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Si l’Europe était une marque, serait-elle capable de fédérer une communauté de marque ?

Deux étudiants de l’ESCP Europe – Valérie Enjolras et Benjamin Hoguet – viennent de soutenir un mémoire dirigé par Andreas M. Kaplan – spécialiste du marketing public – sur l’applicabilité du concept de communauté de marque à l’Europe.

Dans le prolongement du livre de Georges Lewi : « L’Europe, une mauvaise marque ? », leur démarche – reposant sur une douzaine d’entretiens – consiste à utiliser les outils et les concepts du marketing, notamment la « communauté de marque », définie par :

  • un sentiment d’appartenance créant l’opposition entre membres et non membres du groupe ;
  • des rites et des traditions, renforçant la célébration d’une histoire et d’une culture communes ;
  • une obligation mutuelle d’entraide, soutenant la relation sur le long terme ;
  • une co-création de valeur.

L’Europe institutionnelle, un épouvantail à communautés

Premier résultat de leur enquête, l’impossibilité de créer une communauté de marque autour de l’Europe institutionnelle :

  • aucune émotion pour faire rêver au « pays des technocrates » ;
  • aucune réappropriation d’un projet d’ailleurs mal défini et de toute façon frappé par le déficit démocratique ;
  • aucune incarnation d’un leadership légitime pour parler au nom de l’Europe ;
  • aucune segmentation des cibles à l’échelle d’un continent aussi divers ;
  • aucune coordination des relais de toute façon défaillants (les médias, les élus, les enseignants).

L’Europe expérientielle, comme expérience au quotidien

Second résultat de leur enquête, la possibilité de développer une communauté de marque autour de l’Europe expérientielle :

  • adhésion par les expériences vécues de l’échange et de la diversité (programmes de mobilité, vie associative, multilinguisme…) ;
  • utilisation des produits comme bénéfices concrets et tangibles (l’euro, des fruits et légumes sains et abordables…) ;
  • appropriation par des récits plaçant le citoyen au centre et partagés entre citoyens ;
  • fidélisation par un lien sensible et affectif conciliant « moi-je » et « moi-nous ».

Recommandations pour fédérer une communauté de marque autour de l’Europe expérientielle :

  • susciter l’apparition de tribus européennes (lien éphémère et implication multi-niveau) à partir des expérimentations des produits
  • favoriser la mobilité et les échanges (jumelages des villes et des écoles, événements culturels) ;
  • densifier le réseau associatif autour d’une plateforme collaborative afin d’une part, de renforcer la visibilité des associations pour en faire des marques reconnues et d’autre part, de concrétiser et récompenser les collaborations de bénévoles ;
  • raconter des « histoires » afin de créer du sens et du lien avec une production audiovisuelle européenne concentrée sur la vie des Européens ;
  • réconcilier les deux Europe avec une communication tissant le lien entre les tribus et l’Europe institutionnelle et permettant d’affirmer que ces expériences ont été rendues possibles par la marque Europe.

Un mémoire (PDF) de grande valeur pour davantage porter notre regard sur cette Europe expérientielle.

Compte-rendu du Petit-déjeuner Débat de la Sorbonne au Sénat : « Et si l’Europe était une marque… » : quelles sont les promesses de l’Europe ?

Ce matin, les étudiants du master « Communication Politique et Sociale » ont organisé au Sénat un « Petit-déjeuner Débat de la Sorbonne » sur le thème « Et si l’Europe était une marque… » (voir le dossier de presse)…

Intervention de Noëlle Lenoir, ancien ministre des Affaires européennes : « l’Europe n’est pas populaire parce qu’elle ne parle pas au cœur »

Le constat sur la « fracture européenne » demeure :

  • l’Europe est perçue comme élitiste et suscite des réactions populistes ;
  • l’Europe déploie une transparence technocratique et non démocratique ;
  • l’Europe est le bouc-émissaire facile des responsables politiques nationaux ;
  • l’Europe est frappée par l’insuffisant leadership institutionnel.

Pourtant, l’Europe est un héritage porté par une mémoire collective forte et un destin séculaire qui réalise de nombreux projets.

Quels sont les vecteurs d’une meilleure communication ?

  • l’éducation pour donner les moyens de décoder les messages ;
  • la formation, notamment dans les écoles de journalisme ;
  • la télévision pour toucher la population ;
  • l’Internet, espace sans frontière géographie et sans barrières sociales.

