Archives mensuelles : janvier 2015

Pourquoi la communication du président du Conseil européen est compliquée ?

Lors de la réunion du groupe de travail sur l’information le 16 janvier dernier, l’organisation du service des porte-parole du président du Conseil européen a été présentée. Une occasion pour mieux comprendre la difficulté d’une communication qui doit savoir à la fois se rendre invisible ou au contraire hyper-visible…

La communication du président du Conseil européen : l’équation impossible

Les différentes missions du président du Conseil européen, Donald Tusk, rendent sa communication particulièrement difficile :

  • En tant que facilitateur et créateur de consensus lors des négociations entre chefs d’Etat et de gouvernement lors des Conseils européens, la communication doit rester, lors des cénacles internes, invisible, discrète pour réussir ;
  • En tant que représentation extérieur de l’UE en matière de politique étrangère et de sécurité commune, sur la scène internationale, la communication du président du Conseil européen doit au contraire être hyper-visible au point que certains envisagent qu’il incarne et donne un visage aux institutions européennes.

Face à cette double contrainte, l’organisation du service de porte-parole se révèle forcément délicate.

L’organisation de la communication du président du Conseil européen : un équilibre politique et institutionnel

Première traduction de l’équilibre délicat à trouver, la place qu’occupe le service des porte parole : l’équipe fait intégralement partie du cabinet du président du Conseil européen, en étroite collaboration avec la direction média et communication du Secrétariat général du Conseil.

Une seconde manière de traduire la nouvelle communication du président du Conseil européen – à la fois hypo et hyper-visible selon les périodes – consiste à réorganiser les réunions du Conseil européen :

  • Inclure systématiquement à l’agenda des sujets incluant les affaires étrangères ou de sécurité ;
  • Concentrer l’agenda sur quelques priorités pour parvenir à des conclusions plus concises ;
  • Démarrer plus tôt les réunions et les rendre plus courtes, afin de faciliter des contacts élargis avec la presse, lui permettant de mieux traiter les Conseils européens suivant leurs deadlines.

Au total, la communication du président du Conseil européen – en tentant la synthèse impossible entre hypo et hyper-visibilité – tente de traduire autant que possible l’ambiguïté byzantine du poste récemment créé.

Registre de la transparence de l’UE pour les lobbies : entre refonte et réforme

Tandis que la Commission européenne annonce la refonte du registre encore non obligatoire de la transparence pour les lobbies, l’Alliance pour la transparence du lobbying et du règlement de l’éthique (ALTER- UE) publie une enquête qui démontre comment l’approche volontaire de la transparence du lobbying ne parvient pas à offrir une image précise de la scène de l’influence à Bruxelles et plaide pour une proposition législative pour un registre des lobbyistes juridiquement contraignant…

Refonte : la Commission européenne progresse dans une démarche pragmatique pour rendre incontournable le registre de la transparence pour les lobbies

Première étape, rendre conditionnel l’inscription au registre des lobbies pour rencontrer les Commissaires, les membres des cabinets et les hauts fonctionnaires.

Avec cette contrainte mineure, mise en place depuis le 1er décembre dernier, le nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a fait progressé la transparence : « Les lobbys se bousculent au portillon du registre de transparence européen » selon Contexte qui calcule que « depuis cette date, le nombre de lobbys référencé a cru de 8,3 %, passant de 7050 à 7636. Une progression record en deux mois, comparée à la même période l’année dernière (2,9 %) ».

Citons également l’analyse publiée dans Le Monde sur « Bruxelles, paradie des lobbies » :

Le registre n’est toujours pas obligatoire mais il introduit une contrainte de taille : seuls les lobbies qui y figurent pourront rencontrer les commissaires, les membres de leurs cabinets et les responsables des directions générales – les influentes administrations de la Commission. Du coup, plus de 500 groupes d’intérêt non encore référencés se sont précipités ces dernières semaines pour s’y inscrire. Pour la Commission Juncker, qui a promis de reconquérir le cœur des citoyens européens de plus en plus eurosceptiques, l’enjeu est politique.

Deuxième étape, rendre plus ergonomique la consultation et plus détaillées les informations avec une refonte du registre des lobbies, en ligne depuis hier :

  • Les lobbies sont désormais invités à fournir un montant global pour leur chiffre d’affaires annuel ;
  • Nouvelles règles sur le nombre total des lobbyistes ;
  • Nouvelles indications sur les membres, au sein des lobbies qui participent à des groupes d’experts de la Commission et à des inter-groupes parlementaires ;
  • Recommandation pour mettre à jour, au besoin, au moins trois fois par an.

