Réflexions post-Brexit sur la communication de l’Union européenne

Le succès de la campagne pour le « Brexit » au Royaume-Uni, au-delà des fautes et des faiblesses des partisans du « Bremain » s’interprète massivement comme un échec de la communication de l’Union européenne…

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans la communication européenne ?

Comme le remarque Katie Owens dans « Is now the time to reignite Plan D? », le sentiment dominant est que l’on se retrouve à la case départ, 10 ans en arrière, au moment des échecs des référendums sur le projet de constitution européenne en France et aux Pays-Bas, lorsque Margot Wallström entrepris le chantier de la communication de l’Union européenne.

Plus particulièrement, les axes de progression fixés dans le Plan D de Margot Wallström semblent au point mort :

  • la volonté de communiquer dans un langage clair et compréhensible pour le grand public est demeuré un vœu pieux, voire la situation s’est dégradée en matière de bilinguisme et de lisibilité des actions ;
  • le passage d’une communication axée vers les citoyens, en lieu et place d’une communication tournée sur les institutions européennes n’a parcouru qu’une partie du chemin, la plus facile : les institutions européennes ne parlent plus que des citoyens, mais ces derniers se sont encore davantage détournés de l’Europe ;
  • la décentralisation de la communication européenne, pour s’appuyer sur la proximité des acteurs de terrain ne s’est pas vu octroyé les moyens nécessaires pour vraiment avoir un impact, sans compter que ce sont sans doute « les auto-entrepreneurs de la cause européenne » qui se sont saisis de cette main tendue.

Malgré 10 ans d’efforts et d’initiatives de la part des institutions européennes pour davantage et mieux communiquer, les résultats sont largement insuffisants pour contrer des mouvements profonds dans les opinions publiques européennes. :

  • L’euroscepticisme est le nouveau mainstream intellectuel dans la plupart des formations politiques, même les partis dit de gouvernement ;
  • L’europhobie s’est largement développée, notamment auprès des jeunes et dans les « nouveaux » Etats-membres ;
  • A contrario, le discours « pro-européen » est aujourd’hui crépusculaire et microscopique, totalement absent dans la bouche des responsables et inaudible auprès des électeurs dans la plupart des Etats-membres.

Quel est le principal handicap de la communication européenne ?

Même avec un regard bienveillant, force est de reconnaître que si la communication de l’Union européenne venait à totalement disparaître, il serait impossible pour quasiment tout le monde de faire la différence.

La priorité aujourd’hui ne consiste pas à échafauder dans l’urgence et l’impréparation un nouveau plan pour sauver la communication européenne, avec de nouvelles incantations.

Il s’agit d’analyser les causes, de comprendre pourquoi la communication européenne est inaudible :

Le message est clé : de quoi s’occupe vraiment l’Union européenne ? Personne ne le sait vraiment. Le projet européen ne devrait-il pas se concentrer sur ses fondamentaux, comme par le passé (PAC, Erasmus…) avec quelques domaines d’intervention légitimes et nécessaires à l’échelle internationale (commerce, diplomatie, climat…) ;

La capacité à faire l’agenda est impérative : face à la force de frappe des opposants à la construction européenne, le silence et la langue de bois ne sont plus des réponses, sauf à se condamner à disparaître ;

L’incarnation du projet est indispensable : tant que les actions ne seront pas présentes dans la vie quotidienne des Européens, aucun changement dans les opinions n’est envisageable.

Paradoxalement, l’échec de la communication européenne ne réside sans doute pas dans son incapacité à changer des mentalités entre très nationalo-centrées. Il était illusoire et aujourd’hui impossible d’imaginer que l’UE puisse convaincre, à elle seule les Européens du bien fondé d’une construction européenne tout azimut en même temps. Mais son échec est bien davantage dans sa capacité à laisser prospérer l’idée que l’Europe s’occuperait de tout. Du coup, l’impression que l’Europe déçoit parce qu’elle n’y arrive pas sur pas mal de sujets qui en fait ne la concernent pas prioritairement, suivant le souhait des Etats, est dorénavant le sentiment le plus partagé.

Remettre la communication de l’Union européenne sur les rails ne passera que par une redéfinition claire et démocratiquement approuvée du périmètre d’intervention de l’Union européenne : qui trop embrasse, mal étreint, et finit par s’épuiser.

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