S’il fallait donner une promesse à l’Europe : « tous ensemble en avant » pour faire vivre les valeurs de solidarité et de fraternité.

Intervention de Fabienne Keller, Sénateur du Bas-Rhin : « ce qui est acquis en Europe n’existe plus »

Pour les citoyens, l’acquis de la construction européenne est oublié dès qu’il n’est plus menacé.

L’Europe, c’est comme le vélo, si l’on arrête, on tombe.

S’il fallait une promesse ? La mobilité heureuse : les gares sont les lieux où l’on s’embrasse le plus.

Intervention de Nicolas Vanbremeersch (Versac) : « s’abriter derrière les marques des programmes concrets pour communiquer des expériences fortes »

Retour sur les fondamentaux du marketing pour décrypter la « marque Europe » :

  • l’objectif d’une marque, c’est de fabriquer une différence : pour l’Europe, quelle est-elle ?
  • le bénéfice d’une marque, c’est de créer du lien : pour l’Europe, quel est-il ?
  • l’utilité d’une marque, c’est de rassurer et de se reconnaître, quid pour l’Europe ?

Quelles solutions ?

  • développer un nouvel imaginaire autour de l’Europe qui protège pour fédérer les Européens ;
  • développer un réseau d’utilisateurs de l’Europe autour d’une expérience forte telle que la mobilité ;
  • développer une communication concrète autour des programmes plutôt qu’autour des valeurs.

Intervention de Renaud Soufflot de Magny, Chef de la représentation permanente de la commission européenne à Paris : « réfléchir sur le « branding » de l’Europe pour réconcilier les Européens avec l’UE »

Les enseignements des Eurobaromètres :

  • il n’y a pas d’europhobie mais de l’indifférence, sauf chez les plus jeunes et les plus âgés ;
  • si l’Europe était une personne, elle serait un Monsieur bedonnant qui radote pour les femmes mais un adolescent qui se cherche pour les hommes.

Les pistes de la communication européenne :

  • changer d’attitude : cesser de rougir sans cesse, mais s’affirmer ;
  • accepter la différence entre les temps des médias et du politique et arriver à dramatiser les processus institutionnel ;
  • composer avec la culture du consensus, forte au sein des institutions ;
  • se montrer modeste (la Commission européenne dispose d’une budget de 50 cents par citoyens et par an) ;
  • jouer avec les démultiplicateurs d’opinion, que sont les responsables politiques ;
  • personnaliser les prises de paroles, notamment à l’échelle locale ;
  • revitaliser avec davantage d’émotion, comme avec le clip « let’s come together ».

La promesse de l’Europe ? Sa devise : « Unie dans la diversité ».

Intervention d’Olivier Le Saec, Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille : « cesser l’approche positiviste de l’utopie d’une communication résolvant tous les problèmes de lien social »

Toute la politique de communication de l’UE repose sur une approche positivisite qui estime que la communication peut résoudre tous les problèmes de lien social.

La communication révèle des problèmes non résolus.

Les Etats-membres, les collectives territoriales, les élus qui ne communiquent pas assez sur l’Europe n’appliquent pas le principe de subsidiarité qui consisterait à ne laisser l’Europe communiquer que quand ils ne peuvent pas le faire.

La promesse de l’Europe : une communauté de destin face au néant.

Petit-déjeuner Débat de la Sorbonne au Sénat : « Et si l’Europe était une marque… »

Invité par les étudiants du master « Communication Politique et Sociale » à animer le « Petit-déjeuner Débat de la Sorbonne » : « Et si l’Europe était une marque… » organisé ce matin au Sénat, je publie le document que j’avais rédigé pour présenter le sujet avant de revenir plus longuement sur un compte-rendu à proprement dit…

D’où vient cette idée – à la mode – de mélanger marketing et Europe ?

Particulièrement à la mode, notamment avec la « marque France », le souhait des étudiants de sortir des sentiers battus (cf. les lieux communs du déficit démocratique et de la « fracture européenne » pour reprendre le titre du rapport Herbillon) pour tenter d’appliquer les concepts et les outils du marketing aux administrations publiques s’expliquer par la conjonction de 2 tendances fortes, que nous connaissons tous :

1. désacralisation de la parole publique

  • Nouvelle exigence de la communication publique : la proximité, il n’y a plus de piédestal,
  • Nouvelle approche par population de citoyens-usagers en fonction de leurs attentes.

