Les valeurs européennes peuvent-elles être un levier de l’européanisation de la communication des universités françaises ?

Invité par Comosup, l’association des communicants des universités à intervenir lors de leur Rencontre dédiée à « Pourquoi et comment intégrer l’Europe dans nos stratégies de communication ? », Lacomeuropéenne a débattu avec Mathilde Bégrand, responsable du pôle enseignement supérieur au sein du département promotion de l’Agence Erasmus+ France des valeurs européennes comme levier dans la communication européenne des universités en France ?

Un alignement des valeurs entre l’Union européenne avec Erasmus, les universités et les jeunes européens

La devise « Uni dans la diversité » est la mieux incarnée et illustrée par le fameux programme Erasmus+ dont les valeurs répondent aux missions des universités de former des esprits ouverts à la diversité et susceptibles d’affronter les grands enjeux de société, de répondre aux défis contemporains, de transmettre des connaissances et de forger des compétences. Au travers de tous les projets de mobilités, 76% des participants déclarent se sentir davantage liés à l’Europe et à une identité européenne, après leur retour de mobilité Erasmus.

Néanmoins, les valeurs européennes ne sont malheureusement plus forcément consensuelles. Alors que l’Europe, c’est la rencontre des idées, le refus du repli sur soi, l’héritage des Lumières, la curiosité intellectuelle et l’esprit critique, la poussée populiste, les tentations illibérales et les pressions sur les espaces publics nationaux via des campagnes de manipulation de l’opinion et des ingérences de puissances étrangères sont autant de menaces qui pèsent en particulier sur les jeunes.

Pour autant, les jeunes européens, interrogés par le think tank Debating Europe à travers le projet « Voices for choices » dessine un paysage nuancé. Certes le scepticisme contre la politique, la suspicion contre les médias et la méfiance contre les institutions existent. Mais les jeunes ne sont pas apathiques pour autant. Ce n’est pas une génération désengagée, c’est une génération engagée différemment, consciente du fossé entre rhétorique et réalité en quête de preuves plutôt que de promesses.

Les jeunes européens restent attachés aux processus démocratiques, même s’ils se méfient des politiciens. Ils sont passionnés par l’action climatique, l’équité et la sécurité, même s’ils ont le sentiment de ne pas être entendus. Ce sont des idéalistes pragmatiques, favorables à davantage d’autonomie, qui évaluent les problèmes, moins liés aux lignes des partis politiques et plus motivés par un impact tangible.

Les stratégies de communication inspirantes adoptées autour de l’Europe pour les nouvelles générations

Lacomeuropéenne explore la mue de la communication du Parlement européen qui tente de passer du monologue au dialogue citoyen ces 15 dernières années, une révolution silencieuse s’est opérée autour de 3 piliers :

  1. De la campagne éphémère lors des élections à l’infrastructure permanente : Le tournant majeur, fut la transformation de la plateforme thistimeimvoting.eu (2019) en together.eu. Plus qu’un changement de nom, c’est un changement de paradigme : d’un « one-shot » électoral à la construction d’une communauté soutenue dans une infrastructure (numérique et humaine) pour « tirer » de l’engagement.
  2. Des connections émotionnelles et expérientielles : Le Parlement européen investit de manière pérenne dans des dispositifs récurrents d’engagement avec les jeunes comme les European Youth Events, le programme des Ambassador Schools ou les centres Europa Experience qui tentent une forme de pédagogie ludique.
  3. L’art d’équilibrer cœur et raison : La communication du Parlement européen se veut également concrète, reposant sur les faits, déclinée à l’échelle individuelle avec l’excellent outil « What Europe Does For Me » qui tente de démontrer, chiffres à l’appui, l’impact concret de l’UE. L’émotion pour l’étincelle, le factuel pour ancrer la pertinence.

Mathilde Bégrand présente les démarches participatives de l’UE afin d’impliquer de manière active les citoyens européens dans les décisions/les plans d’action. Après les premiers « Youth Policy Dialogues » organisés dans les 100 premiers jours, la nouvelle Commission européenne lance une plateforme : « Votre voix, votre avenir : participez au débat en ligne ». Par ailleurs, un panel de citoyens européens a été organisé, pour la première fois, sur le futur budget à long terme de l’UE.

Cette année, le thème des « Erasmus Days », une initiative française qui est devenue un moment phare pour offrir une fenêtre sur le programme, porte sur les valeurs de l’UE : « Vivre nos valeurs, dessiner notre avenir » avec des milliers d’évènements partout en Europe (et au-delà) et concours vidéo : « Pitch ta valeur ».

En ce moment, les programmes « Choose Europe » et « Choose France » pour accueillir des scientifiques américains mettent en avant les libertés académiques depuis l’élection de Trump ainsi que le programme « Pause », porté par le Collège de France.

Mais, il ne faut pas négliger le contre-modèle hongrois : l’Université d’Europe Centrale, dite « Université européenne », financée par la fondation Open Society de George Soros a été fermée à Budapest, au profit d’une part du Mathias Corvinus Collegium financé par le parti Fides de Viktor Orban et l’arrivée de l’Université Fudan-Chine, le 1er campus chinois ouvert en Europe.