Troisième étape, rendre le registre obligatoire pour toute activité de lobbying avec les institutions européennes.

Le Vice président de la Commission européenne, Frans Timmermans, prévoit de présenter un projet d’accord interinstitutionnel pour un registre des lobbyistes qui s’imposerait également avec le Parlement européen, et in fine avec le Conseil de l’UE.

Cette démarche pragmatique pour rendre le registre de la transparence de l’UE pour les lobbies obligatoire, par étapes et avec des mesures incitatives, va dans la bonne direction, même si certains trouvent que la « refonte » ne va pas assez vite.

Réforme : ALTER- UE démontre les limites du registre volontaire et non sanctionné et plaide pour un registre obligatoire imposé par une proposition législative

Dans son enquête « New and Improved? Why the EU Lobby register still fails to deliver », ALTER-UE dénonce que certains des principaux groupes qui font activement du lobbying auprès des institutions de l’UE ne sont pas encore enregistrés dans le registre de transparence de l’UE.

Pour ALTER-EU, un trop grand nombre de données saisies dans le registre sont peu fiables, celles qui touchent en particulier au client, soit non divulguer, soit masquer derrière des acronymes :

  • Environ 150 groupes de pression ont indûment classés leurs clients comme « confidentiel », « pas applicable », « N / A », « none »…
  • Plus de 200 groupes de pression identifiés leurs clients par des acronymes indéchiffrables.

Par ailleurs, les dépenses et le nombre de lobbyistes sont souvent sous-déclarés. Deux exemples, parmi beaucoup d’autres :

  • Goldman Sachs, inscrit tardivement en novembre 2014 déclare ses dépenses sous la barre des 50 000€ en 2013, alors que dans le registre, Kreab Gavin Anderson le considère comme un client entre 200 000€ et 250 000€ la même année…
  • Google, déclare 7 lobbyistes, immédiatement suivi par une liste de 8 lobbyistes disposant de passes parlementaires…

En attendant un registre des lobbyistes juridiquement contraignant, ALTER-UE recommande une série de mesures incitatives afin de maximiser la conformité avec le registre volontaire actuel :

  • Une obligation pour tout le personnel de la Commission de ne pas rencontrer de lobbyistes non enregistrés ;
  • Une exclusion de la participation des groupes d’experts pour les groupes de pression non enregistrés ;
  • Une non participation des personnels de la Commission, des Commissaires et des eurodéputés à des événements et activités organisés ou parrainés par des groupes de pression non enregistrés.

Au total, entre la démarche pragmatique mais lente prise par la nouvelle Commission européenne, qui porte d’ailleurs déjà des fruits concrets et la réforme souhaitée par les observateurs maximalistes, le registre de la transparence de l’UE pour les lobbies fait l’objet – fort légitimement – de toutes les attentions.

Quels sont les résultats du projet-pilote de la campagne de communication corporate : « l’UE travaille pour nous » ?

À l’occasion du 2e « lunchtime briefing » au Comité des Régions, les principaux résultats du projet-pilote lié à la campagne de communication corporate de l’UE ont été présentés et discutés ; une occasion de corroborer de nombreuses hypothèses sur l’absence concrète d’un espace public européen, l’importance de la TV pour toucher un large public ou l’absence de communication commune entre institutions européennes…

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La première campagne de communication corporate d’envergure pour l’UE

Béla Dajka, le chef de la communication corporate au sein de la DG COMM à la Commission européenne a présenté les premiers résultats de la première campagne de communication corporate de l’UE :

Pourquoi ce projet-pilote ?

Parce que 80% des Européens réclament un message plus clair de l’UE et 70% sont mal informés en matière d’affaires européennes.

Comment ?

Dans 6 pays (Allemagne, Pologne, Finlande, Espagne, Portugal et Lituanie) en 2 vagues : 1. de novembre à Noël et de 2. de mi janvier à mi février.

Quelles innovations ?

Première novation, au-delà de l’importance du budget consacré à la promotion de l’UE (12 millions d’euros), le fait que cette action de communication repose sur une base légale prévue dans le programme « Europe 2020 » (cf. COM(2011) 500/II).

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Deuxième innovation, l’intention de toucher un large public, bien au-delà des « usual suspects » intéressés par les affaires européennes, ce qui s’est traduit par :

  • Des événements presse et de street art pour lancer les campagnes, avec des résultats beaucoup plus significatifs avec la présence des Commissaires nationaux ;
  • Un portail internet pour présenter 80 projets financés par l’UE pour aider les Européens dans leur vie quotidienne ;
  • De l’achat d’espaces publicitaires : TV, presse print et web, avec des messages spécifiquement adaptés pour chaque pays ;
  • Des relations presse et du social media en continu, incluant des « promoted tweets » et des « Facebook sponsored posts ».

