’Europe, se méfient de la situation économique ; des institutions et de l’avenir mais surtout doutent que les intérêts de la France soient bien pris en compte au sein de l’UE. L’idée européenne est belle, mais ça ne marche pas comme ils le souhaiteraient.

Méconnaissance ou incompréhension de l’Europe : le facteur clé d’interprétation

La méconnaissance du fonctionnement de l’Europe constitue un élément majeur du rapport de défiance des Français à l’Europe (la France occupe le dernier rang parmi les 27). Le facteur culturel constitue un élément majeur d’explication de ce rapport ambivalent des Français vis-à-vis de l’Europe.

La compréhension ou l’incompréhension de l’Europe divise entre les proeuropéens, qui ont le sentiment de bien comprendre comment fonctionne l’Europe, les eurosceptiques non et les ambivalents guère plus.

C’est un élément majeur du rapport des Français à l’Europe, car il s’agit d’une des dimensions sur laquelle la France occupe le dernier rang parmi les Etats-membres. Une situation dramatique déjà abordée ici.

Relations entre les Français et l’« Europe » : les projections sur l’Europe, reflet des exceptions françaises

Plusieurs éléments explicatifs de nature culturelle sont avancés par les auteurs du rapport pour comprendre les rapports spécifiques que les Français entretiennent avec l’UE :

La culture politique unitaire « jacobine » de la souveraineté française est en décalage avec la culture européenne « pluraliste » du compromis au sein de l’UE. Du coup, les Français ont du mal à jouer le jeu des règles européennes : deal majoritaire, lobbying décomplexé, coalitions parlementaires à géométrie variable.

La culture socio-économique « colbertiste » de la France marquée par une certaine défiance voire une hostilité au libéralisme et au libre-échange impactent négativement le rapport que maints Français entretiennent avec l’Union européenne. Du coup, les règles du marché commun, du pacte de stabilité ou de la politique de concurrence passent encore mal aujourd’hui.

Enfin, les visions radicalement différentes de la raison d’être de l’engagement européen entre le projet des “pères fondateurs” l’Europe des nations gaulliste se sont fracassées sur les élargissements aux pays d’Europe centrale et orientale : « l’Europe n’est pas la France en grand » !

En conclusion, tant que la méconnaissance et le niveau d’information médiocre des citoyens français ne sera pas corrigée, tout discours de l’Union européenne sera inaudible. Mais, l’Europe qui a tant déçu les Français n’aura pas beaucoup de seconde chance.

Des opinions publiques divisées sur l’UE en Europe de l’Ouest

Une vaste enquête paneuropéenne du Pew Research Centre dans les huit plus grands pays d’Europe de l’Ouest confirme qu’une majorité affirme que l’adhésion à l’Union européenne a été une bonne chose pour l’économie de leur pays ; mais en même temps, des majorités affirment que certaines compétences de l’UE devraient être rendues aux gouvernements nationaux. La campagne pour les élections européenne ne fait que commencer…

Côté pile : une majorité des Européens de l’Ouest disent que l’adhésion à l’UE a des avantages économiques

Ouf, des majorités dans tous les pays sauf en Italie indiquent que l’adhésion à l’UE a profité économiquement à leur pays. Ce sentiment est le plus répandu au Danemark, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne, où environ sept sur dix ou plus voient l’adhésion à l’UE comme une bonne chose. Les Italiens sont divisés sur la façon dont l’adhésion à l’UE a affecté leur pays : 46% bonne, 48% mauvaise et 32% affirment que l’appartenance à l’UE nuit à l’économie italienne.

Dans tous les pays étudiés, le poids du populisme pèse sur les consciences politiques : les personnes qui ont des opinions populistes sont moins susceptibles de dire que l’adhésion à l’UE a eu un impact positif sur l’économie de leur pays. Dans la moitié des pays, les populistes de gauche et les populistes de droite ressentent la même chose à propos de l’UE, ce qui peut laisser craindre des coalitions électorales entre partis populistes de bord différent, et a fortiori au sein du futur hémicycle du Parlement européen.

Dans la plupart des pays – France, Italie, Royaume-Uni, Pays-Bas et Allemagne – les personnes de gauche sont plus susceptibles que celles de droite de considérer l’adhésion à l’UE comme une bonne chose pour l’économie. En Espagne, cependant, la tendance gauche-droite est inversée : le groupe du droite est légèrement plus susceptible que le courant de gauche de considérer l’adhésion à l’UE comme un résultat positif.