L’un des principaux défis potentiels pour les universités qui souhaitent intégrer les valeurs européennes dans leur communication est que le sujet International/Erasmus+/Valeurs européennes doit être intégré dans la stratégie de communication globale et ne pas être « le truc en plus ».

Comment communiquer sur le programme Erasmus ?

50% des freins sont liés à des problèmes de communication, entre trop d’infos confuses et pas assez d’infos utiles et trop souvent les mêmes et pas assez de nouveaux profils. Mathilde Bégrand estime que le levier européen du programme Erasmus n’est pas le seul point d’entrée pour la communication, plusieurs axes peuvent être développés :

  1. Susciter des mobilités au sein des personnels et pour les enseignants-chercheurs, c’est un apport professionnel et personnel, qui renforce le sentiment d’appartenance, c’est un outil pédagogique puissant pour la transmission des valeurs par l’expérience vécue, un « apprentissage par la pratique ».
  2. Valoriser l’engagement des personnels dans les projets pédagogiques, comme monter un master, lutter contre le décrochage scolaire, autant d’opportunités de financement européen.
  3. Développer l’engagement européen des établissements, en tant que source d’attractivité : la place dans le classement Développement durable des universités est une opportunité de candidatures.
  4. Travailler sur la reconnaissance des acteurs mobilisés, des résultats de recherche et des talents attirés.

Intégrer l’Europe dans les stratégies de communication des universités apparaît autant comme un impératif stratégique et budgétaire qu’une opportunité de rayonnement et d’attractivité.

L’influence, ADN de l’Europe, en mutation : l’UE face au grand réalignement informationnel

Le rapport « EU Media Poll 2025 » vient de tomber. Réalisé chaque année auprès des Key Opinion Formers à Bruxelles, c’est une boussole pointant vers des courants changeants. Quelles sont les tendances 2025 en matière d’information, d’influence et d’engagement sur les réseaux sociaux ?

Acte I : Le trône vacille, les barons de l’info en PLS ?

Le rapport est clair : les « grands classiques » comme POLITICO (69% d’influence perçue), le Financial Times (63%) et Reuters (62%) tiennent encore le haut du pavé. Ouf, l’ordre ancien n’est pas mort. POLITICO reste le chouchou, surtout pour son « accès insider » (50%) et sa « rapidité » (57%). C’est un peu le fast-food de luxe de l’info UE : rapide, efficace, mais laisse-t-il toujours le temps à la digestion et à la nuance ?

Cependant, attention au chant du cygne. L’influence de tous ces mastodontes décline par rapport aux années précédentes. POLITICO perd 5 points, le FT dégringole de 10 points, et The Economist, ce parangon de l’analyse, chute de 15 points ! C’est plus qu’une tendance, c’est un glissement de terrain.

Pendant ce temps, LinkedIn grimpe de 7 points pour s’asseoir à la table des grands avec 52% d’influence, une place acquise à la tête des médias sociaux. Et que dire de X (feu Twitter) ? Une chute vertigineuse de 15 points d’influence (à 43%) et une baisse de 12 points dans son usage hebdomadaire. C’est vraiment le moment de construire son influence ailleurs.

Aux États-Unis, si les médias traditionnels (NYT, WaPo) gardent une forte influence, la fragmentation est encore plus marquée avec une myriade de newsletters Substack, de podcasts indépendants et de commentateurs sur YouTube qui façonnent l’opinion. L’UE est-elle prête pour ce niveau de « désintermédiation sauvage » ?

Acte II : La quête de sens… et de vitesse (le paradoxe du sprinteur myope)

Pourquoi ces médias sont-ils « très influents » ? Pour le FT, c’est la « qualité de l’analyse ou de l’opinion » (67%). Pour Reuters, la « fiabilité » (66%). Pour POLITICO, la « rapidité » et l’ »accès insider ». On voit ici une tension fascinante : le besoin de profondeur face à l’urgence de l’immédiateté. Le rapport souligne que « l’accent mis sur l’immédiateté peut parfois se faire au détriment de la rigueur et de l’exactitude ». La course au scoop s’es intensifiée entre les grandes rédactions bruxelloises. C’est le dilemme de l’œuf ou de la poule : faut-il être le premier à dire une bêtise, ou le second à dire une vérité ?

Et comment consomme-t-on cette information européenne ? La lecture des sites d’information en ligne chute de 16 points (à 59%) ! Stupeur et tremblement. Les podcasts (+8 points) et les agrégateurs (+12 points) montent en flèche. L’ère de la curation personnalisée et de l’écoute nomade est bien là.

En Asie, des super-apps comme WeChat intègrent information, communication et services. L’Europe, avec son RGPD et sa culture de la spécialisation, peut-elle imaginer de tels écosystèmes intégrés sans sacrifier ses valeurs ?