Troisième innovation, le parti pris délibéré d’une créativité assumée « from mistrust to re-enchantement » avec une forme quasi poétique, dont l’impact inattendu d’optimisme et de positivité a marqué les pré-tests de la campagne.

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Quelques chiffres

La première vague de la campagne a permis de générer plus de 1,3 milliards de contacts, dont 534 millions via la TV. Plus de 20 millions de personnes se souviennent d’au moins l’un des spots vidéos et 380,000 visiteurs uniques ont consulté le site.

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Le choix de s’appuyer sur un campagne mixant pub TV et en ligne montre que le couverture est efficace en termes de reach pour la TV et d’impact pour le online.

La légitimité accordée à l’UE de communiquer auprès des citoyens

Les citoyens européens reconnaissent à l’UE sa légitimité à communiquer à conditions de ne pas être sur un message politique mais sur une campagne d’informations et de présenter des projets concrets plutôt que des intentions non factuelles.

Quels enseignements ?

La télévision s’impose comme le média de prédilection pour toucher un large public allant bien au-delà des publics européens traditionnels.

Les médias sociaux suscitent des réactions négatives mais sans controverse.

Les campagnes dans chaque espace public national cohabitent sans effet de bord dans les autres pays, et à fortiori sans effet dans un hypothétique espace public européen. Béla Dajka conclut d’ailleurs sur une « remarque controversée » que l’espace public européen n’existe pas dans les faits.

Quels défis ?

Plusieurs enjeux se dégagent pour la suite à donner à cette campagne test qui sera prochainement évaluée :

D’abord, la question de l’évaluation, de l’impact et du « retour sur investissement » pour prendre en compte les effets à plus long terme. A investissement équivalent, la mémorisation de la campagne à la TV est meilleure que sur Internet.

Ensuite, l’enjeu de l’engagement des publics en ligne, de l’adaptation des contenus et des messages aux médias sociaux.

Enfin, la participation des autres institutions européennes, des Etats-membres, et des acteurs qui communiquent au nom de l’Europe.

Au total, l’évaluation de ce projet-pilote pour la communication corporate de l’UE conditionnera les éventuelles prochaines étapes (autres Etats-membres), sachant qu’aucun budget n’est actuellement programmé.

Usage et impact des réseaux sociaux pour la communication de la Représentation en France de la Commission européenne

Deux questions autour de l’usage (comment rester immobile devant l’ampleur des réseaux sociaux ?) et de l’impact (comment tirer profit des réseaux sociaux pour sa communication ?) sont au cœur du mémoire publiée par Anne Vesque après son expérience au sein de la Représentation en France de la Commission européenne. Quelles sont ses réponses ?

Usage : les médias sociaux se sont irrésistiblement imposés à la communication de l’UE

Avec plus ou moins d’avance par rapport aux autres institutions publiques nationales ou internationales, la Commission et ses Représentations ont investi les médias sociaux au point que Facebook, Twitter, Youtube sont devenus incontournables aujourd’hui parmi les outils de communication.

Quel calendrier ?

Dès mars 2006, Margot Wallström impose « EUTube », la chaîne de la Commission européenne sur la plateforme Youtube, uniquement créée en février 2005.

Début 2010, avec la mandant de la nouvelle Commission Barroso II, la communication commence sur les réseaux sociaux. En juin 2010, « du fait de leur croissance et de leur potentiel en terme de stratégie de communication », les comptes Twitter et Facebook sont officialisés.

Un an plus tard, en septembre 2011, la Commission européenne publie sa stratégie de communication consacrée aux médias sociaux. L’objectif est double, communiquer sur les priorités politiques de l’UE et « partager des opinions et des informations, favoriser la discussion et bâtir des relations » avec les citoyens.

En parallèle, la Représentation en France de la Commission européenne se déploie progressivement dans les médias sociaux : Facebook et Youtube en septembre 2011, Twitter en 2012, Flickr en 2012 et Instagram en 2013…

Impact : les médias sociaux peinent à percer auprès d’un large public au-delà des milieux européens

Grâce à l’adaptation des messages aux réalités locales, la Représentation – libre de communiquer à partir des suggestions éditoriales envoyées par Bruxelles – développe une stratégie multicanale :

  • Facebook : communiquer comme on parle, comme si on s’adresse à quelqu’un que pour créer une certaine proximité et donner un coté humain et proche ; éviter les discours institutionnels et privilégier photos et vidéos pour attirer le regard ;
  • Twitter : vulgariser et contextualiser chaque tweet pour qu’il soit le plus percutant et le plus « digeste » possible ; publier du contenu adapté aux réseaux sociaux (infographies, vidéos et images) très approprié ;
  • Instagram : publier, en temps réel, des photos d’événements organisés ou co-organisés par la Représentation et mettre en place des concours photos pour permettre la participation des citoyens.

