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Parler d’Europe, ce n’est pas excuser l’Union européenne

Intervention un peu poil à gratter au colloque « Comment parler d’Europe ? », de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe de Richard Werly, correspondant de la presse suisse en France, qui vient de passer du côté obscur de la force en passant du journal, l’institution Le Temps très respectable à la presse populaire alémanique avec le média en ligne Blick, là où le débat sur l’Europe avec le public est le plus vif…

Le débat sur l’Europe, c’est aussi dans les médias populaires, y compris les réseaux sociaux

C’est dans les médias populaires, y compris les réseaux sociaux, que sont les audiences massives, loin des élites, qui doivent reconquérir le peuple et réinvesti ces médias populaires. C’est la seule bataille qui compte, tenir bon sur cette crête populaire pour refonder la légitimité des politiques publiques européennes. Il faut parler de l’Europe au présent, pas au conditionnel.

Parler d’Europe, c’est parler de nous

D’abord, comment parler d’Europe, c’est se poser la question de pourquoi on devrait en parler. Parler d’Europe, c’est simplement parler de nous, parce que de toute façon l’Europe, c’est nous. Il faut que le public se réapproprie la notion d’Europe, parce que le succès des anti-Européens ont dissocié l’Europe de nous. Il faut reprendre les choses à la base, l’Europe, c’est nous.

Répondre aux critiques, sans esquiver

Ensuite, c’est à qui parler d’Europe, on ne pas parler à tout le monde en même temps, il faut cibler les messages et sur quoi s’appuyer. Avec la vague de la pandémie et l’Ukraine, c’est une opportunité, une chance historique de reparler d’Europe, c’est le moment d’en parler.

Ce n’est plus le sujet de parler aux élites, il y a assez de think tanks ; les journalistes, c’est au grand public qu’il faut parler. Les pro-Européens ont eu tendance à avoir peur du débat, parce qu’ils s’en sortent mal, leurs arguments sont moins simples, moins convaincants. Il faut réinvestir la scène, il faut tenir pour répondre aux critiques, sans esquiver, prendre les questions telles qu’elles sont.

Ne pas chercher à excuser l’Union européenne

Enfin, parler d’Europe, ce n’est pas excuser l’Union européenne. Le pire des travers, c’est de penser qu’il faudrait excuser l’Union européenne, si l’UE c’est le camp du bien, le débat est perdu d’avance. Il ne faut pas tomber dans ce travers.

Jean Quatremer avait publier un livre « Les salauds de l’Europe », il avait raison, la cause européenne a été captée par une minorité qui a pris à son profit la cause européenne, défendent leur intérêt plutôt que l’intérêt général européen. Le pire, c’est de toujours chercher à excuser l’Europe.

L’Europe n’est pas bêtement un projet qui doit protéger

Un autre concept, mis en avant par les politiciens, que l’Europe doit protéger. Ce n’est pas son rôle. Le projet européen vous fait passer du lac à l’océan. C’est une idée extrêmement perverse. Les gens vont chercher les indices de protection maximale. Mais, le projet européen est insécurisant, au quotidien, parce qu’il complique les choses. C’est une idée dangereuse, l’Europe nous protègera à terme, mais elle ne tranquillise pas.

D’autant que, l’Europe a davantage protégé les libertés, même si toutes les normes, pour réguler sur les médias sociaux, qui procèdent d’une bonne volonté peuvent à terme réduire la liberté d’expression. Le processus européen protège les démocraties, mais pas partout tout le temps, songeons à la Hongrie. De même pour les agriculteurs et les industriels.

Règles du journaliste européen : loin de Bruxelles, opportuniste et tenace

Trois modes d’emploi pour mieux parler d’Europe :

  1. Un correspondant à Bruxelles, c’est indispensable, à condition qu’il ne reste pas sur place, il ne faut surtout pas rester, il faut faire le tour des capitales, à l’époque des sommets européens dans les États-membres, la caravane journalistiques européenne avait du bon. C’est une déperdition d’être correspondant auprès des institutions européennes, plus vous vous en approchez, plus vous êtes irradié et risquez de devenir anti-européen, il faut sortir de la machine bruxelloise.
  2. Il faut être opportuniste, il faut savoir saisir les bons moments, il faut trouver les bonnes circonstances et les bons mots. L’Europe, il ne faut le répéter à tout moment, il faut le dire au bon moment.
  3. Comme les diplomates, il faut de la ténacité. Il faut être capable de traverser des déserts, comme le disait Jean Monnet, « ce qui est important, ce n’est pas d’être optimiste ou pessimiste, c’est d’être déterminé, il n’est de défaite que celles que l’on accepte ».