Acte III : L’humain, toujours… mais moins qu’avant où le nouveau « café du commerce » numérique

Les relations personnelles et les contacts directs restent cruciaux (70% pour les collègues professionnels, 68% pour les contacts personnels). Mais attention, ces chiffres sont en baisse notable (respectivement -16 et -13 points !). Le « off » se numérise-t-il ? Les discussions de couloir se transforment-elles en échanges WhatsApp (toujours le plus utilisé à 65%, mais en baisse de 10 points) ou en messages LinkedIn ?

Pendant ce temps, Instagram (+6 points d’influence, +7 d’usage), TikTok (+11 points d’influence, +5 d’usage) et même Mastodon (+9 points d’influence) gagnent du terrain. L’image, la vidéo courte, le format « snackable » s’imposent. Doit-on s’attendre à un Commissaire européen faisant un « unboxing » de la dernière directive sur TikTok, ou un « story time » sur la politique agricole commune sur Instagram ? L’idée soulève une question fondamentale : comment toucher les citoyens (et les influenceurs de demain) là où ils sont, avec les codes qu’ils comprennent ?

Les dernières campagnes politiques ont toutes parfaitement maîtrisé l’art de créer une connexion « authentique » via les réseaux sociaux, en adaptant le message à chaque plateforme. L’UE, souvent perçue comme distante, a un défi immense à relever.

La vision stratégique : l’UE, l’influenceur des influenceurs (et pas seulement à Bruxelles)

Face à ce tableau, que faire ? Se lamenter sur la fin de la « belle époque » ? Certainement pas. Il est temps d’adopter une posture d’humilité, de curiosité et d’audace.

Devenir un polyglotte numérique : Il ne suffit plus de parler le langage de POLITICO. Il faut maîtriser les codes de LinkedIn (professionnel, réseau), d’Instagram (visuel, narratif), de TikTok (court, viral, authentique), des podcasts (intime, approfondi). Cela ne veut pas dire transformer chaque fonctionnaire en star des réseaux, mais d’identifier les bons canaux et les bons formats pour les bons messages et les bonnes cibles.

L’authenticité, l’arme de construction massive : Les « influenceurs » (au sens large) sont en quête de sens, de fiabilité, mais aussi d’une connexion humaine. L’UE doit incarner ses messages. Moins de jargon, plus d’histoires. Moins de process, plus d’impact visible. Les « insider access » de POLITICO sont précieux, mais l’ »outsider understanding » pour le citoyen l’est encore plus. La perception d’une « bulle bruxelloise » est tenace. LinkedIn est très influent chez les « Brussels opinion formers » (65%). Comment s’assurer que ce n’est pas un simple entre-soi numérique ?

La « coopétition » intelligente : Les médias traditionnels déclinent mais restent forts. Il faut continuer à travailler avec eux, mais aussi investir dans ses propres canaux et soutenir l’émergence de nouvelles voix européennes indépendantes et de qualité. Comment former les créateurs de contenu aux enjeux européens ?

L’art de la conversation : Même si les médias sociaux ont largement investi dans la dimension médiatique via la visibilité, particulièrement payante, la partie sociale organique et communautaire demeure. Il faut écouter, interagir, répondre. Le « community management » n’est pas une tâche subalterne, c’est le cœur du réacteur de l’influence moderne. Les médias sociaux en tant source d’influence sont encore relativement faibles (39%), ils devraient se développer à condition de les utiliser non comme des panneaux d’affichage mais des salons de discussion.

Embrasser la « Creator Economy » européenne : Il existe des milliers de créateurs de contenu talentueux à travers l’Europe. Collaborer avec eux (pas seulement les « gros » influenceurs, mais aussi les micro et nano-influenceurs spécialisés) peut démultiplier la portée des messages européens de manière crédible et ciblée.

Le courage de l’expérimentation (et du droit à l’erreur) : Le paysage médiatique évolue plus vite qu’auparavant, avec des mouvements à plus de 10 points d’écart en un an seulement. Il faut oser tester de nouveaux formats, de nouvelles plateformes, quitte à se tromper parfois. L’innovation ne naît pas de la peur de l’échec.

L’enquête « EU Media Poll 2025 » est une invitation à repenser nos certitudes, à affûter nos outils, et surtout, à rallumer la flamme de la narration européenne. L’UE, c’est une histoire et pour bien la raconter en 2025, il va falloir changer de disque… ou du moins, ajouter quelques pistes à la playlist pour swiper, liker, podcaster et « tiktoker » l’Europe. Si nous ne le faisons pas, d’autres s’en chargeront. L’influence, comme la nature, a horreur du vide.

Européanisation des universités : pourquoi et comment intégrer l’Europe dans les stratégies de communication ?

Au cœur des enjeux de l’enseignement supérieur et de la recherche aujourd’hui, se trouve une injonction nouvelle et forte à la coopération européenne et à l’internationalisation des universités, en termes de mobilité, de recherche et d’innovation. Cette dynamique d’européanisation sans précédent, qui s’accélère, place ces institutions académiques face à de nouvelles problématiques, notamment en termes de communication.

Les Rencontres de l’association des responsables de communication des universités COMOSUP qui se sont déroulées à l’Université de Strasbourg, dans les locaux du collège doctoral européen ont été dédiées à l’exploration de ces problématiques sous l’angle de l’activité qui fédère ses membres : « Pourquoi et comment intégrer l’Europe dans nos stratégies de communication ? ».

