Médias et Europe : je t’aime, moi non plus

Les élections européennes semblent à bien des égards se transformer en campagne contre les médias dans leur traitement déficitaire de l’Europe au point que le secret des sources sur France culture s’interroge : le désintérêt médiatique pour l’Europe : choix ou incompétence ? Quelle est la relation entre l’Europe et les médias aujourd’hui ?

Journalistes et eurocrates : même combat face à la défiance du public

La défiance du public envers les journalistes est au moins aussi importante que celle envers les eurocrates. Le métier de journaliste est quasiment le pire au monde, selon les classements internationaux, à moins que ce ne soit celui de fonctionnaire européen.

La crise de la presse traditionnelle – sa perte de lecteurs et d’annonceurs – est au moins aussi béante que le déficit démocratique de l’UE. Autrement dit, a distance entre les journaux et les citoyens devient équidistante de celle entre l’UE et les citoyens.

Résultat ? Les médias tentent de sauver leur fond de commerce et l’UE aurait intérêt à regarder ce que tentent les journalistes pour restaurer la confiance…

Les pure players, nouveau modèle du journalisme européen ?

La principale disruption dans le monde des médias ces dernières années est constituée par l’apparition et le développement international des pures players de l’information : Huffington Post, Slate, Buzzfeed, The Onion, Vice, Quartz, Upworthy…

Ces sites d’information qui cartonnent en Amérique du Nord et débarquent en Europe représentent un nouveau modèle de « journalisme » qui ne repose pas seulement sur le low cost mais surtout sur l’irrévérence, le décalage et les médias sociaux pour attirer l’audience.

Evidemment, l’UE n’est pas « médiagénique » et cette tare génétique n’est pas prête de changer. Pour autant, les nouveaux acteurs de l’information en ligne sont autant de sources d’inspiration pour un journalisme européen renouvelé :

  • les journalistes tentent d’intéresser avec de nouveaux angles, sur le fond, qui s’appuient sur les nouvelles lignes de fracture dans la société entre les inclus et les exclus mais aussi sur les nouvelles cultures de la TV, du cinéma, des séries TV…
  • les journalistes innovent, sur la forme, avec des nouveaux formats de narration…

Au-delà du modèle de l’information institutionnelle sur l’UE

Trop souvent, l’association entre information européenne et grande presse d’information et d’opinion apparaît comme une évidence irréfutable. L’information européenne correspondrait à un type de médias très particulier rassemblant une couverture technique de l’actualité institutionnelle européenne et un lectorat de CSP+ multilingue, enfin plutôt bilingue anglais. Autrement dit, la presse européenne, ce serait, de facto, quelques médias anglo-saxons ou bruxellois.

Pourtant, plusieurs exemples de journalisme européen mêlant boradcasting et interactivité démontrent qu’il est tout à fait possible d’intéresser le grand public à l’Europe en s’y donnant la peine :

  • Fish Fight : une émission dans le genre de Thalassa, version UK, a lancé une pétition en ligne pour lutter contre certaines techniques de pêche destructrice des fonds marins en complément d’un reportage ;
  • Battle Front : une série de TV réalité consacrée au chômage des jeunes s’appuyant sur le suivi de quelques jeunes encadrés, notamment par des « coachs » recourant aux programmes d’aides européennes ;
  • Voting Aid : un programme à la TV finlandaise de sondages via les médias sociaux en temps réel et accompagné de fact checking permettant aux électeurs de se positionner lors d’un scrutin législatif…

Au total, les médias comme l’UE sont chacun en rupture avec leur public et à défaut d’une prise de conscience sur les tentatives des uns et des autres pour restaurer la confiance, la crise de la presse comme le déficit démocratique de l’UE ne sont pas prêts de se résorber.

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