Côté face : la plupart des Européens de l’Ouest veulent que certains pouvoirs de l’UE soient rendus aux gouvernements nationaux

Dans tous les pays, des majorités disent vouloir que certains pouvoirs de l’UE soient rendus aux gouvernements nationaux. Même au Danemark et aux Pays-Bas, environ deux tiers déclarent que certaines compétences de l’UE devraient être restituées.

Le désir de rendre les pouvoirs de l’UE aux pays est le plus répandu au Royaume-Uni, où le gouvernement national négocie actuellement une sortie de l’UE (of course). Mais, une majorité d’Allemands ou d’Espagnols (53% et 49% respectivement) sont encore enclins à favoriser ce type de changement.

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Les personnes qui ont des opinions populistes sont plus susceptibles que celles du courant dominant de vouloir plus de souveraineté nationale dans sept des huit pays étudiés. Par exemple, en France, 68% des populistes de gauche soutiennent le retour des pouvoirs de l’UE aux gouvernements nationaux, contre 54% de la gauche mainstream ; à droite, 76% des populistes de droite disent la même chose, contre 61% de la droite ordinaire. La seule exception à cette tendance est le Royaume-Uni, où les populistes et les principaux répondants sont largement d’accord sur cette question.

L’idéologie joue également un rôle dans la façon dont les gens perçoivent la division des pouvoirs entre l’UE et les gouvernements nationaux.

Dans cinq des huit pays, les partisans de la droite idéologique sont beaucoup plus susceptibles que ceux de gauche de penser que les pouvoirs devraient être rendus aux gouvernements nationaux. Les trois pays où ceux de droite ne sont pas plus susceptibles que ceux de gauche de soutenir le retour des pouvoirs aux gouvernements nationaux sont la France, l’Espagne et la Suède.

En bref, l’état des opinions publiques en Europe de l’Ouest à un an des élections européennes est potentiellement explosif si ces majorités d’idées qui souhaitent rétrocéder des pouvoirs confiés à l’UE se retrouvent dans les urnes.

Une opinion publique française ambivalente avec l’Union européenne

Dans la relation compliquée des Français à la construction européenne, ponctuée de hauts et de bas, la situation à moins d’un an des prochaines élections européennes n’est pas très satisfaisante, selon une enquête IPSOS pour Le Monde, La Fondation Jean-Jaurès et Sciences Po…

Les Français ont une perception dégradée de l’Union européenne et de ses politiques

Le sentiment le plus aisément associé à l’Union européenne correspond à la déception pour plus du tiers des Français (renforcé chez les seniors) ou de l’indifférence (un quart des juniors). Les marges minoritaires se répartissent entre 9% de rejet et à l’opposé 16% d’espérance et 6% d’adhésion.

Pire, toutes les politiques publiques menées par l’Union européenne sont jugées négativement. L’action de l’Europe n’est approuvée dans aucun domaine : près d’un Français sur deux la jugent négativement en ce qui concerne « la politique économique » (49% contre 22% de jugement positifs), « l’emploi » (48% contre 14%), « la politique sociale » (48% contre 14%) et surtout « la politique migratoire » (63% contre 9%).

Résultat. Une majorité de Français estime que l’ appartenance de la France à l’Union européenne a tendance à aggraver les effets des différentes crises économiques, diplomatiques ou environnementales, contre 30% qui pensent qu’elle les protège.

Le chemin qui mène d’une telle situation dégradée dans l’opinion à des résultats électoraux catastrophiques n’est malheureusement pas compliqué à dessiner.

Les Français sont très partagés sur l’impact de l’appartenance de la France à l’Union européenne

Tout bien considéré, les Français ne tombent pas pour autant dans le rejet majoritaire de la construction européenne, même si la situation se dégrade : 38% des Français jugent que l’Union européenne est une assez bonne chose et 53% soutiennent l’appartenance de la France à l’Union européenne. Ce chiffre est en recul de 5 points par rapport à l’an dernier. Les soutiens se comptent dans les catégories moyennes et supérieures tandis que les catégories populaires rejettent le projet européen.

En fait, Les Français sont majoritaires (58%) à se juger « globalement favorable au projet européen, mais pas tel qu’il est actuellement mis en place », pour « seulement » 19% qui se disent « favorables au projet européen tel qu’il est actuellement mis en place » et 23% à se dire « défavorables au projet européen ».