2. évolution récente du marketing rend possible se rapprochement

  • passage d’une logique « produit » (la consommation de masse et la pub-réclame) à une orientation « relation-client » (la co-création de valeurs).

Qu’est-ce que ça donne pour la « marque Europe » ?

Il s’agit de poser rapidement quelques constats tirés d’un dossier spécial dans Stratégies n°1546 du 21 mai 2009 « l’Europe, une image de marque à revitaliser » :

Des bénéfices client… insuffisamment populaires

  • l’Europe ne mobilise qu’une cible aisée et âgée
  • il suffit de penser à l’abstention aux élections européennes

Des valeurs européennes… insuffisamment porteuses

  • « la paix, c’est comme vendre des frigos à des eskimos », sénateur Jean-Claude Gaudin
  • l’Europe de Bruxelles reste encore parfois une marque bouc-émissaire

Une personnalité… qui n’est même plus incarnée par des symboles, retirés du traité de Lisbonne

  • la complexité du mode de fonctionnement de l’UE rend la communication européenne quasi uniquement « BtoB », entre spécialistes
  • l’Europe n’a pas d’émetteur unique

Le Parlement européen a tenté d’introduire le concept de marque pour résoudre le problème identifié par George Lewi, auteur du livre « l’Europe, une mauvaise marque » :

  • proposition de résolution du Parlement européen en avril 2005 sur la mise en œuvre de la stratégie d’information et de communication de l’Union européenne : l’objectif de consacrer une partie des moyens d’information à la promotion de la « marque » Europe » n’a finalement pas été conservé dans la résolution finale ;
  • résolution sur le projet de budget général de l’Union européenne pour l’exercice 2009 : l’objectif prévoyant de débloquer 6 millions d’euros lorsque la Commission européenne définira une «marque UE» reconnaissable qui pourra être utilisée par la Commission en matière de communication n’a finalement pas été mis en œuvre.

Conclusion, celle du dossier Stratégies, la « marque Europe », il s’agit d’un « chantier titanesque mais indispensable ».

Quels sont les différents contenus et les stratégies de communication associées de la marque UE sur le web ?

Face au « rapprochement (que permet le web) entre les logiques de contenus et les logiques médias, puisque sans média, le contenu n’a pas de valeur et sans contenu le média ne sert à rien », la lecture de « Why Brands are Becoming Media » de Brian Solis nous avait conduit en février dernier à nous demander si « la marque UE peut devenir un média dans le web social ? ». Les récentes réflexions de Grégory Pouy sur « les différents contenus qui constituent une marque » (sur le web) nous invite à préciser les stratégies que l’UE pourrait adopter selon chaque type de contenus…

Voici une présentation synthétique des 6 types de contenus d’une marque sur le web et de leurs stratégies de communication associées selon Grégory Pouy :

1. Le contenu généré par la marque sur son site web : SEO + SEA

Au-delà de la production de contenus proprement dite – quoique ces contenus soient jugés les moins crédibles par les internautes – la stratégie consiste à « travailler le SEO (référencement naturel), le SEA (référencement payant) et de mettre en place une stratégie de nom de domaine afin que ces contenus soit visibles au maximum ».

2. Le contenu créé par les internautes et contrôlé par la marque sur son site : community management réactif

À travers des outils communautaires sur le site, notamment les commentaires, la stratégie consiste à « les modérer par du community management réactif ».

3. Le contenu créé et contrôlé par la marque hors du site : SMO + community management proactif

Au-delà de la visibilité de la marque dans Google, la stratégie consiste à « développer la présence de la marque dans les autres espaces du web (moteur de recherche vidéos, photos, présentation powerpoint…) » en particulier dans les réseaux sociaux tels que Facebook, Myspace ou Twitter à travers du SMO (Social média optimisation) ainsi que du community management proactif pour mettre à jour de manière régulière et rendre visibles les contenus de la marque sur ces plateformes.

4. Le contenu créé par les utilisateurs et relativement contrôlé par la marque : UGC + RP digitales

À travers des opérations visant à « mettre en place des opérations UGC (User generated content) ou des RP digitales avec des blogueurs », la stratégie consiste à influencer les contributions non rémunérées des internautes, des contenus forcément plus crédibles auprès de leurs pairs.