L’Europe, l’horizon commun aux universités : quand la stratégie s’oriente vers l’Europe, gouvernance et communication s’alignent

Afin de poser d’emblée les principales problématiques, Jean-Marc Planeix, vice-président des partenariats internationaux à l’Université de Strasbourg présente un panorama des enjeux et contextualise les modifications significatives dans l’enseignement supérieur en termes de nouveautés et de leur accélération. Les politiques de l’UE structurent toujours davantage les universités autour d’orientations stratégiques qui évoluent vers la compétitivité avec la publication des rapports Draghi et Letta mais aussi d’une mission redéfinie des universités vers une ambition qui pousse vers la recherche et l’innovation, dans le cadre de l’initiative Union of Skills de la Commission européenne au service du développement des compétences tout au long de la vie.

Suggérées dans le discours de la Sorbonne du président Macron et portées rapidement par la Commission européenne, les « alliances européennes d’universités » sont une véritable levier pour transformer les universités européennes, autour de plusieurs modèles : un modèle intégratif qui associe les structures autour d’une nouvelle marque européenne ; un niveau intermédiaire d’intégration progressive autour de la construction de thématiques communes et un modèle fédératif qui rassemble les entités sans perdre les identités propres à chaque université. Autre nouveauté, le diplôme européen, présenté comme une priorité par la Commission von der Leyen II, se développe en commençant par l’étape d’un label européen.

Ces dynamiques de coopération européenne posent de multiples défis : des enjeux sensibles en lien avec le Ministère des Affaires étrangères pour l’accueil de réfugiés enseignants ou étudiants liés à des crises internationales en Ukraine, à Gaz et aux Etats-Unis ; des enjeux de pouvoir dans la gouvernance et la communication des alliances européennes d’universités ; des mutations qui se multiplient et s’accélèrent impactant à court terme l’action européenne des universités et à long terme la relation au savoir et à la science.

Quels impacts sur le développement de stratégies de communication qui reflètent et promeuvent les engagements européens des universités françaises ?

  1. Anticiper les risques d’une communication trop précoce ou trop tardive, d’un choc culturel dans la mise en œuvre, nécessitant une traduction systématique des messages pour lever les incompréhensions.
  2. Appréhender les différences dans la relation aux institutions, différentes selon les structures fédérale ou centralisée des États-membres, soulignant le besoin de principes et de modalités partagées dans la gouvernance et la communication.
  3. Expliciter ce que l’Europe apporte, sa place spécifique dans l’internationalisation des universités.
  4. Se positionner vis-à-vis des classements internationaux, dont les critères n’évoluent pas toujours de manière cohérente, notamment dans la pondération de la place de prix Nobel dans les effectifs.
  5. Développer une forme de « diplomatie scientifique », selon Jean-François Mauduit qui aborde le mode de gouvernance entre autonomie revendiquée, contraintes impératives et impact sur la recherche et l’innovation.
  6. Incarner les valeurs européennes, sans exclure les non-Européens, en mettant en avant les valeurs démocratiques et les valeurs universelles à la science qui peuvent être largement revendiquées autour de la rationalité de la démarche théorique et la connaissance ouverte et en évolution.
  7. Faire entendre la voix française dans le réseau des alliances européennes d’université, qui est reconnu comme un interlocuteur légitime de la Commission européenne.
  8. Intégrer toutes les cibles stratégiques entre les décideurs locaux, nationaux et européens.
  9. Communiquer, en s’appuyant sur les stratégies des établissements, mettre en avant et rendre visible les activités et les avantages de s’impliquer à l’échelle européenne, sans oublier la communication interne pour mobiliser les effectifs.
  10. Montrer, au bon moment, en quoi la participation à des appels à projet européens sont au service de l’université et valoriser le gain puis les résultats.

Les programmes européens Erasmus+ et Horizon Europe : quand les ambitions de mobilité, de recherche et d’innovation font face aux problématiques budgétaires

D’ores et déjà, les prochaines négociations budgétaires pour le budget de l’UE pour les principaux programmes européens, tels qu’Erasmus+ et Horizon Europe sont au cœur des réflexions.

Du côté de la Commission européenne, leurs initiatives visent à développer un statut juridique pour les 65 alliances européennes d’universités, qui rassemble 10% des établissements chartés Erasmus, soient 500 entités parmi les plus importantes en termes d’effectifs universitaires ; développer des programmes conjoints, reconnu via un label européen et un diplôme européen à terme et à déployer une carte européenne étudiante, interconnectant les données et services. Fanny Lacroix-Desmazes, policy officer à la Direction générale de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture (DG EAC) de la Commission européenne précise que la « Stratégie européenne pour les Universités » publiée en 2022 est la première Communication qui s’adresse directement aux universités. L’Union des compétences annoncée plus récemment vise à renforcer la compétitivité et à élargir le vivier des compétences européennes, particulièrement auprès des femmes.