Quels résultats ?

En terme d’évolution, les chiffres sont encourageants, de mai 2013 à mai 2014, doublement des fans sur Facebook et triplement des followers sur Twitter.

Mais, en termes de stock, les communautés sont décevantes. Sur les 26 millions d’inscrits français à Facebook, la Représentation en France n’enregistre qu’environ 4000 fans. Même si l’Europe séduit peu et l’euroscepticisme est très présent en France, c’est très limité. Sur Twitter, en dehors de la bulle européenne, les interactions sont rares.

Finalement, pour Anne Vesque, après l’étude approfondie des deux réseaux les plus utilisés par la Représentation en France « on retrouve les mêmes « défauts » de communication sur les réseaux sociaux que sur la communication de l’UE en général, à savoir le décalage entre l’UE et les citoyens, l’utilisation d’un jargon communautaire par les institutions européennes ou encore l’absence de dialogue avec les citoyens en dehors de la sphère européenne ».

La communication européenne pourrait davantage être dirigée vers les citoyens pour les amener à s’intéresser à l’Union européenne en prenant en compte plus spécifiquement leurs centres d’intérêts et en utilisant des messages simples à la portée de tous.

La chercheuse Sandrine Roginsky parle elle de l’émergence d’une « e-bulle bruxelloise » pour montrer que les plateformes de réseaux sociaux numériques mettent en lumière les interactions déjà existantes entre acteurs de l’Union européenne et notamment la proximité entre professionnels de l’UE et journalistes.

Au total, « la recherche tend à remettre en question l’idée que le salut communicationnel de l’UE passerait par les réseaux sociaux numériques, du moins dans leur utilisation actuelle qui tend à s’adresser essentiellement aux acteurs déjà mobilisés sur le sujet. »

Priorité au digital dans le budget de la communication de l’UE en 2015

Comme chaque début d’année, le budget pour la communication de l’UE est mis en ligne sur le site de la DG COMM. En 2015, au-delà des mouvements correspondants aux réaffectations de services entre DG souhaitées par Juncker, c’est l’importance sans cesse plus stratégique du digital qui ressort…

budget_2015_communication_Commission_europeenne

Les principaux changements constatés en 3 chiffres clés

Moins 21 millions d’euros, c’est le montant de la baisse du budget consacré à la communication de l’UE en 2015 pour s’établir à un montant global de 72,3 millions d’euros. Cette baisse correspond en grande partie à la perte par la DG COMM du service distribuant des subventions aux médias.

Mais, en fait, cette perte s’établit à un montant total de quasiment 25 millions d’euros, la subvention à Euronews représentant à elle seule 18 millions d’euros;

Du coup, le solde positif, soit un peu plus de 3 millions d’euros, est réaffecté au digital, et plus particulièrement au projet de rationalisation de la présence en ligne de la Commission européenne, ainsi qu’à la pérennisation du projet « Share Europe Online » correspondant à l’animation d’un réseau de community managers placés dans les 28 Représentations afin de communiquer localement dans les réseaux sociaux.

Le reste des mouvements correspond à l’épaisseur du trait.

Les principaux postes de dépenses de la communication de l’UE en 2015

Pour la première fois, c’est tout ce qui correspond aux actions en ligne qui prend la tête des dépenses avec une enveloppe globale de plus de 21 millions d’euros.

Deuxième poste de dépenses, traditionnellement très important, les relais d’information formés par les Centre Europe Direct représentant plus de 14 millions d’euros.

Troisième budget, l’animation des Représentations dans les capitales européennes et les villes principales d’Europe, pour un total de près de 12 millions d’euros.

Au-delà de ces grandes masses, les projets récurrents de la DG COMM sont par ordre d’importance :

  • Les Eurobaromètres : 6,4 millions d’euros
  • Les studios de radio/TV et les équipements audiovisuels : 5,5 millions d’euros
  • L’information aux médias, en particulier l’intensification et la diversification de la production audiovisuelle et multimédia, à l’intention des médias et du grand public : 5,2 millions d’euros
  • Les visites à la Commission : 3,6 millions d’euros
  • Les publications écrites d’intérêt général : 2,2 millions d’euros

Au total, le budget de la DG COMM pour 2015 reflète les intentions politiques de concentrer la communication de l’UE autour de quelques priorités renforcées, tels que l’information aux médias ou le digital.