« Collection européenne » : regards croisés des Européens sur des sujets actualité, politique et société

Avec la « Collection européenne », cinq chaînes publiques européennes (ARTE, l’ARD, la ZDF, France Télévisions et la SRG SSR) s’associent afin de proposer une sélection commune de contenus (documentaires, reportages et magazines disponibles gratuitement en ligne) sur des sujets d’actualité, de politique et de société…

Donner à voir le point de vue du voisin européen sur des sujets contemporains

Comment nos voisins européens appréhendent-ils les questions urgentes auxquelles nos sociétés sont confrontées ? Quels sont les sujets qui les préoccupent ? Qu’en est-il de la place des jeunes en Europe ?

Comment sont traitées ici et là ces questions, la Collection européenne invite à découvrir, en proposant un point de vue européen sur des sujets contemporains.

Une offre multilingue, gratuite en ligne pour tous les Européens

Le catalogue commun, disponible en Europe, propose gratuitement et en cinq langues (français, allemand, anglais, espagnol et italien) des documentaires, reportages et magazines européens à retrouver sur chacune des offres numériques des partenaires (site internet, applications, Smart-TV) : arte.tvfrance.tvardmediathek.dezdf.de et Play Suisse.

Un financement de l’Union européenne

Le soft launch en 2020 a été rendu possible grâce à un cofinancement dans le cadre du volet MEDIA du programme Europe Créative.

Depuis 2021, la Collection européenne bénéficie d’un financement européen de 2.5 millions d’€ pour poursuivre cette offre commune de vidéo à la demande de moyenne durée, de documentaires approfondis et de rapports d’enquête sur les questions européennes actuelles, mise en œuvre par les télédiffuseurs.

« Vue d’Europe » : l’intelligence artificielle au service d’une perspective européenne dans l’information en ligne des médias de service public

L’Union européenne de Radio-Télévision (UER), la plus grande alliance de médias de service public dans le monde, lance l’initiative baptisée « Une perspective européenne », qui a vocation à édifier une sphère publique propice à une information digne de confiance, dans un espace médiatique turbulent, et fondée sur des valeurs communes. De quoi s’agit-il ?

Un service de recommandation aux publics européens : une référence et un repère pour poser un regard neuf sur leurs sujets de préoccupation communs et leurs intérêts mutuels

Les médias de service public membres de l’UER de Belgique (RTBF), de Finlande (YLE), de France (France Télévisions), d’Allemagne (BR-ARD), d’Irlande (RTÉ), d’Italie (RAI), du Portugal (RTP), d’Espagne (RTVE) et de Suisse (SWI swissinfo.ch), ainsi que par ARTE, chaîne franco-allemande, mettent des contenus d’actualité produits et édités à disposition.

Les rédactions participantes sélectionnent ensuite les sujets les plus pertinents traduits dans toutes les langues pour leurs publics et les publient au moyen d’une vignette interactive présente sur leurs sites web et applications, permettant de dépasser les barrières linguistiques et de proposer des contenus fiables.

Les contenus doivent aborder des thèmes évocateurs pour l’ensemble des Européens et servir à informer et à expliquer l’impact des politiques, des décisions et des actions des institutions et des gouvernements européens, et à évaluer dans quelle mesure celles-ci, en favorisant le développement des principes européens fondamentaux, influant sur la vie.

Les médias de service public utilisant le service de recommandations doivent adhérer aux principes de la diversité et de l’inclusion, garantir que les contenus d’actualité font entendre des voix, des opinions et des témoignages personnels reflétant la totalité du paysage social européen, y compris ceux des groupes vulnérables ou marginalisés.

Les contenus doivent être soumis à des processus éditoriaux indépendants et à l’obligation de rendre compte. Ils doivent être exacts et pertinents, justes et respectueux, en particulier de la dignité humaine et de la diversité de pensée.