Du côté du gouvernement français, 2025 est une année de transition vers le cycle de négociation des futures bases légales des programmes européens. David Itier, chef du département Stratégie de l’espace européen de la recherche et de l’enseignement supérieur au sein de la Délégation aux affaires européennes et internationales du Ministère de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation annonce que les politiques publiques visent à juguler le déclin de la compétitivité européenne, avec une recherche qui peut apporter des réponses aux transitions démographique, climatique et numérique. Les positions françaises seront le reflet des acteurs de terrain consultés (organismes de recherche et syndicats d’étudiants).

Pour le programme Horizon Europe, la France vise à placer l’excellence scientifique, évaluer par les pairs comme critère principal d’attribution des projets ; de rationaliser les financements à quelques thématiques et technologies comme l’IA, les énergies renouvelables, l’espace ou le quantique… et de favoriser les innovations de rupture et la création de startups, à l’interface des labos privés et de la recherche publique.

Pour le programme Erasmus, la France tient à cet instrument, bien connu et qui fonctionne, et soutient une trajectoire budgétaire plus ambitieuse. Les alliances européennes d’universités, qui ont le potentiel de transformer le paysage de l’enseignement supérieur sont soutenues au profit d’un modèle de type Airbus visant à fusionner des entités pour renforcer l’attractivité internationale. Le diplôme européen d’ingénieur est le diplôme européen prioritaire à créer. Les équipes qui font de la recherche doivent aussi faire de la mobilité pour approfondir et pérenniser les gains.

Dans un contexte de dégradation des finances publiques françaises, qui ne sera pas sans impact sur le prochain budget européen, la pression pour capter les budgets européens fléchés pour la France est un challenge quotidien. La France est globalement au rendez-vous pour Erasmus, avec 400.000 bourses annuelles, elle reste le premier pays de départ dans l’Union, à des fins d’études ou de stages (33%) ; même si dans le budget 2024 les séjours ont été réduits à 6 mois, compte-tenu que seulement 63% des demandes ont pu être satisfaites ; l’objectif de 23% de bénéficiaires n’est pas encore atteint. Les dispositifs à mieux faire connaitre sont d’une part, les bourses « inclusion » et d’autre part, les programmes intensifs hybrides de préparation intensive avant le départ. Pour les financements du programme Horizon Europe, la France n’a pas comblé son déficit de soumission de projets pour le financement de la recherche. Enfin, pour les universités, plusieurs sources de financement sont accessibles : les partenariats de coopération, les projets plus complexes avec des entreprises et les alliances européennes.

L’identité européenne des universités, des défis et des opportunités de communication

Les sujets ne manquent pas :

  1. La marque : Les alliances européennes impliquent de nouveaux noms, de nouvelles plateformes de communication, il s’agit d’injonctions à communiquer sur des superstructures complexes qui posent des questions sur l’identité de l’université.
  2. Le portage : Les relations européennes (et internationales) ne sont pas toujours lisibles dans la communication interne et donc la communication intra-établissement.
  3. Le pilotage : Le partage des responsabilités dans les alliances, entre positions motrice ou attentiste, interroge dans la motivation, l’animation des réseaux de communicants et l’alignement des supports de communication.
  4. La promesse : Les alliances européennes d’universités portent des enjeux quasi géopolitiques tandis que la attentes portent sur les bénéfices concrets, à quoi ça sert, qu’est-ce que ça apporte pour l’étudiant.
  5. La langue : La traduction en anglais n’est pas suffisante.
  6. La communication : positionnement, différenciation et branding justifient de sortir du projet, pour faire le marketing du projet pour les étudiants en termes d’offres et aller dans l’émotionnel pour répondre au besoin de toucher et faire adhérer.

Les bonnes pratiques se développent, peu à peu :

  1. Parcours utilisateur : réfléchir aux points de contacts des étudiants avec l’alliance européenne.
  2. Partage d’expérience : favoriser les témoignages là où ils sont.
  3. Culture partagée de l’international : susciter une forme de reconnaissance des acteurs mobilisés autour des opportunités de budgets européens.
  4. Priorités : sensibiliser à la dimension européenne autour des grands sujets comme la vie démocratique, le développement durable, la numérisation et l’inclusion.
  5. Plan de communication : structurer, distribuer les rôles et organiser les actions qui donne du sens à l’internationalité et l’interculturalité en termes d’apprentissage de vie, aussi intégrer les étudiants dans les temps forts collectifs dans une logique de co-construction de moments de rencontre et de rapprochement.

Que retenir de tous ces enjeux ? La priorité, c’est d’ores et déjà la négociation sur le futur budget, le prochain « Multiannual Financial Framework » pour sécuriser les investissements européens dans la mobilité, la recherche et l’innovation. La dynamique d’européanisation des universités françaises se poursuit à plusieurs vitesses. La communication européenne des universités doit s’angler sur les bénéfices interculturels incarnés plutôt que les promesses axiologiques désincarnées. La nécessité de partager les bonnes pratiques au sein de la communauté des communicants est plus que jamais d’actualité.