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Au total, la situation dégradée de l’opinion publique française à l’égard de l’Union européenne appelle des réponses solides et sérieuses pour tenter de les convaincre lors des prochaines élections européennes.

Intelligence collective : pour une institutionnalisation d’un panel de citoyens européens

Alors que le « tournant participatif » initié par le plan D – Démocratie, Dialogue et Débat par Margot Wallström remonte à plus d’une décennie, le train de l’innovation en matière de participation des citoyens à la gouvernance européenne semble passer une nouvelle fois, pour enfin s’institutionnaliser ?

L’innovation : un panel représentatif d’Européens débat et vote sur le questionnaire en ligne des consultations citoyennes européennes

Lors du premier week-end de mai, un panel d’une centaine d’Européens venus de tous les pays membres de l’UE (hors Royaume-Uni) s’est réunis dans les locaux du Comité économique et social européen pour débattre et adopter… à la quasi-unanimité la liste des 12 questions qui seront utilisées pour la consultation citoyenne européenne déployée en ligne à l’échelle de l’UE par la Commission européenne, selon le reportage de Touteleurope.

Le succès auprès des participants semble reposer sur la canalisation appropriée de la participation tant sur le périmètre circonscrit au questionnaire que sur les modalités maîtrisées de consultation, de traduction et d’animation : travail en groupe, séances plénières, rédaction des questions, débats…

La réussite sera confirmée par l’évaluation indispensable confiée à la fondation Bertelsmann afin d’« évaluer si chacun a eu une chance de faire entendre sa voix lors de la consultation, si celle-ci est transparente, si les participants sont représentatifs de la diversité de la population ».

La démonstration est d’ores et déjà acquise que la participation des citoyens, lorsqu’elle est mesurée – tant au sens de limitée à une finalité qu’encadrée par des règles – est techniquement et politiquement possible à l’échelle européenne.

L’institutionnalisation : un forum annuel de l’intelligence collective européenne

Dans le cadre d’un programme de recherche au sein de la fondation Carnegie Europe, Stephen Boucher publie une réflexion stimulante : « How Citizens Can Hack EU Democracy » visant à déployer de nouveaux dispositifs de participation pérenne des citoyens à la gouvernance européenne.

L’une de ses idées consisterait, d’une certaine manière, à institutionnaliser une sorte de panel d’Européens afin de les impliquer de manière ciblée dans les discussions politiques.

Sur le modèle du premier sondage délibératif à l’échelle de l’UE, Tomorrow’s Europe, un sondage délibératif annuel pourrait être mené en amont des principaux sommets des Conseils européens et/ou éventuellement en amont du discours du président de la Commission européenne sur l’état de l’Union débouchant sur l’organisation d’un événement rassemblant à Bruxelles sur un week-end, dans les locaux du Parlement européen, un échantillon aléatoire de citoyens des vingt-sept États membres de l’UE afin de leur permettre de discuter des diverses questions affectant l’UE et ses États membres.

Ce concept présenterait divers atouts en termes de promotion de la participation démocratique aux affaires européennes :

  • Pour les institutions européennes, cela leur permettrait de développer leur capacité d’écoute des citoyens, et surtout de mieux comprendre comment se forgent et éventuellement évoluent des opinions sur l’Europe en fonction des informations portées à la connaissance des citoyens ;
  • Pour les citoyens, cela leur fournirait une tribune afin de dialoguer en étant préalablement informés et donc de mener une délibération de qualité, reflétant des préférences qui peuvent évoluer en fonction des dynamiques collectives ;
  • Pour les décideurs européens, cela leur donnerait un aperçu de ce que les gens pensent vraiment réalisable grâce à un effort de collaboration ;
  • Pour les médias, cela pourrait leur offrir des éléments, à échelle humaine pour traiter les affaires européennes.

Un tel format de sondages délibératifs afin de produire une intelligence collective européenne lorsqu’il est bien fait et utilisé à bon escient en mutualisant les ressources des institutions européennes, ne serait pas tant prescriptif que quasi méthodologique pour faire avancer l’Europe.

Au total, le panel des citoyens pour rédiger le questionnaire des consultations citoyennes européennes devrait représenter la première étape d’une institutionnalisation de la participation citoyenne au service de l’intelligence collective pour la construction européenne.