5. Le contenu créé et contrôlé par les internautes : monitoring + social média crise management

Correspondant à « la plus grosse masse de contenus générés sur les blogs, Twitter, les sites d’avis, comparatif, forums et autres… » ainsi que par les salariés même de la marque, la stratégie consiste à rester en veille et à gérer les éventuelles crises de l’e-réputation de la marque dans les médias sociaux.

6. Le contenu généré par les médias (traditionnels)

Correspondant aux retombées presse web et print, ce type de contenus n’est pas à négliger – ne serait-ce parce qu’il est« sans doute l’un des plus regardés par les dirigeants aujourd’hui ».

Ainsi, à travers cette présentation des types de contenus et des stratégies associées se dégage un ensemble d’actions concrètes que la marque UE pourrait judicieusement adopter.

Quel est l’ADN de la marque UE ?

En vue de véritablement manager la marque UE, il convient de mieux connaître l’ADN de la marque UE. Petite tentative en 3 étapes à partir de la récente étude « La marque France vue par les Français : Radioscopie d’un complexe »…

Étape 1 : identifier les avantages compétitifs et recenser les codes signifiants

D’une part, il n’y a pas de grande marque sans fierté d’appartenance, qui ne peut reposer ni sur l’imitation ni sur l’occultation. Il faut donc identifier les avantages compétitifs de la marque, notamment à travers une enquête d’opinion sur les points forts et les points faibles.

Pour l’UE, les critiques n’ont jamais été aussi bien décrites que dans le rapport Herbillon « La fracture européenne – Après le référendum du 29 mai 2005 : 40 propositions concrètes pour mieux informer les français sur l’Europe » :

  • Pour les citoyens, « l’Europe, c’est compliqué et loin »
  • Pour les élus, « l’Europe ne fait l’élection »
  • Pour les médias, « l’Europe ne fait pas vendre »

Plus largement, les enjeux de la marque UE peuvent se résumer à :

  • L’Europe, une nécessité économique, voire même une fatalité ?
  • L’Europe, un bouclier culturel, voire même un contre-modèle ?
  • L’Europe, une perte d’identité, voire même une menace technocratique ?
  • L’Europe, une valeur d’usage et d’échange pour le voyageur-consommateur ?

D’autre part, il n’y pas de grande marque sans des codes puissants. Il faut donc recenser la diversité des signes de la marque, notamment à travers une veille.

Pour l’UE, les symboles – pourtant retirés du texte du traité de Lisbonne – sont pour la plupart connus et reconnus :

  • Le drapeau, représentant un cercle de 12 étoiles d’or sur fond bleu ;
  • La devise, « unie dans la diversité » ;
  • L’hymne, tiré de l' »Ode à la joie » de la Neuvième symphonie de Beethoven ;
  • La Journée de l’Europe, le 9 mai ;
  • L’euro, la monnaie commune…

Étape 2 : formuler et expliciter les fondamentaux de la marque = la plateforme de marque

La plateforme de marque précise :

  • Vision : comment la marque voit le monde qui l’entoure et les grands enjeux aujourd’hui et demain ?
  • Mission : quel est le rôle que la marque se donne pour incarner cette vision ?
  • Ambition : quel est le projet associé à cette mission ?
  • Valeurs : quel est ce sur quoi la marque ne transigera pas ?

Pour l’UE – à ce stade de la réflexion – nous n’en sommes qu’à des conjectures :

  • Vision « française » d’un monde multipolaire ou « anglo-saxonne » d’un marché mondialisé ?
  • Mission régulatrice faite d’harmonisation intérieure et de pacification internationale ?
  • Ambition : une Europe puissance ou une Europe marché, grande Suisse libre-échangiste et pacifiste ou une Europe concrète, intervenant dans la vie quotidienne des citoyens ?
  • Valeurs : aucune valeur en propre mais les valeurs de l’humanité : la paix, les droits de l’homme…

Étape 3 : codifier et créer un territoire de communication non préempté = le concept créatif

Inspirer la création : faire rayonner la marque avec ses symboles (charte graphique : couleurs, images, signes, typographies…) Dynamiser l’expression : raconter la marque avec ses messages clés (charte de langage, plan éditorial…)

Pour l’UE – à ce stade – les chartes de communication sont encore trop différentes entre les différents émetteurs européens, nationaux ou locaux.

Ainsi, un travail approfondi sur l’ADN de la marque UE serait particulièrement utile pour mieux communiquer sur l’UE.