2005-2025 : l’Europe en perpétuelle réinvention, ou l’art de la progression sous haute tension

Entre mai 2005 qui restera dans l’histoire frappé par le « non » français au Traité constitutionnel européen et mai 2025 où l’UE adopte l’instrument « Sécurité pour l’action en Europe » (SAFE – Security for Action for Europe), un mécanisme de prêts de 150 milliards d’euros pour renforcer les capacités de défense, c’est une histoire récente non pas d’une Europe survivante mais d’une Union européenne profondément transformée. La Fondation Jean-Jaurès nous offre un panorama « 2005-2025 : les vingt années qui ont transformé l’Europe ». Que faut-il en retenir ?

L’Union européenne, un phénix

L’Union européenne n’avance pas malgré les crises, mais souvent grâce à leur résolution. C’est la grande leçon de ces vingt dernières années. Les polycrises n’ont pas sonné le glas de l’Union européenne. Au contraire, elles ont agi comme autant d’électrochocs :

  • Une résilience forcée : face à la crise financière de 2008, l’UE, initialement démunie, a su éviter l’effondrement de la zone euro. Face à la pandémie de Covid, l’UE a accouché, dans la douleur mais avec ambition, du plan NextGenerationEU avec un emprunt commun – une révolution copernicienne impensable quelques années auparavant.
  • Une quête de souveraineté :  avec le Brexit et les secousses technologiques et géopolitiques, en particulier l’agression russe en Ukraine, « l’autonomie stratégique » infuse ainsi que la nécessité d’une défense européenne plus autonome.
  • Un engagement pour le climat : le Pacte vert, malgré les vents contraires actuels, reste une ambition structurante, née d’une prise de conscience et d’une pression citoyenne.

L’Europe n’est pas une victime des événements, elle est une entité qui se forge et se renforce dans l’adversité. Un Phénix qui renaît constamment.

Les Européens, une prise conscience de leur communauté de destin

Divergence renforcée avec le monde : la pression géopolitique est immense : hostilité russe, politique dominatrice chinoise, allié américain imprévisible, virage populiste et illibéral, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières. Tout met à mal le projet et les valeurs de l’UE.

Convergence renforcée entre Européens : face à ces menaces, une « conscience d’un destin commun » s’affermit. La réponse unie face à l’invasion de l’Ukraine ou la nécessité de parler d’une seule voix face aux géants du numérique (DSA/DMA) en sont des illustrations. Même le Brexit, initialement perçu comme un échec, a paradoxalement renforcé la cohésion des Vingt-Sept.

L’Union européenne joue sur ce double registre : reconnaître sans fard les menaces extérieures et les risques de fractures internes, tout en renforçant notre communauté de destin. Le monde est plus dangereux et nos valeurs sont davantage attaquées, mais c’est pour cela que les Européens serrent les rangs.

La méthode européenne décortiquée

Le moteur de la nécessité : « Le moteur de l’européanisation réside dans sa nécessité ». La clé de voûte réside dans la capacité de l’Union européenne à se saisir des faits pour apporter des réponses : supervision bancaire renforcée par la crise financière ; NextGenerationEU en post-crise Covid…

Comment l’UE agit-elle ?

  • L’aggiornamento législatif : « un ensemble normatif mêlant révisions et innovations », c’est la voie royale, souvent perçue comme technocratique : Pacte vert, lois sur le numérique (DSA/DMA). Le défi demeure de montrer l’impact concret de ces textes sur la vie des citoyens.
  • La solution intergouvernementale : « un traité ad hoc permettant d’européaniser un outil ou un champ de compétences », c’est la réponse quand la voie communautaire classique est bloquée ou trop lente : le Mécanisme européen de Stabilité (MES), fruit d’un accord intergouvernemental.
  • La mobilisation budgétaire et la fonction de bailleur de fonds : l’UE trouve des solutions inédites pour mettre la main à la poche pour ses priorités : le plan Juncker, NextGenerationEU, ReARM Europe pour le financement de l’effort de défense.

Contrairement aux idées reçues, l’Union européenne sait se donner les moyens de son action. L’UE n’est pas parfaite, mais elle agit.

La nouveauté : la réversibilité : « la réversibilité des politiques communautaires, véritable nouveauté de la construction européenne », c’est un avertissement sur le Green Deal remplacé par un Clean Industrial Deal, sur la vague conservatrice qui pousse à la dérégulation. Rien n’est acquis. La vigilance citoyenne et politique est essentielle. Il va falloir apprendre à communiquer sur nos fragilités et la nécessité de défendre les acquis.

Vers une européanisation de nos souverainetés

L’européanisation de nos souverainetés face aux défis existentiels renforcent ce « nous » européen, cette conscience d’un destin commun. L’Union européenne de 2025 a les outils pour réagir, mais elle doit urgemment améliorer la manière dont elle raconte son histoire, ses succès, ses échecs et ses ambitions :

  1. Inventer un nouveau récit européen : un récit plus incarné qui parle au cœur autant qu’à la raison. Qui assume ses imperfections mais célèbre aussi ses audaces. La mission de la communication est de cultiver le sentiment de communauté de destin.
  2. Trouver sa place narrative : l’Union européenne n’est ni un super-État ni une simple zone de libre-échange. Elle demeure un « objet politique non identifié » qui a le mérite d’exister et d’agir. La communication doit embrasser cette singularité, avec un zeste d’autodérision et beaucoup de conviction.

