Défis et opportunités de la communication de l’Union européenne

Lors de la 8e conférence Europcom, le rendez-vous annuel des communicants européens, l’Ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne de 2014 à 2017 Anthony Luzzatto Gardner est intervenu dans un discours d’ouverture plein d’inspiration…

Quel discours sur l’Europe ?

Non sans humour, l’ex-ambassadeur américain revient sur l’un des discours du président Obama qui a su porter un message sur les avantages de l’intégration européenne que la plupart des responsables politiques européens et nationaux échouent à communiquer :

Une Europe forte et unie est une nécessité pour le monde entier. L’Europe reste vitale pour notre ordre international. L’Europe aide à maintenir les normes et les règles qui peuvent maintenir la paix et promouvoir la prospérité dans le monde.

Votre accomplissement – plus de 500 millions de personnes parlant 24 langues dans 28 pays, 19 avec une monnaie commune et l’Union européenne – reste l’une des plus grandes réussites politiques et économiques des temps modernes.

Allocution du président Obama devant les peuples d’Europe à Hanovre le 25 avril 2016

« C’était un discours formidable, mais il y avait un seul problème : il aurait dû être prononcé par un politicien européen, pas par le président des États-Unis. Aucun politicien européen ne donne des discours comme ça. Malheureusement, nous n’avons plus de président aux États-Unis qui prononce des discours comme celui-là non plus. »

A contrario, les discours des responsables nationaux et européens sont pleins de mots défensifs qui mettent l’accent sur la protection contre les menaces et le changement. L’Europe ne peut pas inspirer un sentiment de solidarité avec un récit défensif.

Les histoires personnelles et les images sont des outils puissants. Par exemple, la comparaison de l’UE à une fenêtre est éclairante : invisible dans la plupart des cas mais visible quand elle est obstruée ou cassée.

Les faits ne suffisent pas. Quand la passion rencontre les faits, la passion l’emporte presque toujours. Nous avons besoin de passion pour soutenir nos arguments. Contrairement à l’ancien chancelier allemand Helmut Schmidt qui dit « quiconque a des visions devrait aller chez le médecin », nous avons besoin de vision pour inspirer et justifier le sacrifice pour le bien de tous.

Quels messages de l’Union européenne ?

C’est facile. Tous les domaines dans lesquels les Etats-Unis reculent et où la fierté européenne devrait être à la hauteur de la place de l’UE comme l’un des acteurs les plus importants du monde dans ces domaines : aide au développement, aide humanitaire, changement climatique, bonne gouvernance et la protection de l’ordre multilatéral fondé sur des règles.

Dans de nombreux domaines, l’UE agit comme un « multiplicateur de force » des États membres :

  • Dans le commerce mondial, où l’UE possède l’expertise et le pouvoir de négociation nécessaires pour parvenir à des accords de libre-échange équilibrés ;
  • Dans l’industrie contre les distorsions du commerce international ;
  • Dans l’aide au développement et l’aide humanitaire, où l’UE peut assurer la cohérence et l’efficacité des programmes à long terme ;
  • En matière de sécurité énergétique, où l’UE a favorisé l’intégration des marchés de l’électricité et du gaz ;
  • Dans la protection des frontières extérieures…

Les messages positifs ne se vendent pas tout seuls. Ils doivent être promus. Il est inutile de faire du bon travail si peu de gens le savent. La pédagogie doit être portée par les bons messagers, des tiers qui inspirent confiance : ce qui est important n’est pas ce que vous dites, mais ce que les gens entendent.

Quels défis pour la communication ?

D’abord, la communication européenne devrait être moins timide. L’UE devrait cesser de soutenir des acteurs de la société civile qui sapent le message de l’UE.

Trop longtemps, l’UE a poursuit une politique de non-réfutation : ne pas répondre aux inexactitudes dans les médias, alors que quand il n’y a pas de réfutation, les faussetés deviennent acceptées comme des faits.

Ensuite, les États membres compliquent les efforts visant à communiquer efficacement sur l’Europe et les institutions de l’UE. Les États membres ne se considèrent pas comme des actionnaires dans un projet commun et considèrent l’UE ou parlent de l’UE comme s’il s’agissait d’une force étrangère qui fait des choses (généralement négatives) aux États membres.

Trop longtemps, le « blame game » contre Bruxelles pour tout ce qui est difficile ou mauvais, tout en s’appropriant tout le crédit pour les choses qui vont bien a été un des discours les plus insidieux.

L’accusation d’un programme économique « ultra-libéral » selon lequel, les peuples d’Europe ont souffert des vents froids de la mondialisation et du libre-échange par le choix de bureaucrates non élus, plutôt que par des nécessités économiques est l’un des principaux défis de l’UE pour expliquer que la mondialisation est une réalité et que l’UE fournit aux États membres et à ses citoyens les outils nécessaires pour mieux gérer la mondialisation. Le projet européen et les institutions européennes ont contribué de manière significative à la création d’une zone de démocratie, de stabilité et de prospérité qui fait l’envie du monde entier.

Enfin, l’Europe cherche généralement à communiquer son but avec les invocations rituelles des 70 ans de paix après la Seconde Guerre mondiale. Mais peut-être l’Europe devrait prendre au sérieux l’idéal européen d’une partie de la jeunesse, notamment des pays voisins. L’Europe peut et doit présenter des arguments plus solides à la jeunesse européenne, qui peut considérer la paix comme acquise.

Quelles opportunités pour les actions et outils de communication ?

Les outils de communication doivent clairement changer. Les institutions européennes connaissent-elles vraiment l’impact des euros qu’elles consacrent à la communication – par thème et par canal ?

Un tel audit permettrait d’investir en fonction de l’impact réel, de prendre en compte l’évolution de la consommation des médias : moins de TV, beaucoup moins de presse et beaucoup plus de vidéos en ligne et de médias sociaux. Les institutions européennes devraient investir dans les médias sociaux, y compris via de courts clips vidéo dans les tweets.

Les relations avec les médias doivent également évoluée afin que les affaires européennes fassent partie du débat national. Davantage de ressources devraient être consacrées à la formation des journalistes nationaux aux affaires de l’UE afin d’assurer que davantage de nouvelles nationales incluent les affaires européennes. Les articles de l’UE ne devraient pas seulement être écrits par des journalistes postés à Bruxelles pour se concentrer sur les affaires européennes. Ce devrait être un sujet pour tous les journalistes.

Les messages doivent changer pour se concentrer sur deux thèmes essentiels, qui doivent être répétés dans tout ce que fait l’UE : la sécurité (physique et économique) et le choix à moindre coût et immédiat.

Pourquoi ne pas reprendre les obligations de communication imposées aux bénéficiaires des fonds européens dans d’autres domaines comme l’interdiction des frais d’itinérance pour les téléphones portables, la portabilité des données pour les sites de contenu en ligne (tels qu’Apple iTunes, Amazon, Netflix), la garantie de dépôt de 100 000 euros, les garanties de confidentialité avec le droit à l’oubli et les limites d’utilisation, les mesures de sauvegarde et les droits antidumping…

En résumé, il n’y a jamais eu de moment plus urgent pour les institutions de l’UE pour renforcer les messages positifs sur les contributions de l’UE à la paix, la stabilité, la démocratie, la sécurité, la prospérité et le choix.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site est protégé par reCAPTCHA et la Politique de confidentialité, ainsi que les Conditions de service Google s’appliquent.