Des résultats concrets de ces mises à la disposition du public en ligne, en temps réel et dans leurs propres langues d’un point de vue européen sur la couverture de l’actualité réalisée par les audiovisuels publics européens

Inaugurée en juillet 2021, la première phase de cette initiative réunissant 11 médias audiovisuels publics, ont partagé des informations professionnelles et dignes de confiance, en provenance de l’Europe entière, au cours des 8 premiers mois :

  • Plus de 6 500 sujets d’actualité partagés sur les sites web, dont 5 400 ont été repris par leurs homologues de rédactions réparties à travers toute l’Europe, et publiées sur les sites web de services publics audiovisuels nationaux ;
  • Plus de 45 millions de vues des reportages proposés par « Vu d’Europe », ces sujets et reportages inédits ont engendré de surcroît près de 100 millions d’impressions.

La deuxième phase du projet, qui devrait durer 14 mois, innove avec un déploiement dans les médias sociaux avec une nouvelle stratégie permettant de renforcer la participation du public et de toucher les plus jeunes et de donner aussi le coup d’envoi du développement d’un algorithme de journalisme de service public.

Le recours à l’intelligence artificielle vise à renforcer la pertinence et la diversité de l’information en fonction du public cible, à l’aide de la traduction automatique, de la transcription textuelle et des outils de recommandation :

  • L’intelligence artificielle au service de la traduction : il sera clairement indiqué qu’un sujet d’actualité a été traduit, en tout ou en partie, au moyen d’algorithmes, par le biais d’une mention telle que « traduit par IA » ;
  • L’IA au service de la sélection des sujets : en cas de sélection automatique des sujets, en tout ou en partie, au moyen d’algorithmes, une note en fera également mention : « sélection effectuée par IA ».

Le projet « Vu d’Europe » bénéficie d’une subvention du programme Actions multimédias de la Commission européenne ; les médias audiovisuels participants assument les coûts de production du contenu et conservent un contrôle éditorial total sur leurs sujets.

Cette perspective européenne constitue une initiative pionnière en utilisant des outils de traduction et de recommandation automatiques et des infos des médias audiovisuels publics permettant d’ouvrir de nouvelles fenêtres paneuropéennes à suivre.

European Video Alliance : l’actualité européenne, par des agences de presse, en vidéos

Avec comme « objectif principal de fournir un contenu objectif et informatif de haute qualité (en vidéo) provenant du monde entier », EVAnews pour « European Video Alliance » promet un « regard neuf sur l’actualité européenne »…

EVAnews, une alliance d’agences de presse européennes pour produire des contenus d’actualité vidéo originaux en huit langues

Cet été, la plateforme EVAnews a été mise en ligne avec une volonté « ouvrir les questions qui comptent pour les Européens et les histoires qui les rassemblent » et « diffuser des reportages en 8 langues sur des sujets qui interpellent, inquiètent ou ravissent les Européens » autour de catégories comme : International, Politique, Culture, Union européenne, Économie, Sport, Société et Événements.

Avec « la naissance d’une étoile », leur vidéo de lancement, pour laquelle Lacomeuropéenne a été interviewée, l’« un des sujets concerne la communication même des institutions. Aujourd’hui, certains dénoncent une Europe déconnectée des réalités du terrain, du quotidien des populations de ses États membres. Et pourtant, l’UE communique de plus en plus, partage de plus en plus et prend de plus en plus en considération les besoins et les aspirations de ces citoyens ».

EVAnews est le fruit d’une collaboration active entre 6 agences de presse européennes :

  • Adnkronos, Italie
  • ColoSoftwares, Inthe News Services et Belga, Belgique
  • CTK, République tchèque
  • Deutsche Presse Agentur, Allemagne
  • Europa Press, Espagne

EVAnews, un soutien de la Commission européenne pour des plateformes médiatiques européennes

Le soutien aux plateformes médiatiques s’inscrit dans le cadre de l’initiative NEWS du plan d’action de la Commission pour les médias et l’audiovisuel en faveur de la collaboration et de l’innovation dans les médias d’information via un soutien de l’UE pour améliorer l’accès des citoyens à des informations de confiance dans l’ensemble de l’UE en mettant en place et en développant des projets de plateformes médiatiques européennes.

