Aux origines de la politique de communication de l’UE

Alors que la période est à la refondation de la communication européenne avec la nouvelle Commission Juncker, il n’est pas inintéressant d’explorer les premiers âges afin selon Philippe Aldrin et Nicolas Hubé dans « les affaires publiques européennes, un monde de médiations » d’« observer la persistance de l’impératif de « légitimer l’Europe » par la recherche continue de médias et de médiateurs de l’action publique de l’UE »…

1e étape : informer la presse

Dès les années 1950-1960, une véritable politique publique de l’information est amorcée par les exécutifs communautaires selon une conception dont l’inspiration est très proche du pragmatisme prôné par Jean Monnet, qui tient autant de l’éthique démocratique que de l’opportunisme politique.

« L’information régulière, précise et objective de la presse est la base de tout programme d’information. La Haute Autorité est un organisme public qui dépense des fonds publics. Ce n’est que si l’information de la presse est comprise comme une obligation de la Haute Autorité et si celle-ci s’en acquitte avec franchise et efficacité, qu’elle pourra également manier l’information comme un instrument politique d’emprise et d’influence sur l’opinion publique ; car, à défaut, toute action menée dans les domaines des Public Relations, de la vulgarisation, voire de la propagande, manque de base et se trouve vouée à l’échec. »

Extrait d’un document établi en 1960 par le service du porte-parole de la Haute Autorité de la CECA

La démarche consiste à affirmer que l’information sur l’activité des institutions communautaires est une obligation qui s’impose, une contrainte alors même que l’intérêt des médias et du public est encore imperceptible.

À une époque où la question de l’information du public, à tout le moins de la presse, pourrait sembler anachronique, la construction européenne dès son origine se dote d’une véritable démarche d’information.

2e étape : former l’opinion publique

Dans un rapport daté de 1972 et dédié exclusivement à la « politique d’information de la Communauté », les parlementaires européens affirment dans leurs considérants que :

« l’activité d’information des Communautés doit tendre à favoriser la formation d’une opinion publique européenne autonome, celle-ci conditionnant non seulement la continuité de la politique d’unification de l’Europe, mais aussi l’avenir de la démocratie parlementaire dans la Communauté ».

Autrement dit, la préoccupation des origines portant uniquement sur la presse s’élargit également à la formation de l’opinion publique, incluant de facto au –delà des seuls journalistes les « multiplicateurs d’opinion » que représenterait tout entrepreneur de la cause européenne auprès de ses propres publics.

3e étape : s’informer de l’opinion des citoyens

Cette stratégie de développement de l’appareil d’information et de participation à la formation de l’opinion conduit naturellement à la volonté de disposer d’instruments de « feedback » pour mieux connaître l’attitude des Européens à l’égard de l’intégration européenne afin de mieux agir.

Au début des années 1970, la structuration de la Direction générale à la Presse et à l’Information (« DG-X ») et la création du programme Eurobaromètre en 1973 traduisent la mise en instruments de cette politique.

4e étape : une politique de relations publiques

Afin de poursuivre le travail sur l’opinion publique, les institutions européennes établissent une participation active de toute une série de professionnels-partenaires extérieurs aux institutions communautaires et favorables au projet d’unification de l’Europe : journalistes accrédités mais aussi universitaires, syndicalistes, relais et réseaux d’information constitués par les chambres de commerce, les bibliothèques, les associations, etc.

Les contacts, transactions et échanges d’information avec les ressortissants des politiques communautaires s’organisent aussi parallèlement à travers les groupes d’experts. D’abord informels, avant de se routiniser et de s’institutionnaliser, ces groupes consultatifs rassemblent des représentants d’intérêts, des spécialistes et des fonctionnaires nationaux autour des hauts fonctionnaires de la Commission. En l’absence d’appareil bureaucratique maillant le territoire et de guichets où s’incarnerait son action, la Communauté active toute forme de médiations avec ses publics.

Dès les années 1960-1970, l’Europe politique cherche à tisser sa légitimité en démultipliant les arènes d’interactions, qu’elles soient publiques (la salle de presse du Berlaymont) ou discrètes (groupes d’experts), qui relient ses agents aux autres univers sociaux investis dans la construction européenne.

Ainsi, dès les origines, face au « problème de l’opinion publique européenne » que l’on désignera bientôt comme le « déficit de légitimité » de l’Europe, l’UE instrumente très tôt les relations publiques.

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