Face aux crises, l’Union européenne a su faire preuve d’une « méthode » et d’une capacité d’adaptation et de moyens souvent sous-estimés. Notre défi collectif est de transformer cette réalité complexe en une histoire compréhensible, mobilisatrice et inspirante. Car si l’Europe est parfois un « joyeux chaos organisé », c’est dans ce chaos que réside sa force et sa capacité à surprendre. À nous de le raconter.

Décryptage de la communication de crise au cœur déjà du second mandat d’Ursula von der Leyen

Après un premier mandat d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne profondément marqué par la gestion de crises successives, la communication de crise dans son second mandat demeure non seulement une nécessité opérationnelle mais aussi un enjeu politique. Les crises exigent des actions décisives, mais également une communication claire, rapide et rassurante pour préserver la confiance publique, justifier les réponses politiques et cultiver la solidarité. La capacité de l’Union européenne à (re)gagner le soutien citoyen en période de turbulence dépend intrinsèquement de la manière dont ses dirigeants communiquent. Alors que le style de communication du premier mandat a démontré une capacité à centraliser les réponses, comment cette approche évolue-t-elle face aux pressions continues et aux controverses potentielles, et quel équilibre sera trouvé entre la projection de force et la transparence nécessaire ?

Naviguer les turbulences externes et internes : études de cas

Si l’armure a brillé sous les projecteurs des sommets internationaux, elle a parfois grincé dans les couloirs feutrés de la politique intérieure européenne. Peut-on être à la fois le porte-étendard inflexible de l’UE à l’extérieur et maîtriser l’art de la posture (presque) martiale et ne pas être la championne de la transparence et de l’écoute à l’intérieur ? C’est tout l’enjeu.

Étude de cas 1 : la réponse aux menaces tarifaires américaines

Face aux mesures commerciales restrictives de la part des États-Unis, et a fortiori avec la dernière annonce de placer des tarifs à 50% sur les importations européennes aux Etats-Unis dès début juin, la stratégie de communication de crise n’apparaît pas suffisamment décisive pour réagir et riposter, alors qu’il s’agit d’une compétence exclusive confiée par les Etats-membres à l’UE.

Le défi de la stratégie de communication devrait viser à projeter force et unité pour dissuader, tout en maintenant la porte ouverte à la diplomatie et en atténuant les dommages économiques. Le risque d’apparaître dans une position objectivement de faiblesse essentiellement réactive devrait être compensé par une pédagogie sur les moyens à la disposition de l’UE et la démarche collective solidaire entre les États-membres.

Étude de cas 2 : la communication de crise continue sur la guerre en Ukraine

Alors que la guerre d’agression russe se poursuit et que des inquiétudes émergent quant à une possible « fatigue de la guerre » ou un affaiblissement du soutien international, la communication reste essentielle. La stratégie de von der Leyen consiste invariablement à présenter le conflit comme une menace existentielle non seulement pour l’Ukraine, mais pour l’Europe entière. Le message central est celui d’un soutien indéfectible de l’UE à l’Ukraine « aussi longtemps que nécessaire », en insistant sur l’unité et la résolution des États membres. La communication met activement en lumière les mesures de soutien concrètes : aide financière, coordination des fournitures militaires, sanctions contre la Russie, et efforts pour l’intégration du marché énergétique ukrainien à celui de l’UE. La lutte de l’Ukraine est constamment liée à la défense des valeurs et des intérêts sécuritaires européens. Les grandes initiatives de défense de l’UE, comme le plan « ReArm Europe », sont également présentées, en partie, comme des mesures nécessaires pour renforcer le soutien à l’Ukraine. Des actions symboliques, telles que les visites à Kyiv ou les déclarations conjointes avec les dirigeants ukrainiens, sont utilisées pour renforcer le message de solidarité

Le défi principal est de maintenir le soutien politique et public pour cet engagement à long terme, face aux pressions domestiques et internationales concurrentes. La communication de crise vise à persuader les opinions publiques européennes de la nécessité de ce soutien continu, tout en signalant une détermination sans faille aux acteurs externes comme la Russie et les États-Unis.

Étude de cas 3 : la gestion des controverses internes

Sur le front intérieur, l’armure se fissure et la communication de crise version von der Leyen montre ses limites. La tendance à la centralisation, au contrôle, voire au secret, peut se retourner contre elle :

L’incident de la pneumonie en janvier 2025 : Lorsque von der Leyen a été hospitalisée pour une pneumonie, son équipe de communication aurait minimisé ou occulté la situation. De plus, elle n’a pas formellement délégué le contrôle de la Commission pendant son absence. Cette approche suggère une stratégie privilégiant le maintien d’une image de leadership ininterrompu et de stabilité institutionnelle, potentiellement au détriment de la transparence. Cette gestion a suscité des critiques de la part d’observateurs qui l’ont jugée excessivement secrète.

