Les députés européens sur Facebook et Twitter : une ethnographie des usages

Au-delà de la nouveauté ou de l’engouement pour les médias sociaux, qui d’ailleurs seraient toujours insuffisamment exploités ou mal utilisés, Sandrine Roginsky s’attache à mettre l’expérience des élus européens en situation dans le dossier « « l’Europe sur les réseaux sociaux » publié dans la revue « communication & langages » n°183 en mars 2015.

Comprendre les usages médiatiques des réseaux sociaux en pratique des acteurs politiques européens

Dans leur souci de mettre en place une communication efficace et rationalisée pour tenter d’exister simultanément dans plusieurs espaces, les eurodéputés sont de plus en plus nombreux à utiliser les réseaux sociaux. Par exemple, en avril 2014, 520 sur 751 sont présents sur Twitter : 68% des eurodéputés.

L’arrivée des réseaux sociaux dans l’arsenal communicationnel a participé à transformer la pratique :

D’abord, la pratique de l’écoute et de la veille est devenue permanente et ne se limite plus aux articles de presse. Les médias sociaux sont utilisés pour rendre la température des discussions autour des élus, qui portent intérêt et attentions aux réactions des publics.

Ensuite, la pratique d’écriture a été transformée avec une nouvelle forme : le partage d’informations médiatiques et politiques qui ne sont pas directement produites par les élus, qui doivent exister quotidiennement.

L’éditorialisation des informations est désormais une marque de fabrique des députés européens sur les réseaux sociaux. L’intégration de techniques de rédaction journalistiques implique une convergence et une hybridation qui brouille les lignes de démarcation entre « faire le média » et « utiliser le média ».

Les dispositifs d’écriture numérique proposent des plateformes empreintes du modèle mass-médiatique.

Réintroduire les acteurs politiques européens en contexte pour comprendre les usages

La thématique de l’innovation est souvent l’objet d’une rhétorique à visée stratégique qui est essentielle pour construire le leadership politique. Mais, la technologie n’est pas innovante « par nature », ce sont les usages et les pratiques qui déterminent le caractère de l’innovation.

Les publications sur les réseaux sociaux participent à construire l’identité – au moins dans le discours – des députés dans une sorte d’impression management. Les députés européens se présentent comme des professionnels politiques et des experts des sujets européens.

Les réseaux sociaux se différencient en fonction des publics représentés. Sur Facebook, les militants ou sympathisants reçoivent des messages à visée pédagogique ou partisane. Sur Twitter, le réseau des journalistes, l’expertise est davantage valorisée par les élus européens.

Au total, les réseaux sociaux facilitent et accélèrent certainement les processus de communication entre les acteurs des systèmes médiatique et politique. Mais, ils semblent connecter des acteurs qui étaient déjà en relation, sans forcément susciter des relations nouvelles entre les élus et les citoyens ordinaires.

Autrement dit, si les réseaux sociaux offrent une nouvelle fenêtre aux députés européens pour parler d’Europe, ceux-ci continuent de s’adresser aux mêmes publics, ceux qui étaient déjà intéressés par l’Europe et la politique.

L’interaction entre l’élu et le citoyen – l’innovation la plus souvent annoncée – est largement sur-évaluée ; un décalage entre les attentes et les utilisations concrètes des praticiens.

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