EVANews, l’alliance européenne de l’information européenne vidéo, dont le montant du financement de l’UE s’élève à 1.2 millions d’€, réunit des agences de presse et des organes de production d’informations afin de mettre en ligne sur un portail des vidéos originales traduites dans huit langues couvertes sont l’anglais, l’allemand, le français, le néerlandais, l’espagnol, le catalan, l’italien et le tchèque.

Quoique la visibilité d’EVANews soit encore très réduite en ligne, puisqu’aucun contenu n’apparaît encore dans la rubrique « Actualités » de Google et qu’EVANews ne semble présent pour le moment sur aucun réseau social, il n’en demeure pas moins un vrai potentiel d’attractivité pour le grand public.

Communiqués de presse de la Commission européenne : un style de communication technocratique

Avec une analyse textuelle de près de 45 000 communiqués de presse publiés par la Commission européenne au cours des 35 dernières années d’intégration européenne, Christian Rauh dans « Clear messages to the European public? The language of European Commission press releases 1985–2020 » confirme un style de communication extrêmement technocratique…

Enseignements relatifs aux communiqués de presse de la Commission européenne

Premièrement, cette communication publique est notablement plus difficile à comprendre que la communication politique des exécutifs nationaux et ressemble plutôt à un discours scientifique ; alors qu’un communiqué de presse reflète l’équilibre choisi par la Commission entre les considérations politiques et de communication et est destiné à influencer et à façonner le débat public.

Deuxièmement, ce mode de communication technocratique est indépendant des sujets politiques sur lesquels la Commission communique ; la communication publique de la Commission est presque toujours moins accessible, que l’on s’intéresse à la complexité du langage, à la familiarité des mots et, en particulier, à l’expression de l’action.

Troisièmement, ces constats n’ont guère changé au cours des 35 ans, une période au cours de laquelle les compétences politiques de la Commission et la politisation publique de l’UE ont considérablement augmenté.

Le message est clair. La communication publique de la Commission se caractérise par un langage grammaticalement complexe, par un jargon spécialisé et par un style inhabituellement nominal plutôt que verbal qui privilégie les processus abstraits aux plans d’action temporellement identifiables.

Pathologies du discours technocratique dans la communication de la Commission européenne

Essentiellement, la non-clarté du langage des communiqués de presse de la Commission européenne réside dans un triple déficit :

– Déficit d’accessibilité linguistique : une langue qui n’est pas assez accessible ;

– Déficit de vocabulaire familier : une utilisation de jargon trop spécialisé ;

– Déficit d’orientation vers l’action : une faible clarification et forte nominalisation à la place des verbes.

Le style de communication technocratique que cultive la Commission est probablement bien adapté pour s’adresser à ses acteurs traditionnels et hautement spécialisés que sont le Conseil, le Parlement européen ou les groupes d’intérêts sectoriels.

Mais, dans un contexte où l’opinion publique sur l’UE se polarise, c’est au moins une occasion manquée : ce style réduit la probabilité qu’un journaliste transmette le message, laisse une marge d’interprétation et de cadrage à d’autres acteurs, et diminue les chances que les citoyens comprennent comment la Commission utilise ses pouvoirs politiques.

Pourquoi la Commission européenne souffre d’un remarquable « déficit de communication » comportemental ?

Plusieurs hypothèses restent à creuser :

Premièrement, la communication de la Commission peut être liée à des identités organisationnelles profondément enracinées et à un problème de confiance en soi dans un contexte politisé.

Deuxièmement, la communication complexe de la Commission peut également être fonction de luttes intestines bureaucratiques et de recherche de consensus entre différents intérêts et positions politiques au sein de l’organisation elle-même.

Troisièmement, une communication complexe peut indiquer une prudence stratégique et une gestion des risques institutionnels, en particulier dans des contextes de conflits prononcés au sein du Conseil des ministres ou du grand public.

Obscurcir délibérément les positions politiques serait alors une tentative de désamorcer les débats controversés.

Reste que la communication de la Commission ne s’est pas adaptée aux débats publics de plus en plus politisés sur la gouvernance à plusieurs niveaux dans l’Union européenne et sur la prise de décision européenne à la lumière de débats publics de plus en plus controversés

Le style de communication technocratique fait trop facilement le jeu de ceux qui veulent construire l’image d’une élite bruxelloise détachée du citoyen européen.