La démission de Thierry Breton : Le départ du Commissaire Thierry Breton aurait été précipité par sa décision de publier sur X une lettre d’avertissement à Elon Musk concernant la mise en œuvre d’enquêtes, sans coordination préalable avec le cabinet de von der Leyen. Par la suite, celle-ci aurait informé le Président français Emmanuel Macron qu’elle ne pouvait plus travailler avec M. Breton. Cet incident, communiqué principalement par des canaux internes et diplomatiques plutôt que par des déclarations publiques, souligne le contrôle très centralisé de la communication au sein de son administration et suggère une faible tolérance pour les actions perçues comme sapant ce contrôle ou défiant son autorité.

L’affaire des SMS avec le PDG de Pfizer : D’emblée dotée d’un nom dédiée, l’une de plus importantes crises, le «Pfizergate » incarne tous les travers de la présidente de la Commission européenne : non seulement la classique culture du secret mais en l’occurrence la destruction des échanges de SMS. Le Tribunal de la Cour de justice vient de juger que ces SMS existaient bel et bien et qu’Ursula von der Leyen a menti et la Commission avec elle. La tactique de l’évitement et le traitement par le mépris n’ont pas suffit à faire taire les critiques, dorénavant légitimes, car confirmées par les juges européens.

Ces épisodes révèlent une constante : une préférence pour le contrôle, parfois au détriment de la transparence. Le « Kabinett » von der Leyen, souvent comparé à une forteresse bien gardée, a tendance à vouloir tout maîtriser, tout verrouiller. C’est humain, surtout en temps de crise. Mais c’est aussi un risque.

Pour une communication de crise (vraiment) éclairée

Si Ursula von der Leyen veut marquer son second mandat d’une pierre blanche en matière de communication, voici quelques modestes suggestions, garanties sans éléments de langage officiels :

1. Un soupçon d’humour et d’autodérision : Sérieux ne veut pas dire ennuyeux. L’Europe est souvent perçue comme une machine complexe et technocratique. Un peu de légèreté, une pointe d’humour (même sur soi-même !) peut rendre le message plus accessible, plus humain. Et franchement, ça nous ferait du bien à tous.

2. Ouvrir (un peu plus) les fenêtres du Berlaymont : La transparence n’est pas un gros mot. C’est même la meilleure amie de la confiance. Expliquer les décisions, même complexes, même impopulaires. Reconnaître les erreurs quand il y en a. Le public est plus intelligent qu’on ne le pense. Et un peu d’air frais n’a jamais fait de mal à personne.

3. Jouer la carte de l’empathie (la vraie, pas celle qui est calculée) : Les citoyens ne sont pas des statistiques. Derrière les grandes politiques, il y a des vies, des inquiétudes. Une communication qui parle au cœur autant qu’à la raison est une communication qui porte. Un zeste d’humilité ne ferait pas de mal non plus. La rencontre à Bruxelles avec les victimes des inondations en Espagne après le congrès du PPE va dans la bonne direction.

4. Faire confiance à son équipe (et au-delà) : La centralisation a ses vertus, mais elle a aussi ses limites. Déléguer la parole, encourager les Commissaires à s’exprimer (quitte à ce qu’ils fassent parfois une petite « boulette » – c’est ça aussi, la démocratie !), c’est montrer une Europe plurielle et vivante.

5. Accepter la critique et le débat : Le Parlement européen n’est pas un paillasson. Les journalistes ne sont pas (tous) des ennemis. Les ONG ne sont pas (toujours) des empêcheurs de tourner en rond. Le débat contradictoire est le sel de la démocratie. Une communication qui l’accepte, voire le stimule, est une communication mature.

La communication de crise reste donc un pilier central de la présidence von der Leyen, particulièrement efficace pour projeter l’unité et la détermination de l’UE face aux menaces extérieures comme la guerre en Ukraine ou les potentiels différends commerciaux. Cependant, la gestion des enjeux internes révèle une approche privilégiant le contrôle sur la transparence, une tendance à la centralisation potentiellement renforcée par la nature même des crises.

Le véritable leadership éclairé pour un second mandat pourrait résider dans la capacité à affiner l’équilibre entre d’une part, rapidité et centralisation nécessaires en pleine tempête et d’autre part, maintenir la confiance à long terme exige aussi une communication qui intègre davantage de transparence et de réceptivité, même lorsque les sujets sont sensibles. Naviguer les crises futures demandera non seulement de la résolution, mais aussi une communication subtile capable de maintenir la cohésion interne et la crédibilité externe dans un monde de plus en plus complexe et contesté.

En conclusion, Ursula von der Leyen a prouvé qu’elle savait être une « guerrière » de la communication en temps de crise externe. Le défi de son second mandat sera de devenir aussi une « pacificatrice » tissant des liens en interne, une championne de la transparence et de l’écoute. Car la véritable force de l’Union européenne ne réside pas seulement dans sa capacité à projeter une image d’unité face au monde, mais aussi dans sa capacité à convaincre ses propres citoyens de la justesse de son action, même (et surtout) quand les temps sont durs. Et pour cela, il faut plus qu’une armure : il faut une âme. Et une communication qui la révèle.