Les consultations citoyennes européennes peuvent-elles réduire le déficit civique de l’UE ?

Officiellement lancée par le président de la République à Epinal mardi 17 avril, les consultations citoyennes, qui disposent d’un site officiel « Quelle est votre Europe ? » font débat. Quelles sont les principales recommandations pour tenter de réduire le déficit civique de l’UE ?

Faciliter l’appropriation des citoyens : aller au-devant de tous les publics, dans leur vie quotidienne

Pour Valérie Gomez-Bassac, députée LREM, auteure du rapport d’information sur « les conventions démocratiques de refondation de l’Europe« , pour toucher la population silencieuse, il faut aller dans leur quotidien pour sortir des cercles des sceptiques ou des convaincus.

« Les individus doivent s’approprier ces consultations : si celles-ci concernent des domaines d’activité précis, les personnes se sentiront concernées. Allons donc dans leur quotidien, parlons de leurs passions, de leur activité professionnelle, de leur vie personnelle… elles verront alors ce que l’Europe leur apporte, elles diront ce qu’elles attendent de l’Europe, et elles nous feront éventuellement des remontées. »

Pour Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public – qui n’a pas été consultée selon La Croix – plaide pour la multiplication des approches afin d’aller chercher ceux qui sont loin de l’Europe : « débats mobiles dans des trains, bus qui se déplacent dans les quartiers populaires, tirage au sort de citoyens pour réfléchir au sein d’un « G400 », « ateliers de controverse » avec des experts… ».

Autrement dit, l’accent doit être mis sur l’accessibilité et l’ouverture du débat à tous les publics dans une démarche, selon l’expression dorénavant consacrée de « bottom-up » pour partir du terrain en multipliant les points de contact inattendus mais signifiants.

Réunir les deux conditions indispensables au débat démocratique : l’indépendance et la transparence

D’une part, il s’agit de clarifier la place et le rôle du gouvernement, comme le précise la présidente de la Commission nationale du débat public : « il convient de faire en sorte que l’organisateur ne soit pas le décideur, sans quoi il y aura toujours un défaut de confiance de la part des opinions divergentes ».

A mesure que les médias généralistes se saisissent du sujet, une certaine confusion s’entretient entre d’une part, la démarche partisane autour de la grande marche pour l’Europe organisée par la République en marche et d’autre part, les consultations citoyennes soutenues par les pouvoirs publics. Sous cet angle, les efforts de transparence et d’indépendance doivent être renforcés pour crédibiliser la démarche et lever le moindre doute.

D’autre part, Yves Sintomer, professeur de sciences politiques, spécialiste des questions de démocratie participative, interrogé par La Croix, regrette que le principe des consultations est « en retard sur les désirs mais aussi sur une série de pratiques » (…) « n’aboutissant pas à de réelles transformations, elles risquent en outre de renforcer au final la défiance. Et de donner aux citoyens l’impression qu’une fois de plus, ils sont consultés pour que rien ne change ».

S’inspirer des modalités participatives qui réussissent

Selon Yves Sintomer, plusieurs exemples devraient servir d’inspiration pour la démarche de démocratie participative européenne :

  • Faire participer des citoyens éloignés de la politique via des Assemblées tirées au sort, à l’instar de l’Irlande pour la révision de sa Constitution ;
  • Engager des citoyens organisés via des réunions publiques sur quelques thèmes européens centraux, à l’image du Grenelle de l’environnement en France ;
  • Donner un autre souffle au droit d’initiative européen, à l’exemple des votations référendaires directes, à valeur décisionnelle, comme en Suisse, en Californie ou encore dans certains Länder allemands.

Réussir la restitution : le point de départ

Dernier enjeu, clé pour la plupart, la restitution, selon Marie Dufrasne, de l’université Saint-Louis de Bruxelles, experte de la démocratie participative dans l’UE, doit faire l’objet d’un investissement afin de « faire un retour rapide vers les citoyens (avec justifications) pour qu’ils comprennent les points qui sont retenus, ce que les autorités vont en faire, etc. Sans cela, il y a un risque de déception immense. »

Cela doit se traduire notamment sous l’angle des efforts de communication qui devront être équitablement répartis entre les différentes phases de la consultation, que ce soit du recrutement des participants en amont à la restitution en aval.

Institutionnaliser la consultation autour de panels et forums délibératifs

Pour Yves Bertoncini, dans « Transformons l’essai des consultations citoyennes sur l’Europe », les institutions devraient recourir « plus systématiquement à des panels citoyens ou à des forums délibératifs réunissant un échantillon représentatif de Français ou d’Européens » en amont des grands choix et votes opérés par l’UE.

Au total, les recommandations sont particulièrement éclairantes pour mesurer le potentiel et les risques des consultations citoyennes européennes, qui se tiendront jusqu’à l’automne.

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